Pas de mère

16 février 2011

Séminaire Alençon : qu’est-ce qu’une mère ?

Ce soir je vous parlerai encore de Médée en espérant ne pas trop vous lasser avec ce personnage. Comme j’ai du déjà vous le dire d’une façon ou d’ une autre, le choix de celle-ci pour poursuivre mon élaboration autour de ma question : qu’est ce qu’une mère ? est déterminé par le fait qu’avec celle-ci il y a un réel ratage de la fonction maternelle qui s’affiche de façon exemplaire et c’est toujours par le ratage qu’on apprend quelque chose. Quand « tout roule » on n’apprend rien.

Ajoutons aussi avant de poursuivre, qu’ à travers le texte de cette pièce c’est bien sûr du sujet qu’est Euripide dont il pourrait être question et si je m’attache au texte c’est que celui -ci y est présent dans ses formulations même, en espérant que les traducteurs n’ont pas trahi l’auteur. Si dans cette pièce la subjectivité de l’époque y est fortement présente en mettant en scène des rois, des reines, un appel à des dieux et croyances qui ne nous disent plus rien et un mode de vie qui nous est radicalement étranger, ce qui est remarquable c’est que le positionnement du sujet dans la structure du langage, disons dans la façon dont sont dites les choses , se retrouve tel quel aujourd’hui en s’ exprimant par la voix de Médée et des autres personnages d’il y a 2500 ans. Ce mode d’assujettissement je l’ai référé l’an dernier, vous vous en souvenez, à la mélancolie en ce qui concerne Médée. Ceci tente bien à prouver que s’il y a bien une nouvelle subjectivité en lien avec l’époque que nous vivons, il n’y a pas de nouveaux sujets. Le sujet, toujours le même, se sert de ce que lui offre ou non son temps pour déployer la logique de son mode d’assujettissement, mettant en scène ce qu’on peut appeler une nouvelle subjectivité. Les formes « symptomales », peuvent différer mais pas la logique du mode d’ assujettissement qui est en jeu .La dictature actuelle du discours de la science qui consiste à faire taire le sujet en ne traitant que le symptôme dans l’ objectif de le faire disparaitre sans chercher quel est sa place dans l’ économie subjective est une véritable catastrophe ,ceci au nom du temps que l’ on a pas , d’ une rentabilité qui prime en lien avec le discours capitaliste. Discours de la science et discours capitaliste sont à l’heure actuelle les deux mamelles auxquelles nous sommes conviés à nous abreuver.

Je reprendrai d’ abord un point qui aurait pu figurer dans ce que je vous ai dit lors de la première séance de cette saison. Parmi tous les personnages qui gravitent autour de Médée il y a la nourrice des enfants, leur gouverneur, le chœur de femmes corinthiennes. Tous savent ce qui va se passer ou du moins pressentent l’éminence d’une catastrophe, ils ne sont pas sans savoir qui est Médée et ce dont elle fut capable par le passé. Ils discutent de tout ça entre eux. Ils ne sont pas attablés aux bistrots du coin, dans les couloirs d’une institution, sous le lustre d’un salon , sur le plateau d’ une émission de télé ou encore dans une salle de conférence, bref tous ces lieux où ça papote en petit ou en grand, ils sont dans la cour d’un palais ce qui revient au même. Et que font-ils en dehors de papoter ? Ils ne font rien qui protège les enfants et les mettrait à l’ abri de la fureur de leur mère. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’ils n’organisent pas de résistance. Ils se voudraient radicalement étrangers aux passions des tyrans capricieux au service desquels ils sont, passions que sont l’amour, la haine, le gout du pouvoir, et se disent bien contents de l’être, ce qui est repris par le chœur des femmes. Et au nom d’un devoir d’obéissance aveugle et non pas par haine des enfants, ils les livrent à leur mère quand celle-ci les réclame pour les tuer et assouvir ainsi sa jouissance vengeresse. Ils les livrent à cette même Médée qui dira juste avant de les tuer ne pas les haïr mais les aimer et de ce fait doit « oublier sa maternité », oublier que ses enfants sont « son cher trésor » pour les sauver par la mort à la haine de ceux dont elle vient de tuer le roi et sa fille, altruisme fou s’il en est. Il y a d’ abord le gouverneur qui se retire et laisse les enfants à leur mère après leur retour du palais. Il fait semblant alors d’ignorer qui est cette femme, celle dont il s’est entretenu avec la nourrice et le chœur. Il fait comme si tout allait bien, comme si Médée n’était pas Médée, comme si elle allait devenir « raisonnable », c’est à dire supporter d’être séparée de ses enfants en les confiant à la garde de Jason et de ce fait à sa rivale , ce qu’à fait Jason lui-même avant lui. Vient en tout dernier la nourrice qui elle, sait qui est Médée et qui cependant fait rentrer les enfants les laissant seuls avec leur mère .C’est un peu comme si elle leur disait « débrouillez vous tout seul » alors qu’elle ne pouvait pas ne pas savoir qu’ils n’en avaient pas les moyens. Après la nouvelle du messager qui apprend à Médée que son plan a réussi, que sa rivale et son père sont morts, le chœur des femmes sait alors ce qui va se passer et se lamente. Quand les enfants crient, et disent leur impuissance à échapper aux coups de leur mère, c’est la seule fois dans la pièce qu’ils prennent la parole, se manifestant vivants juste avant d’être morts, elles papotent encore se demandant s’il faut intervenir et « sauver les enfants du meurtre ». Les enfants les supplient de venir, personne ne bouge et l’instant d’ après il est trop tard… « Silence, on comprend qu’ils sont morts » est-il écrit dans la pièce.

C’est bien ici par l’intermédiaire de tout ce monde, nourrice, gouverneur, femmes de Corinthe et Jason en tout premier que fonctionne le discours de l’ignorance (le discours capitaliste). Il est le même dans sa structure que celui qui a été mise en œuvre par le monde occidental qui a livré les juifs à Hitler. Celui ci voulait ignorer le nom de celui à qui ils les livraient, se soumettant à la loi d’une administration anonyme à sa botte. Ils ont ignoré férocement qu’Hitler c’était en quelque sorte leur nom propre de jouissance, par déplacement. Hitler nom de celui qui leur permettrait de réaliser leur fantasme, ce qui vire toujours au cauchemar et ce à quoi met une barrière le discours du maitre, celui de la disparition des juifs désignés comme responsables des malheurs de leur monde. C’est ce discours, que d’une façon surprenante à notre époque, qui dans ce domaine a d’autres ressources, qu’a repris ce jeune garçon dont nous a parlé Emmanuel Lehoux la dernière fois pour tenter de s’inclure dans une histoire qu’il n’avait pas.

