Médée, une vraie femme toute Chose

19 mai 2010

Séminaire Alençon : « En corps : qu’est-ce qu’une mère ? »

Je vais aujourd’hui continuer mon travail à partir de la Médée d’Euripide que Claudine Casanova nous avait présentée en janvier.

Pour pouvoir avancer dans ce que je voudrais soutenir, sans trop rester dans un flou artistique conceptuel, j’ai, au fur et à mesure que cela se présentait pour moi dans ce que j’écrivais, développé des points pour dire comment je voyais les choses, ce qui m’a donné beaucoup de fil à retordre et dont je ne jurerai pas que j’en sois venu au bout. Ce qui fait, sans doute possible, un exposé où formellement la tenue laisse à désirer, ce qui n’est pas très grave en soit puisque nous sommes là dans le cadre d’une recherche mais donne un texte qui serait particulièrement long si je vous racontais seulement ce que j’ ai écrit , étant loin d’être venue au bout de quelque chose qui répondrait de façon satisfaisante pour moi de mon titre. Je vais donc ce soir vous en dire une dizaine de pages et vous laisser en plan, temporairement, pour la suite, et Médée avec. On sait qu’elle n’aime pas « être laissée tomber » Médée, mais elle n’en fera pas plus qu’elle n’en a déjà fait. Là où elle dort sur du papier dans nos bibliothèques, nous sommes tranquilles.

En janvier, donc, Claudine Casanova avait conclu son intervention qui avait pour titre : « Médée…une mère ? », en nous retournant la question à laquelle elle était censée répondre : « Alors Médée pour vous est-ce une mère ? ». Je crois qu’elle a mis en valeur dans ce retournement, quelque chose qui est fondamental, dans ce qui est mis en œuvre dans la tragédie antique, et face à ce mythe de Médée mis au travail, c’est que le sujet que nous sommes s’y trouve interrogé et que la réponse donnée à la question s’effectue au un par un. Bien sûr il s’agit là d’un mythe mais, comme tous les mythes, il vient mettre en lumière ce que le discours de la science ne fait pas, soit laisser la parole au sujet en dehors de laquelle aucune réponse n’est la bonne. Pour la science l’affaire serait déjà entendue. Ravalant la fonction de mère à celle de génitrice, la conclusion serait : Médée a porté dans son ventre de femme et mis au monde ces deux enfants, elle est donc une mère. Point, on n’en parle plus. Le problème c’est justement que c’est là que ça commence à parler, que ça nous a fait parler. Et j’ajouterai d’une façon souvent passionnée car c’est bien quelque chose qui a à voir avec la passion que Médée met en œuvre chez tout un chacun, du côté du pire. Ce pire nous fait répondre, je pense, face à l’agir de Médée sur le mode d’ « un tout mais pas ça ». Mais le « tout »et le « pas ça » en question c’est quoi, c’est qui ?

Devant cette tragédie le sujet que nous sommes est interrogé sur plusieurs versants : sur le versant de l’enfant, celui qui en chacun d’ entre nous tient les rênes de notre présent à partir de l’inconscient qu’il s’est forgé au regard de ce qui lui a été donné à vivre dans le passé et qu’il a interprété à sa façon tentant de donner un sens à son atterrissage sur terre, sur le versant de la femme mise en position d’ avoir ou non un jour des enfants, ou d’en avoir déjà eu, sur le versant de l’homme en position d’être père ou de le devenir et pour tous sur le versant de la femme que fut sa mère et de l’homme que fut son père. Cette tragédie interroge le sujet dans le rapport d’identification dans lequel il se situe par rapport aux différents protagonistes femme et mère, homme et père et enfant en devenir d’être. Le moins que l’on puisse dire c’est que du côté de l’identification imaginaire aux personnages quels qu’ils soient on touche à un point d’horreur.

