1 mai 2009
Ce que vient de dire Florence Briolais ( Psychanalyse, exil) me laisse penser que les psychanalystes sont comme les truites des eaux vives particulièrement sensibles à la pollution politique lorsqu’elle menace l’intégrité du sujet parlant. La psychanalyse est inconciliable avec toutes formes de dictature, quelle soit racialiste,autocratique , théocratique ou capitaliste dans sa phase néolibérale. Au fond, l’analyste est un libéral authentique, un partisan de la liberté mais d’une liberté subordonnée à l’éthique du bien commun. Il ne se comporte pas, du moins ne le devrait-il pas, tel cet égotiste concurrentiel requis par le mythe du marché. Sa pratique crée du lien social et trouve place parmi d’autres pratiques du soin psychique. Ce fut mon expérience durant plus de trente ans au sein d’une équipe de CMPP, du Centre médico psycho pédagogique de Marmande en Lot et Garonne pour être précis. Vous savez sans doute que ces centres, au nombre de 470 en France, proposent des traitements ambulatoires à des dizaines de milliers d’enfants et d’adolescents chaque année. Psychologues, psychiatres, psychanalystes, orthophonistes, psychomotriciens, enseignants spécialisés, y accueillent les symptômes des enfants relevant de névroses et de plus en plus souvent de psychoses. Ce qui caractérise ces établissements médico-sociaux, depuis leur création à la Libération, c’est l’ouverture des orientations théoriques faisant sa place à la psychanalyse.
Et bien ces lieux où la psychanalyse démontre son efficacité dans l’amélioration des symptômes actuels de l’enfant, comme dans la prévention des psychopathologies futures, ces vénérables CMPP sont, à terme proche, menacés de dissolution comme toutes les conquêtes sociales issues de la victoire sur la barbarie nazie. Comment ? Selon trois atteintes qui vident et dénaturent leur fonction.
1- Par des atteintes sournoises à leur logistique. Depuis septembre 2008 les frais de déplacement des enfants pour leurs soins ne sont plus remboursés. Ces économies minables pénalisent les familles les plus démunies vivant en milieu rural ce qui est le cas pour le CMPP de Marmande.
2- Par des réductions drastiques des moyens en pédagogie spécialisée.
Dans sa politique de démantèlement des services publics, le pouvoir néolibéral supprime les postes d’enseignants détachés auprès des CMPP. Tel est le cas récent du poste de Directeur pédagogique du CMPP de Narbonne.
3- Par la limitation de la durée des traitements avec la préconisation de les réduire à six mois au-delà desquels, pour une prolongation des soins, les dossiers seraient traités par la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH). C’est la menace la plus grave qui vise directement la pratique psychanalytique et plus globalement tout soin respectant une éthique du sujet qui demande une durée d’élaboration incompatible avec l’exigence de rentabilité immédiate. Champ libre donc pour les fausses promesses des thérapies comportementales, c’est-à-dire d’écrasement du sujet de la parole par la violence de la suggestion. Chantage qui pourra être imposé aux familles : ou le redressement orthopsychique de leur enfant ou son inscription comme handicapé.
Ce n’est qu’une menace mais à prendre au sérieux car elle est contenue dans le funeste rapport d’Édouard Couty, conseiller Maître à la Cour des Comptes. Telle va la dictature économique que c’est un comptable qui dicte à toutes les professions du soin psychique les orientations aberrantes de la psychiatrie sécuritaire. Ainsi le psychanalyste, comme chaque citoyen, est-il rattrapé par les virus idéologiques du néolibéralisme, cette profonde régression de la civilisation vers une barbarie post-humaine.
Alors que faire ? A question béante, réponse ouverte : il faut sortir du discours capitaliste. Par où ? Par des voies singulières, au un par un, à condition d’être nombreux, sachant que les utopies collectives tournent toujours au pire. Selon quelle voie ? C’est ce qui reste à explorer.