Dans un texte, que j’ai relu ces derniers temps, de Marie-Jean Sauret dans le séminaire qu’il a fait avec Pierre Bruno : « Deux, l’amour », parlant de la passion de l’ignorance, Marie-Jean y associe le signifiant d’indifférence, passion de l’ignorance, de l’indifférence. Je ne sais si c’est de son cru ou s’il reprend un énoncé de Lacan mais je trouve que c’est particulièrement bienvenu. Quand on sait que ce qui régit le gros des rapports humains, dans le contexte du discours capitaliste ultra libéral qui est le notre, peut s’énoncer crument par cette phrase qui ne vous est pas étrangère : « à chacun sa merde ! » on peut affirmer que l’ignorance et l’indifférence vont bien de paire. Quand je vous disais que ce que Lacan nomme, dans le contexte du 20 IIème siècle, discours capitaliste, que ce n’est pas d’hier qu’il est à l’œuvre dans le cœur des hommes, ceci en témoigne. Il donne à la pièce d’Euripide toute sa modernité, voire sa post- modernité car cela aboutit à l’effondrement du monde civilisé régit par des lois qu’était Corinthe et qui le démarquait du « pays barbare » d’où vient Médée, pour reprendre ses propres termes.

La nourrice , le gouverneur, les femmes de Corinthe reculent ,voire ne se posent pas la question si ce n’est dans un trop tard , malgré leurs parlottes inquiètes et navrées , devant ce qu’on peut appeler la désobéissance éthique pour reprendre le titre d’ un ouvrage proposé aussi pour le Midi-Minuit (La désobéissance éthique ,Elisabeth Weissman,Stock) .Sans doute cet acte que l’ un d’entre eux aurait pu poser , soustraire les enfants à leur mère comme objet pour sa jouissance , aurait changé le cour de l’ histoire de la cité et des enfants de Médée bien sûr ,qui d’histoire en seront réellement privés faute d’ être vivants pour en avoir une .Ceci aurait permis l’ émergence , me semble-t-il, d’un autre discours, celui de l’ hystérique. (Il se trouve situé entre le discours de la science et le discours capitaliste dans l’ ensemble des 8 discours dont j’ai fait état, seule issue de secours en quelque sorte quand on se trouve coincé entre ces deux discours)

Parmi tout ce que l’on pourrait encore dire des trésors contenus dans cette pièce pour éclairer ce qui s’ inscrit comme faits de société au 20ième siècle marqué par différents génocides mais aussi comme faits divers dans l’ ordinaire de notre quotidien qui relèvent de ce qui pourrait s’appeler « génocide privé » , il y en a deux que je relèverai encore qui sont en lien direct avec cette question : qu’ est-ce qu’une mère ? . L’un s’inscrit dans un dire et l’autre qui est tout aussi frappant s’inscrit, à l’inverse, par l’absence d’un dire. Il me semble que c’est ce dire premier qui induit l’absence du dire second attendu, qui n’y est pas. Pour que vous n’ayez pas trop le sentiment que je perds de vue mon sujet, je vais vous dire tout de suite le dire qui manque. Nulle part dans le texte, pas plus par leur mère, que par leur père, la nourrice ,le gouverneur, le chœur des femmes , n’est fait état du prénom des enfants .Les enfants de Médée, ceux qui sont nés de son ventre de femme ,pour lesquels elle avait fait des projets d’ avenir qui ne laissaient aucune place aux enfants comme sujet désirants et dont de ce fait, elle dit qu’ils sont à elle, s’ils sont dits par ailleurs fils de Jason, ces enfants ne sont pas prénommés. Ils ne sont présents dans le texte que comme des objets anonymes que l’on déplace d’un lieu à l’autre au gré de la volonté de Médée. Ils ne se manifestent comme sujet parlant que pour dire leur impuissance face à la fureur de leur mère et appeler au secours.

Ce que va donc dire Médée et que j’ai relevé, pourrait se dire, se dit et j’ai été appelé à l’entendre, quasiment tel quel par des sujets d’aujourd’hui ayant le même mode d’assujettissement.

Le dire au début de la pièce, dont nulle part dans mes vagabondages dans la littérature consacrée à Médée je n’ai vu faire état et qui pourtant je crois signe à sa façon la structure, est donc le suivant : « …moi isolée, déracinée, je suis outragée par un mari pour qui je ne suis qu’un butin, ramenée d’un pays barbare. Et je n’ai ni mère, ni frère, ni parent pour m’offrir un havre dans le désastre qui m’attend. ». Ce qui a retenu d’emblée mon attention dans cet énoncé c’est le « ni mère » qui y figure. N’importe qui en surfant sur internet, à défaut d’avoir des connaissances, comme c’ est mon cas de n’ en avoir pas , sur la mythologie grecque, un peu brouillonne sur la question par ailleurs, me dira bien sûr le nom de la mère de Médée, qui comme tout un chacun en a eu une, du moins biologiquement parlant ( comme il pourrait me dire par ailleurs le prénom de ses enfants) mais ce n’est pas, disons son état civil, qui m’intéresse, mais son dire que je prends au pied de la lettre.

Si on peut comprendre que dans ce pays où elle « isolée , déracinée » elle n’a pas de mère physiquement présente dans les lieux , c’est un fait qui par ailleurs est de son fait ,ce qu’elle dit c’ est qu’elle n’ a nulle part où trouver une femme dont elle pourrait dire qu’ elle est sa mère , qui lui offrirait un lieu qui serait pour elle un « havre », pour se mettre à l’ abri de ce qui s’ annonce pour elle comme un désastre. Le désastre annoncé est celui provoqué par un homme qui la laisse tomber pour une autre et la condamne à être exilée du lieu où elle résidait avec lui. On peut repérer dés maintenant, dans la façon dont je vous formule les choses qui n’est pas ici un hasard, que d’une part je pose qu’une mère est une femme et d’ autre part que deux lieux sont ici en jeu.

Je vous en dis au passage un petit mot. Dire qu’une mère est une femme cela parait une évidence mais, comme toute évidence, elle peut être trompeuse et se doit d’être interrogée. Elle n’est vrai que pour un sujet qui a consenti à être sujet du langage, sujet de l’Autre du langage qui le dit, de croire en cet Autre , de lui faire crédit d’ une certaine consistance si ce n’ est d’une consistance certaine .Ce même Autre dit aussi qu’un père est un homme, ce qui parait tout aussi évident. Mais ceci suppose la reconnaissance de la différence des sexes qui au-delà du sexe biologique met en jeu la fonction phallique qui elle n’est qu’affaire de signifiant, le signifiant phallique et non du pénis que l’on a ou pas. Donc une mère est une femme…Une évidence ? Je pense ici à Anaïs Nin, dont je vous entretiendrai peut être un jour. Auteur plus ou moins connu d’un journal fleuve, elle commence à l’écrire sur un mode compulsif à l’âge de 11 ans. Dès les toutes premières pages de celui-ci elle dit de sa mère qu’elle est « un ange », elle la nomme « mon ange …mon ange chéri »(p 23,Anaïs Nin , Journal d’ enfance 1914-1919 Stock) .De cette mère elle ne peut se décoller et elle montre déjà par ce dire son impasse quant à la question de ce qui s’ avère en fait être une jouissance bien phallique de sa mère et son incapacité à lui donner une signification au regard de la radicale carence de son père qui ne s’ affiche plus ni dans son sens ni dans le sens de la mère comme étant son homme si ce n’ est par son nom que porte la mère. Si sa mère est « un ange » cela laisse temporairement en suspend la question de la sexuation de celle-ci et donc de la sienne , la question de la castration de sa mère en tout premier qui la délogerait d’une position de toute sachante . Donc pour elle « l’évidence » que sa mère est une femme n’en est pas une du tout.