Pour tenter de répondre à la question de Claudine je dirai, quant à moi, que nous sommes, me il, avec Médée, personnage central de cette pièce, dans un en deçà d’une position qui nous mettrait face à une mère indigne de l’être, ce que l’on pourrait appelé une mauvaise mère où avec des critères que l’on voudrait objectifs l’on pourrait évaluer ce qu’est une bonne ou une mauvaise mère. Ce sur quoi on se casse les dents puisque les dits critères « objectifs d’évaluations » ne sont que le reflet de la subjectivité de notre époque qui pose le politiquement correct sur la question et aussi le reflet de notre position de sujet bien qu’à notre insu c’est aussi souvent celle là qui fonctionne sans que l’on prenne le temps d’écouter les personnes concernées. Les deux peuvent faire des dégâts dont tous les travailleurs sociaux peuvent témoigner. Or ce que j’avancerai c’est que Médée n’est ni une mauvaise ni une bonne mère elle ne rentre dans aucune grille d’évaluation. Car ce que nous sommes ici mis en position de devoir évaluer c’est le « le être mère » d’une femme qui annule réellement sa maternité en tuant ses enfants, qui dit non de fait à la fonction de mère dans laquelle elle ne s’inscrit pas voire n’a pas pu s’inscrire.

Malgré les positions raisonnées que l’on donne à l’événement, celui du meurtre de ses enfants par la femme qui leur a donné réellement la vie, imaginairement et symboliquement cela reste à voir comme l’a esquissé Claudine, cette vie elle la leur reprend d’une façon qui n’est ni imaginaire ni symbolique mais bien réelle. Personne ne voudrait être cette femme, ni être l’enfant de cette femme, pas plus qu’être dans la position du père. Il y a là quelque chose de dénudé au niveau de la structure qui nous laisse dans l’effroi. Il y a une mise à « ciel ouvert » de ce qui est refoulé chez le névrosé et se joue pour lui sur un mode fantasmatique, qui se joue ici dans le réel .Et c’est bien cela qui fait de ce personnage un sujet psychotique, et le met en position de réaliser l’acte le plus horrible qui soit pour une mère au lieu de tout simplement en rêver, sans que le rêve vire au cauchemar de la réelle réalisation de l’acte rêvé comme seule réponse possible au fait que Jason la laisse tomber.

Avec la femme qu’est Médée ce qui nous met dans l’effroi c’est d’être possiblement un jour « dans la folie absolue », qui nous mènerait, en toute lucidité, face à la perte d’un homme « aimé » par lequel nous serions trahies, qui se retirerait de notre lit, à tuer notre progéniture, celle que nous avons mise au monde, élevée « avec amour », que nous « aimons ».

Plusieurs points qu’il faudra évaluer sur deux versants le côté mère et le côté femme et où le dit amour dont il est fait état, en veux tu en voilà dans la pièce, n’est pas sans nous interroger quant à sa nature.

Je vous disais la dernière fois que ce n’est pas la perversion qui est mise au devant de la scène chez la Médée d’Euripide mais bien, me semble-t-il, un état qui interroge un mode d’assujettissement de ce sujet au langage répertorié dans l’ancienne psychiatrie sous le signifiant de mélancolie, c’est celui que je garderai pour le décaler du fumeux diagnostique de « dépression » qui recouvre à l’heure actuelle tout et n’ importe quoi.

Dans un premier temps la Médée d’ Euripide est dans un état que l’on peut donc qualifier d’état mélancolique. Cet état on ne le retrouve pas chez la Médée de Sénèque qui d’emblée se situe dans une logique de vengeance face à l’injustice qui lui est faite de part les épousailles légitimes imposées à Jason par Créon de sa vierge de fille, Créuse, afin d’éviter la guerre en se créant de nouvelles alliances. Ceci ravale Médée au rang de prostituée, ce qui est dit d’entrée le chœur. Ce à quoi Jason, las de la guerre, ne dit pas non, c’est ce qui provoque le déchaînement de Médée et la mise en œuvre de sa vengeance où en tuant ses enfants elle le vise dans ce qui le rattache à la vie. Ce qu’elle veut, c’est le faire jouir en le frappant là où cela lui fera mal à en mourir, réalisant contre son gré son désir.

