Témoignage d’après-coup
par Claudine Casanova – 27 septembre 2015
Je le rappelle, j’ai demandé à faire la passe pour vivre une expérience nouvelle afin de « ne pas mourir idiote », mais j’ai bien failli mourir idiote, car pour moi, la passe se réduisait à la rencontre avec les deux passeurs. Contrairement à d’autres qui tentaient de me faire entendre qu’en demandant la passe, ils avaient la question de la nomination » derrière la tête » , je n’avais aucune arrière pensée en faisant cette demande, pour la bonne raison, dont je prends conscience aujourd’hui, que j’avais complètement occulté l’Acte II de la passe !
Aussi, quelle ne fut pas ma stupéfaction lorsque la secrétaire de la passe m’a annoncé au téléphone, ma nomination ! Elle peut en témoigner, je suis restée sans voix ( voie ?). Je suis tombée dans un état d’hébétude incommensurable que j’ai traîné depuis, jusqu’à il y a peu, c’est à dire cette semaine où j’ai pu mettre un nom sur l’état de désarroi dans lequel j’étais : je me suis reconnue dans ce que Alain Badiou appelle désêtre . Je le cite : « Le désêtre est cette disposition conservatrice du sujet humain qui le ramène à la survie animale, à sa seule satisfaction et à sa part sociale.
Le désêtre est ce qui interdit à un sujet d’expérimenter ce dont il est capable.
Il vaut mieux un désastre qu’un désêtre. »
Pour moi, les deux étaient condensés en un : le désêtre était un désastre dont je ne savais pas si je m’en sortirais et encore moins comment !
Le désêtre dans lequel m’a plongée l’annonce de ma nomination se heurtait aux hypothèses imaginaires de ceux qui, ou bien n’avaient pas été nommés, ou bien ne s’étaient pas soumis à la passe et elles m’apparaissaient pures fantaisies au regard de ce que je vivais…
Me voilà, désormais, repartie du désêtre au désir après ma traversée du désert !
J’ai donc pris acte ces jours-ci, de ma sortie du douloureux tunnel, en nommant le désêtre et, dans le même mouvement, en m’en satisfaisant comme ce qui va de paire avec l’analyste, car s’il est question du désêtre de l’analyste dans notre champ, l’être de l’analyste importe peu , il peut juste , surtout s’il prend la consistance d’un moi, donner à certain, le sentiment d’exister aux yeux du monde et même l’amener à enfler comme « la grenouille qui se veut faire aussi grosse que le bœuf » ! A chacun sa référence : pour certains c’est le jargon qui se veut psychanalytique, pour moi c’est la littérature.
Je tiens à une petite remarque finale, en forme d’hommage à l’un des dessinateurs assassinés, car je ne voudrais pas voler à Wolinski (dont j’ai découvert, pas plus tard que mercredi soir, au théâtre, la pièce dont il est l’auteur Je ne veux pas mourir idiot) sa part d’effet positif sur ma sortie du désert.