Par ailleurs pour les lacaniens basiques que nous sommes tous à peu prêt devenus, à notre corps défendant parfois ,le signifiant « lieu » s’associe à « Autre » , « lieu de l’ Autre » , tel que Lacan définit l’ inconscient , « l’ autre scène » freudienne , le « quelque part » où cela nous interroge pour reprendre une formule lacanienne devenue mondaine .Si l’ Autre est l’ Autre du langage , ce lieu de l’ Autre est celui d’ un désastre annoncé, quand le père réel n’ a pas fait son œuvre, qui nous condamne à plus ou moins brève échéance à l’ exil quand cet Autre nous laissera tomber, puisque le langage ne peut pas répondre de tout .Ce que met en avant ici le dire de Médée c’est l’existence d’un autre lieu, lieu d’un autre Autre, via une mère, comme refuge, comme havre pour ne pas sombrer dans le néant ,pour ne pas disparaitre « dans une mer sans fond par une nuit sans lune » dirait avec lyrisme le poète à qui je dois sans doute un petit quelque chose de mon style ! Autre de l’Autre dirait Lacan.

Donc pour revenir au dire de Médée on peut aussi comprendre qu’elle ne peut s’en retourner du pays d’ où elle vient, le définissant comme barbare reniant de ce fait « ses racines ». Ici ce qui reste de la fonction du père c’est un trognon de père sur le versant imaginaire, c’est à dire d’un père jouisseur .Il peut être suivant les cas aimé ou haï, peut-être d’autant plus aimé, semble-t-il, qu’il fut trahi par le sujet lui-même comme c’est le cas pour Médée et d’autant plus haï que le sujet s’est senti trahi par lui comme c’est le cas pour d’autres. Mais la trahison est toujours au devant de la scène dans ce que dit le sujet de son rapport à cet Autre imaginaire qu’est aussi son père. La trahison met en jeu une promesse faite auquel le sujet a cru et qui s’avère être une tromperie. La trahison, me semble-t-il, vient là où la castration n’est pas advenue, là où le père réel comme agent de la castration est absent, quand le père en cette place est « radicalement carent ». Pour Médée le traitre haï est Jason qui vient en fait se substituer réellement au traitre primitif que fut son père. Ajoutons que de trahison le névrosé peut aussi faire état mais comme dérobade devant la castration et non parce qu’elle n’est pas advenue. Une promesse ce n’est qu’un dire qui ne contient en lui-même aucune vérité absolue.

Par ailleurs on sait pourquoi Médée n’a plus de frère, puisqu’elle l’a découpé en morceaux pour l’empêcher d’arrêter sa fuite avec Jason. Mais pourquoi dit-elle qu’elle n’a pas de mère. Ecoutons là bien .Elle ne dit pas « je n’ai plus ni mère ni .. », elle ne se dit pas orpheline ou abandonnée par sa mère ou ne récuse pas à la femme qui l’aurait enfanté le droit d’occuper la place de mère, ni a aucune autre qui s’y serait substituée, qui serait alors définie comme mauvaise mère , mettant en jeu le registre imaginaire( la bonne ou mauvaise mère par ses seins de Mélanie Klein). Elle dit « Je n’ai ni mère ni …. ». On pourrait aussi faire la même remarque pour le frère dont elle dit qu’elle n’en a pas et non qu’elle n’en a plus, le glissement sémantique est le même, comme pour les parents évoqués. Dans cette énumération une logique rigoureuse est à l’œuvre. En effet si elle n’a pas de mère elle ne peut pas avoir de frère qui se définirait ici comme enfant né d’une même femme qui serait leur mère et dont ils auraient pâti l’un et l’autre du fait que ce soit celle-ci et pas une autre .Le pâtir met en jeu l’idée d’une jouissance qu’il partagerait de ce fait. Je mets au conditionnel car une jouissance partagée ne relève que de l’imaginaire. La lecture, l’ interprétation , que les sujets feront de la jouissance de leur mère qui leur a été donné à voir , puisque c’ est de ça dont il s’ agit , cette lecture variera d’ un sujet à l’autre puisque ce qui ne se partage pas c’ est l’ inconscient. Il n’y a pas d’inconscient collectif quoiqu’en dise Jung sinon à le confondre avec ce que je tente de mettre en avant ici qui n’est qu’un imaginaire collectif. Mais il ne prend sens qu’avec les signifiants propres à chaque sujet qui feront que son inconscient n’est pas celui du voisin. Ce « pas de mère » avancé par Médée expliquerait peut-être pourquoi elle a pu si allégrement massacrer son dit frère car le lien de fraternité qui lie des enfants qui se reconnaissent avoir la même mère et leur donne une complicité au-delà de leur rivalité intestine et vient la tempérer, n’existait pas. Je parle ici de complicité fraternelle et non de devoir fraternel. Il s’agit donc là d’un jouir de la mère dont ils ont partagé ce qu’elle en donnait à voir, qui est sans doute le lien le plus fort entre humain, le dernier qui reste quand il n’y en a plus d’autre, qui engage le réel du vivant de l’humain. Complicité et devoir fraternels ne sont pas du même registre .Le devoir fraternel d’un humain envers un autre humain engage un autre versant de la fraternité qui est celle de se reconnaitre comme ayant le même père, de se référer aux mêmes « valeurs morales ». Je pourrai épiloguer la dessus encore un bon bout de temps mais nous allons poursuivre et dire pour l’ instant que pour que la complicité s’installe entre humain il faut qu’un primitif processus de symbolisation ait fait son œuvre sinon à tomber dans une complicité qui serait alors délirante ou, à l’inverse, au manque absolu de complicité qui ne permet pas que la rivalité entre frère et sœur ait des limites et les poussent à vouloir réellement s’entretuer voire à le mettre en acte. Dans le premier cas ne pourrait-on pas évoquer Antigone, héroïne de la pièce de Sophocle, dont Lacan nous entretient dans la dernière partie de l’Ethique de la psychanalyse et pour laquelle il parle de « suicide mystique », si dans le deuxième cas Médée répondrait de mon assertion d’une complicité absente ? Je ne m’étends pas sur la question que j’ouvre mais vous ne serez sans doute pas sans repérer qu’Antigone et Médée sont deux figures de femmes qui depuis des millénaires font référence .Elles mettent en question les limites à ne pas franchir, par un père d’une part et par une mère de l’autre, pour le dire rapidement, pour que le monde civilisé ne s’effondre pas où sera en jeu en jeu la question de l’inceste .Deux héroïnes mis en scène par le même, Sophocle c’est quand même saisissant. Ce qu’il nous propose c’est : ou bien la sublime Antigone ou bien l’effroyable Médée, deux femmes dont les femmes se détournent comme modèles quand elles ne sont pas complètement folles et les hommes de même qui n’en font pas leur idéal.

Ajoutons aussi ,pour reprendre un cas de référence de Lacan , qu’ avec ce dire de Médée( ici celle d’ Euripide ) sur lequel je m’appuie pour faire ce développement nous sommes , me semble-t-il, dans une autre logique que celle du président Schreber .Celui ci après la mort de sa mère l’évoque sous cette forme « je ne suis pas non plus resté le fils de ma mère » ce qui est, par ailleurs, tout aussi surprenant dans sa formulation même que celle de Médée . Si Schreber pose par ce dire qu’il a été le fils d’une femme qui a été sa mère et ne l’est plus du fait de sa mort, Médée elle ne se reconnait pas, par le sien, comme ayant été la fille d’une femme qui aurait été sa mère.