Dans la pièce d’Euripide, c’est Jason qui choisit de son propre chef une autre femme que Médée qui s’est imposée en cette place pour lui. « Eblouie par Jason », elle tombe amoureuse de lui sur un mode réellement imaginaire, le mode « coup de foudre ». Elle le voit, l’aime et le veut. Pour ce faire elle lui permet donc de récupérer la toison d’or tout en conservant la vie, ceci en reniant son père et en commettant différents meurtres horribles dont celui de son frère. En échange il la prend pour femme pour lui payer sa dette. Avoir Jason c’est « sa récompense » qui lui assure le bonheur (p 28, les citations et le numéro des pages correspondent à celles de Médée, Euripide ,527 édition Librio 2002).Nous sommes là loin d’un amour inconditionnel, ici c’est du donnant donnant. Marché de dupe dans lequel Jason s’est laissé enfermer, par goût du pouvoir sans doute, mais qui finalement le confine au devoir, devoir faire le bonheur de Médée pour le restant de ces jours. C’est bien me semble-t-il le goût du pouvoir, de sa jouissance, que lui donnerait l’avoir, l’avoir le phallus qu’est la toison d’or qui lui permettrait de retrouver le royaume de son père, qui le rend aveugle de la prison dans lequel il s’enferme en y sacrifiant son désir. C’est à vouloir rompre ce marché de dupe qu’il choisit une autre femme et laisse tomber Médée. Jason n’est pas ici dans une logique de mort où il renoncerait à son désir mais au contraire dans une logique de vie où il ne renonce pas à son désir mais où ici le désir en question n’est pas orienté par le phallus mais par l’objet a et permet à une autre dimension de l’amour de prendre sa place. Mais de ce fait il se fait traître à ses engagements vis-à-vis de Médée. C’est ce qui le fait dire lâche dans la pièce. Si lâcheté il y a, je la lirai plutôt sur le versant qui le pousse à se justifier. Car comment justifier le désir, qui ne rime pas, on le sait, avec devoir ?

C’est là, il faut le dire, que le pauvre Jason patauge, en proie à la culpabilité comme tout bon névrosé, en tentant de concilier l’inconciliable, le désir et le devoir, qui met en jeu ce qu’on appelle une certaine forme de volonté. Il tente une démonstration pour Médée qui se fait sourde à tout ce qu’il lui dit ou propose. La culpabilité n’est pas la tasse de thé de Médée, la honte sans doute.

Elle le dit et le redit, et avec elle le chœur qui y fait écho, si Jason la quitte c’est parce qu’il convoite une autre femme qu’elle, ne la trouvant plus à son goût, etc. plus assez bandante pour le dire en terme de notre époque. Pas une fois n’est évoqué par Médée et le chœur le fait que cette autre femme, il puisse l’aimer .Tout n’est qu’une « affaire d’alcôve », signifiant qui courre tout au long de la pièce, ramenant toute l’affaire à ce qu’on appellerait aujourd’hui une affaire de sexe, ce que n’est pas sans lui dire Jason. Il ne lui dit rien de moins qu’elle est « vicieuse » et que le sexe il n’y a pas que ça dans la vie. Quand même ! Mais ceci situe me semble-t-il quel type de rapport, dit amoureux, il y avait entre eux où le moins que l’on puisse dire c’est qu’on ne nage pas dans le symbolique. Pour Médée le phallus ne s’incarne pas dans un signifiant maître dans ce qui donne sens un à la vie mais dans Jason lui-même. L’on pourrait dire que le phallus n’ayant pas été symbolisé a fait retour dans le réel pour Médée quand elle a vu Jason, et si elle perd Jason elle perd réellement le phallus qu’il est réellement pour elle dans son imaginaire. C’est ça que Jason ne comprend pas et qui la lui fait traiter de vicieuse, d’une qui n’aime que le sexe alors que c’est peut-être Jason qui avec elle n’aimait que ça ! « Jouir du corps de l’Autre (du corps qui le symbolise) n’est pas le signe de l’amour » l’amour quand il passe au symbolique n’a rien à voir avec une affaire de sexe. (Je vous renvoie encore à Encore). Ceci les femmes pour beaucoup le savent bien qui embêtent les hommes avec ça qui préféreraient ne rien savoir. Ce qui nous éloigne fort de la Madeleine de Gide qui elle n’a jamais admis Gide dans son lit, de l’amour mais pas de sexe pour elle où l’amour en question ici concerne la mère, comme j’ai tenté de le soutenir la dernière fois. De la Madeleine de Gide à La Médée de Jason d’Euripide les données s’inversent.