Donc si on n’a pas de mère cela voudrait-il dire que l’on ne soit pas né ? Cela pousse à interroger ailleurs la fonction de la mère qui réduirait une femme à mettre bas des enfants parce que son corps la conditionnerait à ce faire, parce que ce serait « la loi de la nature », celle-ci pouvant jouer des mauvais tours par ailleurs, donc sur un versant purement organiciste. La psychanalyse le démontre, la loi de la nature chez l’humain s’efface d’être soumis à une autre loi qui est celle du langage, qui fait que chez l’humain rien n’est plus naturel. Pour une femme avoir des enfants ou ne pas en avoir ce n’est pas naturel, quoiqu’on en dise. Quand il n’y a que cette raison là pour rendre compte de son vouloir un enfant ou de l’avoir eu ce n’est pas de très bonne augure pour l’enfant. Mais déjà dire « je voudrai un enfant parce que c’est normal d’en avoir un quand on est une femme », où c’est vrai le signifiant « naturel » peut venir remplacer le signifiant « normal » en les posant comme équivalent ,décale les choses puisqu’ au signifiant femme répond le signifiant enfant ,qui pose alors une équivalence implicite entre mère et femme .Mais c’est bien à la loi du langage qu’ici on a affaire qui définit une norme à laquelle on peut se soustraire et non à une loi de la dite nature qui conditionnerait une femme, ravalée au rang de femelle, à avoir des enfants parce que cela est inscrit dans ses gènes, effaçant de ce fait le registre de la demande et du désir propre à l’ humain pour le rabattre sur le versant du besoin, naturel donc . Il n’y a que chez des mères d’enfants autistes que je n’ai pas entendu ce décalage (pas bien sûr chez les mères adoptantes d’ enfants qui étaient déjà autistes à leur adoption ou de mères dans l’ incapacité passagère de faire face à leur maternité pour diverses raisons et qui, sans autre recours, les avaient confiés à des « services » qui n’ avaient répondu qu’ à leurs besoins ) . Elles n’exprimaient ni leur désir ni leur non- désir de l’enfant auquel elles avaient donné naissance, pas plus que leur vouloir un enfant parce que c’était normal ou naturel pour une femme d’en avoir mais étaient à cet égard dans une indifférence subjective remarquable .Elles avaient eu un enfant rien à en dire. Ce n’était pas une réponse à leur condition de femme qui donnerait à celle-ci un sens, que celui-ci soit par ailleurs jugé positif ou négatif, ni même un destin dont il serait possible de se réjouir ou de se plaindre ,telle une Médée qui n’ évoque que la douleur en lien avec la maternité ; n’ évoquant le bonheur d’ être mère, comme ce qui va lui manquer, que quand elle est déterminée à tuer ses enfants .Ces mères génitrices, se retiraient de façon exemplaire de la place d’Autre ou plus exactement n’avaient jamais occupé pour cet enfant cette place, où pour le dire autrement cet enfant n’avait jamais été parlé de façon singulière ni avant ni après sa naissance, ce qui n’était pas le cas pour les autres enfants que certaines pouvaient avoir eu par ailleurs.

Peut en témoigner le dire de cette mère à propos de sa fille dont je vais vous faire part pour soutenir ce que je tente ici de dire. Je n’ai pas recherché mes notes et je ne sais si je les ai conservées mais c’est très vivace dans ma mémoire, il y a des rencontres qui laissent des traces, celle-ci en fut une .Cette petite fille devait avoir 9 ans la seule et unique fois où j’ai rencontré sa mère lors de la visite d’admission dans un IME, sans jamais avoir vu l’enfant .Elle avait déjà un parcours institutionnel en psychiatrie et sa mère une fréquentation des psys qu’elle ne portait pas dans son cœur. J’ai pris en charge, selon la formule consacrée en institution, cet enfant jusqu’ à l’aube de ses 16 ans .Le dire de cette mère est à l’ origine de ma première rencontre avec l’autisme dont je n’avais que de vague connaissance livresque sans m’être, comme on dit, coltinée à sa clinique .Il est à est l’origine de mes questions à son sujet .Ce dire m’a laissé abasourdie tellement il m’est apparue décalé, par rapport à ce que j’attendais bien sûr. Il vient en réponse à une de mes questions. Mais disons d’abord que cette mère parlait de sa fille en l’appelant « l’enfant » quand elle était toute petite, utilisant ce signifiant comme on utilise celui qui nomme une chose, ce qui avait un effet très surprenant et noté dans le dossier qui nous avait été transmis .Elle était la quatrième fille d’une fratrie de 4 filles et son prénom était Gaëlle. Fine « limière » du signifiant, j’entends bien sûr le « gars elle » qui se cache à peine sous ce prénom, croyant y lire le désir de la mère. Toute contente intérieurement de ma trouvaille, je lui pose donc la question : « Vous n’avez pas été déçu d’avoir encore une fille ? ». Voici sa réponse, dite sur un ton explicatif : « J’avais eu d’abord deux filles rapprochées, puis j’étais restée un certain temps sans avoir d’autres enfants puis la troisième est née et très rapidement celle ci, elle était la deuxième du deuxième paquet de deux ». C’est la seule façon dont s’est inscrite sa fille pour elle dans ce qui aurait pu être et n’avait pas été son histoire de maman avec elle. Elle me dit alors la commodité de l’affaire pour la layette dont il n’y a alors pas à s’inquiéter puisqu’il y avait celle de l’enfant qui précède. Même pas une contestation quant à ce que laisse supposer ma question sinon qu’elle est nulle et non avenue et ne correspond à rien pour elle, si pour moi, vous vous en douterez peut-être, elle me disait « quelque chose quelque part ». Dire de sa fille qu’elle est « la deuxième du deuxième paquet de deux » comme seule façon de la singulariser par rapport aux autres, c’est le moins du moins que l’on puisse faire. Ne lâchant pas le morceau, ma question suivante fut donc : « Pourquoi l’avez-vous appelé Gaëlle ? » Réponse : « Mon mari est breton » .L’ idiote de psy, que j’étais, aurait bien du s’en douter vu le nom de famille de l’enfant. Le seul petit problème, que je n’ai relevé qu’après, c’est que ses trois autres filles issues du même père n’avaient pas de prénom d’origine bretonne. Je ne développe pas plus ce cas ici.

Ce qui m’ a frappé, dit par ces mères d’enfants autistes ou les proches, c’ est qu’ elles étaient dans les moments de la naissance en état mélancolique , soit conjoncturel , du moins dit comme tel , soit du fait de la structure, sans personne pour y pallier dans l’ entourage au regard de l’ enfant , conjoint absent et /ou psychotique, pas de relais familial, amical, social etc. Pour une telle mère cet enfant était-il alors un objet(a) sans Autre ? C’est la conclusion à laquelle j’en étais arrivée en l’oubliant au fond d’un tiroir pour à nouveau me questionner (Je vous renvoie à ce sujet aux différents travaux de l’APJL ceux de l’assemblée de Toulouse ,mais aussi ceux de Florence Briolais, ceux de Barbara Bonneau qui m’ont fait revisiter mes positions sur l’autisme et vous en dire quelques mots ce soir).Le dire dans le sens mère enfant cela n’aurait guère de sens puisque c’est la mère qui est plutôt dans cet état là ( objet (a) sans Autre ) et réduit alors l’enfant à n’être qu’un vivant dont elle assure les besoins vitaux sans affects en ce qui le concerne, sans qu’il soit ni l’objet de son fantasme ni son objet pulsionnel, ni objet de son désir ni celui de sa demande. Mais cela à un sens si la mère identifie réellement l’enfant à l’objet a sans Autre qu’elle même est à ce moment là et lui en renvoie l’image. Du côté de l’enfant que sa réponse à la position de sa mère, qui inscrit une faillite totale de la fonction maternelle et en amont de la fonction paternelle, soit celle de se mettre en position d’objet a, qui se passe résolument de tout Autre est sans doute sa seule façon de survivre face à ce radical abandon sinon à réellement mourir (mort subite du nourrisson ?? ), Dans une position il y a une réelle identification à sa mère dans l’ état mélancolique où elle se trouve . Il est lui réellement un objet a sans Autre(s) d’où notre difficulté extrême avec ce petit d’humain puisque il nous met en position de ne pas devoir parler, de n’être pas à son égard demandeur et à plus forte raison désirant, nous éliminant radicalement de son champ comme Autre potentiel et comme sujet. J’écrirai cette position a/S barré (je réserverai à ce qu’on appelle un retrait autistique l’écriture a/S1, propre à l’état mélancolique). Je tâcherai de vous dire d’où je sors cette écriture tout à l’heure. J’ai entendu nommer, par Françoise Koller me semble t- il, il y a déjà longtemps, cette position particulière d’objet qu’est l’enfant autiste pour nous, objet condensateur de jouissance que je trouve très intéressante dans la mesure où ni désir ni demande de l’Autre n’ont de place. Il nous met dans un état d’impuissance extrême si comme Autre l’on tente de s’introduire dans son champ (avec lui les petites chevilles ne rentrent jamais dans les trous puisque de trous il n’y en a pas cf. L’Ethique de la psychanalyse) .Dans cette écriture ne subsiste que 2 termes sur les 4 nécessaires pour écrire un discours fut-il de jouissance, là où un psychotique en a trois ce qui le met déjà hors discours. Disparait, radicalement pour lui, dans cette écriture le S1 que je nommerai, si je ne l’ai déjà fait, le nom propre de jouissance du sujet. L’ on pourrait lire , pour ceux à qui cela dit quelque chose, « la seconde mort » dont parle Lacan, toujours dans l’ Ethique, et à laquelle aspire Sade quand il dit ne pas vouloir de tombe sur laquelle son nom serait écrit .Un autiste réalise le vœu de Sade dans la position qu’il soutient dans le monde des parlants auquel il va être confronté . Doublement mort- né dès l’origine comme sujet, celui « acéphale » de la pulsion et celui « anonyme » du fantasme .Ces mères que j’ai entendues ne furent pas très nombreuses dans ma carrière, l’autisme ne court pas les rues, quoiqu’on en dise et malgré un nouveau diagnostic qui vient de sortir « autisme atypique » du côté du cognitivisme dont on affuble maintenant des enfants typiquement psychotiques parce que leur mode d’assujettissement ne permet pas un mode de communication adapté à ce qui fait norme dans le champ social. Il a comme conséquence la mise en œuvre d’un programme pour leur apprendre à communiquer correctement et autres choses du genre.

Après ce petit détour revenons à Médée qui nous dit qu’elle n’a pas de mère. Ajoutons que contrairement à un autiste elle le dit, là où celui-ci nous fait une réelle monstration du fait qu’il n’en a pas, ce que peuvent tenter de faire des enfants psychotiques sous la forme de ce qu’on appelle « retrait autistique » quand ils sont décollés par la force des choses de leur mère voire ceux qui répondent( voire répondaient ) au diagnostic de « psychose infantile » dans les institutions .( La question que je me suis posée est de savoir si le dit « retrait autistique » ne peut pas être aussi une position passagère de névrosé en lien avec une conjoncture d’événements particulièrement traumatisants .Ce sont justement certaines mères d’ enfants autistes qui me semblait plus hystériques que psychotiques qui m’ ont fait me poser cette question mais là je ne jurerai de rien ne les ayant rencontré que de façon épisodique dans les limites imposées par l’institution ) . Médée donc est une vivante humaine, pas une déesse, une femme lui a donné le jour et pourtant elle affirme qu’elle n’a pas de mère. Qu’est-ce qui chez Médée ne serait pas né et serait à entendre au travers de ce dire n’avoir pas de mère ? Que l’on s’oriente vers la naissance du sujet, ne vous surprendra pas sans doute, qui permettra à un humain de dire dans l’après coup de cette naissance : je suis. Au ras de la clinique, celle qui est mise en lumière dans les institutions d’enfants, j’ai le souvenir très aigue du contentement de certains éducateurs très attentifs à la chose quand ,lors de l’appel du matin, un enfant consentait enfin à répondre à l’appel de son prénom, quand d’une façon ou d’une autre, par un signe de la tête , en levant la main, en émettant un son , un « je suis celui qui est nommé là » pouvait se lire à défaut du « présent » attendu . Pour Médée résonnera alors peut-être à vos oreilles son dire, non pas dit tel quel dans la pièce d’Euripide où cela n’apparait pas sous cette forme mais dans celle de Sénèque dont je vous ai parlé l’an dernier où la folie de Médée s’étale au grand jour marquée de perversité.

Médée après qu’elle ait appris que Créon et sa fille ont périt et que la ville est en feu alors qu’elle va tuer son premier fils dit : Maintenant je suis Médée (Médée maintenant je suis) .S’en suit un délire visionnaire où sont présents son père et son frère redevenus vivants et où elle redevient ce qu’elle était avant sa rencontre avec Jason, jeune vierge. Remarquable l’absence d’une allusion à sa mère dans ce délire même. L’on assiste d’une façon très particulière, me semble-t-il, à ce que serait la naissance d’un sujet dans ce réel retour dans le passé. Dans ce prénom elle a la certitude que s’inscrit son destin auquel elle répond, mais elle n’est pas divisée par ce signifiant auquel aucun savoir n’est supposé articulé à celui-ci. Par le meurtre qui suit elle va donc annuler réellement sa position de mère, l’effacer. En dehors même du fait d’être ou non la femme d’un homme, c’est le savoir lié à sa position de femme qui a enfanté qui la supposerait savoir être mère qu’elle se désuppose à elle-même quand, dans un premier temps, bien avant dans le texte elle a projeté de les tuer. Pour le dire autrement ce signifiant S1 ne la représente pas comme sujet auprès d’un autre signifiant S2, mais la représente vraiment .Elle annule ainsi le savoir mis en jeu dans le désir de la mère, dans le fait que celle-ci ait un inconscient, savoir inaccessible au sujet (auquel comme objet a il vient se substituer. dans le discours de l’ analyste a /S2 , ce à quoi on n’ a pas affaire ici , dans le DA le S2 n’ est pas accessible du fait de la castration et non annulé , rejeté , forclos) .On pourrait dire là en suivant le dire de Lacan à propos de Joyce qu’elle se désabonne de l’inconscient. Je mets au conditionnel car a- t-elle un inconscient ? C’est un premier temps où pourrait s’écrire le discours de la haine celui qui rend bête et méchant qu’on l’écrive pour soi même ou pour un semblable. Mais avec Médée nous sommes bien au-delà de la bêtise et de la méchanceté qui ne fait pas défaut aux névrosés, on doit bien en convenir, même en ce qui concerne leurs enfants. Le deuxième temps s’inscrit dans la certitude, que je qualifierai de délirante, que tuer ses enfants c’est la seule chose qui lui reste à faire qui provoque l’éjection radicale du savoir du discours de la haine et la mette alors hors discours.

Ici le S2 est rejeté et non masqué , il s’ agirait là du savoir absolu de la mère avant que sa castration ne s’ affiche .Ce rejet vient bloquer le tournage en rond dans ce discours de jouissance ,S1 et a sont radicalement séparés .Ce que montre cette écriture c’est le « ou bien ou bien » des positions auxquelles le sujet est confronté : ou bien S1 ou bien a, ne pouvant plus passer par l’un pour revenir à l’autre du fait du rejet du S2. Le rejet de l’inconscient ici, me semble-t-il, est à l’œuvre, celui que Lacan met au principe de la manie dans « Télévision ».Dans ce dire « maintenant je suis Médée » c’est le S1 qu’elle choisit .Redevenant vierge, elle est le phallus, le S1 « Médée » étant le signifiant dans lequel il s’incarne voire elle l’incarne. L’autre position celle d’objet a ce sont ses enfants qui en porteront la charge comme étant l’autre part d’elle-même. Dans ce registre ils sont à elle ou plus ils sont elle.

Je vais revenir sur un point que j’ai laissé dans l’ombre la dernière fois .Les discours des passions ne font pas « lien social » comme le permettent, chacun à leur manière , les 4 discours formalisés par Lacan( H, M,U,A à droite sur le tableau des 8 discours ) , ils ne permettent pas l’ établissement de ce que l’ on pourrait appeler « une logique collective » qui gère les rapports entres les humains grégaires que nous sommes, foncièrement interdépendants les uns des autres, pour que ces rapports soient vivables voire fiables et inscrivent dans un avenir possible l’ humanité .Ceci soumet les humains à une loi gérée par la castration ,qui dit que tout n’ est pas possible , on peut le dire rapidement comme cela . Si la ou les passions isolent et détruisent le lien social, elles font cependant l’objet de discours (S, I, H, A à gauche). Elles mettent en jeu un Autre supposé permettre le tout possible par soustraction imaginaire dans chaque discours de ce qui serait une limitation de la jouissance (le terme en bas à gauche qui est masqué qui rejoint le terme en haut à droite). Ces discours permettent au sujet, par tournage des places des différents termes(en suivant les flèches), un passage, de l’un à l’autre : science, ignorance, haine, amour.

Dans cette écriture à trois termes il n’y a plus de passage possible d’un discours à l’autre, il manque un terme pour ce faire. C’est là me semble-t-il qu’on peut dire que dans la psychose, quand elle décompense, on est hors discours où à partir de ce hors discours se greffe ce qu’on appelle donc un délire. Ici il s’ agit du S2, le savoir, qu’éjecte Médée pour elle-même comme mère, la dite science maternelle par moi-même, qui pour elle a été prise en défaut dans « l’avenir » qu’ elle avait par avance écrit pour ses enfants et qui ne se dessine pas tel qu’elle avait prévu , comme je vous le disais la dernière fois .Ceci met en échec les dons de sa position de voyante, de sorcière ,de magicienne, en ce qui la concerne . Dans ce registre on peut la prendre au mot quand elle dit que son savoir ne « va pas bien loin ».Ce qui est d’ ailleurs assez repérable au travers du questionnement, que j’ai pu entendre à la télé, fait aux dits voyants, s’ils peuvent prédire l’avenir pour les autres à partir de signes, ils ne peuvent pas le prédire pour eux-mêmes ! Et c’ est à partir de ce point que je dirai qu’ elle n’ a pas d’ inconscient sinon à ce qu’il fasse retour dans le réel par des signes dont s’extrait un savoir qui ne dépendrait d’ aucun sujet donc délirant .Il apparait sous le mode de l’ affabulation et non de mensonge voire de celui que met en jeu une certaine forme d’initiation ( cf. les épiphanies de Joyce ) .Discours de la connaissance ? Pour décaler le discours de la science de celui de la connaissance on peut dire que dans l’un le S barré est masqué dans l’autre il manque. Le « il n’y a pas de discours de la connaissance » de Lacan qui s’éclaire, puisque nous sommes en présence de l’un des termes qui manque pour qu’un discours puisse s’écrire.

J’ai mis un peu de temps à formaliser ce qui était là sous mes yeux, c’est vrai .Ceci permet aussi de soutenir qu’il n’y a pas de savoir dans le réel si ce n’est celui que le sujet y met, qu’il invente, c’est à dire la façon dont il interprète la jouissance de la mère, celle de l’Autre du savoir et la sienne s’il s’en fait sujet. Voilà donc un petit réajustement des choses.

Pour Médée c’est de cette impossibilité d’attraper un autre discours faute donc de la « science maternelle » dont elle serait détentrice dont elle aurait pu s’imaginer héritière si elle avait eu une mère, que s’origine son délire, c’est une lecture que permet le « je n’ai ni mère ni.. » qu’elle pose au début de la pièce. Le troisième temps est l’acte de pur folie qui va suivre : le suicide de l’objet a que sont ses enfants par leur meurtre, auxquels elle est radicalement identifiée, et qui se résume ici à n’être plus que des petits cadavres qui gisent à ses pieds. Ils ne sont plus fils de Jason qu’elle destitue de sa paternité. Elle va aller les enterrer seule refusant à Jason sa dernière requête de le faire. (Remarquablement dans la pièce d’Euripide elle dit qu’elle va les emporter dans un sanctuaire dédié à Héra .Héra est la sœur et femme de Zeus .Héra et Zeus seraient les parents méconnus d’Hécate déesse de l’ombre et des morts. Hécate : « Dame …qui a sa niche au plus profond de ma demeure » dit de cette dernière Médée dans la pièce d’Euripide. Hécate est la magicienne par excellence et maîtresse en sorcellerie. Est en jeu ici un savoir occulte auquel on est ou non initié .On lui attribue parfois, dans la mythologie grecque, la maternité de Médée. Dans la pièce Médée dit qu’elle l’a choisi « comme alliée ». En ce qui concerne Héra dans sa « biographie » il est dit que celle ci est très jalouse de son mari Zeus qui la trompe .Pour lui montrer qu’elle peut se passer de lui, elle fait un enfant toute seule, Héphaïstos, que finalement elle trouve si laid qu’elle le jette du haut de l’olympe où il met une journée pour tomber et finir boiteux. (Sans père ça boite !). Médée fait mieux, si j’ose dire, elle les tue. Dans ce passage à l’ acte que je dis donc suicidaire, puisque ses enfants sont elle, la barre saute entre a et S barré qui se trouve de ce fait comblé par l’objet ce qui donnerait en dernière écriture a S1.

Le savoir masqué dans le discours de la haine ayant été éjecté, on peut dire que l’objet( a ) par ce passage à l’ acte trouve le signifiant qui le nomme comme sur une pierre tombale . L’ objet a n’ est plus ici incarné si ce n’ est par un signifiant .Aucun vivant n’ occupe plus cette place ,pour le dire en prenant une certaine distance avec l’ incarnation en question de l’ objet a . A rebours, puisque d’une certaine façon c’est le chemin que Médée nous fait faire à l’ envers, comme le serait un enfant non- né, non conçu qui n’existerait que dans l’imaginaire d’une femme pas mère, pas encore mère, qui n’a pas encore mis à l’épreuve son savoir de l’être, ajoutons comme sa mère qui sera en quelque sorte son initiatrice. Faut-il encore qu’il en eut une. Ou encore enfant qui se prénommerait Médée née de mère inconnue qui se promènerait seul dans la nature, sans père qui l’accompagnerait en lui donnant la main, « mort- vivant » dirait Althusser, ou à la recherche duquel il serait dans son errance comme Stephen le héros de l’ Ulysse de Joyce . (Du côté de la clinique je vous renvoie par exemple à une Marie Cardinal « Les mots pour le dire » .Le seul enfant qui compte est l’enfant mort, le petit frère de Marie Cardinal sur la tombe duquel sa mère passe tout son temps quand elle ne s’occupe pas des enfants malheureux, des pauvres, en délaissant sa fille).Pour les enfants de Médée ,la paternité de Jason lui étant réellement retiré par leur meurtre et son refus qu’ils les enterrent ,on peut imaginer qu’ aucun nom , aucun S1, ne figurera sur leurs tombes . Celui qui pourrait y figurer n’aurait valeur que de pré-nom en lien donc avec la pré-nomination.Pré-nom que l’on peut aussi écrire en un seul mot, prénom ; Prénoms ici des enfants que l’on ignore dans la pièce .Un S1 sans doute mais qui ne met pas en fonction un père connu ou reconnu comme homme de la mère s’il met en fonction un non-savoir , un savoir dont l’ accès est impossible, sur le versant du refoulement originaire.

Ici, je vais vous dire, si vous ne l’avez pas déjà déduit vous-même, d’ où je sors l’a/S barré de la position autistique en lien avec un état mélancolique de la mère. Il se déduit à partir du discours de la haine amputé du savoir où la mère ne s’attribue aucun savoir de mère. (Mais aussi bien du discours de la science amputé du savoir, ce qui donne remarquablement deux écritures identiques). Combien de fois ai-je entendu de mères d’enfants « différents », trisomiques par exemple où c’était le plus flagrant et à la limite justifiable aux yeux de tout un chacun, dire qu’elles ne savaient pas .La différence souvent ne s’inscrivait comme telle que dans le champ de la mère .Dans ce registre le dire qui m’a le plus surpris est celui d’une mère d’un enfant psychotique, toujours plus ou moins en état maniaque. (C’est l’enfant dont je parle dans la revue Psychanalyse N 16 Un enfant marquant). Il était le suivant : « c’est un garçon et moi je suis une fille, je ne sais pas ce que c’est qu’être un garçon ». Cela laisse perplexe. Face à cette différence leur savoir de mère qu’elles avaient pu mettre en œuvre avec les autres enfants s’effaçait et de façon très frappante leur savoir d’éducatrice (dont le DU pourrait être l’écriture). Elles n’avaient pas su comment être mère avec cet enfant là et pour certaine en deçà de la position d’éducatrice être une maman, c’est de ce côté que l’autisme peut prendre racine.

L’état mélancolique de Médée dont je vous en ai entretenu l’an dernier, c’est celui dans lequel elle se trouve au tout début de la pièce après le lâchage par Jason pour une autre femme. Dans cet état on ne la reconnait plus, Médée n’est plus Médée. Elle est prostrée, « elle a pris ses enfants en horreur » dit le texte, n’écoute rien de ce qu’on lui dit et veut mourir .C’est le temps préliminaire pourrions nous dire avant qu’elle ne se remette à parler, se plaigne de son sort et fomente son funeste projet, Cet état l’on pourrait le qualifier de retrait autistique si souvent confondu avec l’autisme dans les institutions pour enfants. Ce sont les seuls bien sûr que « l’on guérit » de l’autisme puisqu’ils ne le sont pas. Nous n’en sommes pas encore au suicide de l’objet qui a souvent lieu dans la clinique du mélancolique à la sortie de cet état qui rend ce moment périlleux pas seulement chez les adultes mais que j’ai vu aussi en œuvre chez des enfants. Dans cet état Médée n’est plus Médée, le S1 qui la représente dans le monde comme femme de Jason disparait pour passer sous le a. Je l’écrirai a/S1, l’on pourrait dire que dans cette position le signifiant S1 est hors d’usage. Mais, à la différence de l’autisme, le S1 est récupérable. Le sujet peut en retrouver l’usage pour s’en servir.

C’est donc « maintenant je suis Médée » qui signe le fait qu’elle le récupère. Si vous vous souvenez ce que j’ai tenté de soutenir l’an dernier, la toison d’or est le représentant du signifiant phallique (Grand phi) Médée est le signifiant dans lequel il s’incarne (cf. Encore). Ce S1 est récupérable du fait de l’existence d’un père imaginaire, qui a permis l’émergence de ce que Lacan appellera « un trognon d’Oedipe » pour l’homme aux loups. Le père imaginaire, figure du père jouisseur a qui il faut toutes les femmes est tout a fait pensable chez Médée si on sait que son père de femmes n’en fut pas dépourvu et que de la toison d’or il ne voulait pas se départir. Ce trognon d’Oedipe je le lirai sous la forme d’un vouloir être la femme du père et non vouloir des enfants du père qui serait une autre étape, d’ un côté être le phallus et de l’autre l’avoir. C’est ce père qu’elle dit être son père « bien aimé » au début de la pièce celui qu’elle a trahi en suivant Jason et qui a lui-même trahit Jason en ne tenant pas sa promesse, père vers lequel elle ne peut revenir. C’est celui vers lequel elle revient, sur un mode délirant dans la pièce de Sénèque (qui faute d’être symbolisé fait retour dans le réel signant l’échec de la métaphore paternelle, la forclusion du NDP) .On peut y lire un enracinement imaginaire au père mais pas un enracinement symbolique où quelque chose d’un rapport imaginairement incestueux au père peut s’entrevoir. Pour l’enfant autiste ce S1 n’est pas récupérable pour la bonne raison que pour lui il n’y en a pas. Je le dirai à la lumière de ce que m’a enseigné Gaëlle et la suite de mon entretien avec sa mère. On pourrait dire que Gaëlle ne nommait pas l’enfant mais réellement la mère .Ce Gaëlle la faisait réellement phallus mais pas mère de cet enfant .Ce pas de mère peut se lire ici par l’absence de prénomination de cette mère de son enfant dans son dire même qu’ elle positionne comme étant une chose .Elle n’y était pour rien dans le choix de ce prénom qui s’origine du fait que le père est breton ,ce qui ne veut pas dire pour autant qu’il soit signe du désir du père pour cet enfant ,père par ailleurs psychotique. Ce prénom breton ne lui donnait aucun enracinement du côté du père mais signait plutôt la position de réelle étrangère de cet enfant pour sa mère qui elle était normande de bonne souche. On peut dire que cette mère se l’approprie réellement c’est à dire sans entendre ce que moi j’y avais entendu, il est pour elle sans signification. Elle mettait alors l’enfant à sa place dans la position d’objet a et c’est bien à s’y maintenir pour ne pas avoir le même sort que les enfants de Médée que cette petite fille s’attelait. Est-il besoin de vous dire qu’elle ne répondait jamais à l’appel de son prénom si ce n’est, après 5 ou 6 ans de prise en charge à raison de 3 fois par semaine, à mon seul appel en se levant .Cette petite fille devenue grande sera retrouvée morte dans son lit dans les jours qui suivirent l’ annonce que je lui fis qu’ elle allait avoir 16 ans et que de ce fait je ne la reverrai plus puisqu’ elle devait changer d’ institution .Forte à l’ époque de cette idée qu’il faut préparer les enfants à ce qui les attend ! Aurai-je du lui dire ? restera ma question, puisqu’ elle se passait fort bien de moi sur le temps des vacances par exemple. Le médecin, dans l’impuissance de faire un diagnostic sur ce qui avait provoqué sa mort, dit aux parents qu’elle était identique à celle de la mort subite du nourrisson. Sortie de l’autisme !?

Chez Médée donc, une drôle de division apparait chez elle dans ce deuxième et troisième temps, délire et passage à l’acte .Dans ce troisième temps que je viens de décrire, ces cadavres en question sont donc Médée elle-même comme non vivante, non- né qui la représentent réellement, morceaux de chair mort. Ils ne sont donc pas ce qui reste du vivant à jouir via la jouissance féminine comme supplémentaire, c’est le moins que l’on puisse dire. Dans le deuxième temps qui précède, la Médée vivante se met en position de se reconnaitre elle même sous le signifiant qui la prénomme , « Médée maintenant je suis » , dans une disjonction radicale entre l’objet a qu’elle est comme reste d’une non histoire d’amour entre la femme qui l’a mis au monde, sa mère biologique et elle. Réellement reste d’une jouissance maternelle qui pose sa mère comme étant ce Dieu obscur à laquelle elle sacrifie ses enfants et à laquelle elle s’identifie réellement dans son acte. (Hécate). Cela la fera en finale dans un quatrième temps se présenter comme incarnant le phallus. Médée brille tel un Soleil noir (titre de l’ouvrage de Julia Kristeva, Gallimard 1987) dans le ciel de Corinthe en flamme, seule sur son char, avec le cadavre de ses enfants à ses pieds. Est-ce cela être « une vraie femme » pour reprendre mon questionnement de l’an dernier ? Faute de la signification phallique qui là manque radicalement pas moyen de donner le moindre sens à l’histoire si ce n’est celle de la vengeance à laquelle on a quand même du mal à croire qu’elle puisse pousser une mère aimante à un tel acte, c’ est quand même ce qui fait discourir depuis des siècles sur cette histoire chacun y allant de son interprétation et de sa réécriture de la pièce d’ Euripide pour tenter bien en vain de lui donner un sens, si ce n’ est celui qui arrange le sujet qui l’interprète à la lumière de son fantasme .La vengeance en question pourrait se lire en dernier ressort comme étant adressée au père imaginaire qui n’ a pas voulu d’ elle comme femme ,comme étant « la synthèse de toute les femmes », selon le dire particulièrement remarquable qu’Anaïs Nin attribue à son père avant d’ avoir avec lui un rapport sexuel ,ce qu’il faut prendre avec des pincettes du côté de la crédibilité que l’on peut faire à son dire . Mais il ne donne aucun réponse à la question qu’est-ce qu’une mère ? Si ce n’ est que ce n’est pas ça. Tout mais pas ça.

Vous transposerez ceci pour Hitler où d’une façon encore plus absolue ce sont des cendres, celles des juifs qui le représentent réellement comme non –vivant qu’il sacrifie à un Dieu obscur et qui s’auto-nomme lui-même restant enraciné de façon imaginaire à son père par son nom de famille qui en fait un tyran comme lui .L’ histoire raconte que sa mère, troisième femme de son père (personnage très autoritaire) était servante chez celui-ci du temps de sa deuxième femme , cousine de sa mère. Elle est enceinte quand elle se marie avec lui, âgée de 23 ans de moins que lui. Elle aurait parait-il voulu avorter de lui. Adolf est le 4ième enfant sur 6 dont les plus jeunes meurent en bas âge .Cette femme est dit-on la seule personne qu’il n’ait jamais aimé. Mais s’agit-il d’amour ou d’attachement ?

Cette absence radicale de savoir de mère mis en lumière dans ce passage à l’acte meurtrier n’est-il pas à lire dans le n’avoir pas de mère qu’énonce la Médée d’ Euripide ? C’est ce qu’il me semble .Si tel est le cas ce signifiant qui la nomme ne lui vient pas d’une mère et porte en lui-même son propre destin faisant du sujet un « être sans destin » c’est à dire sans projection fantasmatique dans l’avenir, privé d’un accrochage à une histoire où la chose maternelle serait imaginarisable. C’est le premier pas pour pouvoir s’en séparer. Pour Médée sa mère reste la Chose réelle (non- A) (le Dieu obscur qui pour elle a pour nom Hécate mais qui n’est pas sa mère) non nommée et non pré-nommante auquel elle s’identifie d’une façon imaginairement réelle. Elle nous permet, à nous, d’imaginariser ce qu’est La Chose sous son versant le plus noir voire de la symboliser en lui donnant un nom.

Et conséquence logique, si Médée s’identifie réellement à cette mère non -nommante va apparaitre le dire qui manque, qui brille par son absence dans la pièce d’Euripide, comme dans celle de Sénèque, les enfants de Médée dans l’histoire ne sont pas pré- nommés.

On peut dire comme conclusion pour ce soir qu’entre ne plus avoir de mère pour des raisons diverses et n’avoir pas de mère la situation n’est pas la même. Le ne plus avoir laisse la place à une possible inscription de la perte, le pas avoir non. Pas possible de perdre ce qu’on n’a pas eu ! Perdre pour Médée est impossible. Son dire pourrait s’entendre comme un lapsus, qui serait alors repris avec une notice explicative dans son discours où dans ce mensonge une vérité pourrait se dire de quelque chose de son désir où s’articule son fantasme .Ce fut le cas pour cette analysante qui s’entendant dire « je n’ai pas eu de mère » n’ en revint pas et d’ ajouter dans la foulée joignant le geste à la parole « Mon Dieu de mère j’ en ai une, une grosse comme ça ». Tellement grosse pourrait-on ajouter que de n’en avoir pas aurait bien fait son affaire. Rien de tel dans le dire de Médée où c’est la seule et unique fois dans la pièce où elle évoque sa mère, pour dire qu’elle n’en a pas. Ce « ne pas », cette négation, a mon sens ne s’inscrit ni dans le registre de la dénégation névrotique, comme dans le cas de cette analysante, ni dans celui du déni pervers mais bien dans celui de la forclusion.