Pour Médée « Elle n’a plus d’homme dans son lit » ce qui va faire d’elle « la risée de tous » et la réduire à n’être qu’un pur déchet mis au ban de la société soit un objet a qui ne cause réellement le désir d’aucun sujet, ce qui, me semble-t-il, fait l’objet de la honte. Il serait sans doute plus juste de dire pour Médée, que l’abandon de Jason dévoile ce que Médée est comme objet pour elle-même (S barré vers a dans le tableau de la sexuation où la flèche n’existe plus et dont on peut en déduire qu’elle n’est pas sujet de l’inconscient et si désir il y a il ne peut s’accrocher à aucun objet qui lui soit propre, d’où l’absence de fantasme inconscient si ce n’est celui emprunté artificiellement à quelqu’un d’autre.). Pour elle « ne plus avoir d’homme dans son lit » est équivalent à n’avoir plus d’homme dans sa vie. Or une femme, quand elle est névrosée, n’a-t-elle pas toujours un homme dans sa vie, toujours un homme dans son lit même si celui-ci est vide d’une réelle présence masculine et ce d’ autant plus pourrait-on ajouter, même si elle ne veut rien en savoir ? Cet homme qui est-il ? Que son père soit celui ci, le premier homme qu’elle ait aimé, n’est-ce pas ce que nous dit Lacan en pointillé avec Madeleine. Mais c’est là aussi que le bât blesse avec Madeleine, ce père, dont elle ne peut faire le deuil, n’est substituable par aucun autre et pas par Gide en particulier. Médée pour suivre Jason a renié son père, elle joue la partition père dans une autre variante.

Elle est, donc, face au laisser tomber de Jason dans un état d’effondrement subjectif total qui passe par son corps. Objet a déchet qu’elle présentifie avec son corps mais pas dans le semblant, elle n’occupe pas sa place elle l’incarne (cf. DA). Cet effondrement est très bien décrit dés la première page de la pièce (15-16) « Prostrée, refusant de se nourrir, elle laisse son corps être la proie des tourments, et dépérir à longueur de temps dans les larmes … » etc. « elle refuse d’écouter ceux qui l’aime », expatriée elle se lamente « sur son père bien aimé, sur son pays, sur sa maison qu’elle a trahi.. » pour suivre Jason.

Je relèverai ce « père bien aimé » qui est quand même dissonant dans le contexte de ce qu’elle a fait !

Peut-on dire que traître vis-à-vis de l’Autre de la lignée dont elle est issue, « sa maison », dont elle a refusé de soutenir la cause, la voilà à son tour trahie par un autre Autre dont elle avait fait sa cause par amour ? Pour tenter de répondre à cette question cherchons quelques indices.

On repère que, contrairement à ce que soutient Freud quant à la place du mari pour une femme, que je vous rappelais l’an dernier au début de ce séminaire et la dernière fois, Jason n’est pas pour Médée un substitut du père, il n’est pas celui qui viendrait prendre la place du père qui consent à lui laisser sa fille car il soutient les mêmes valeurs que lui, que je qualifierais de « valeurs morales ». Ce n’est le cas avec Créon qui consent à ce que Jason épouse sa fille qui en est très satisfaite pour le peu qui en est dit par Jason. « Je ne compte pas pour rien, j’imagine aux yeux de ma femme (Créuse) ; tes trésors ne seront rien pour elle au prix de moi – sûr et certain tu peux m’en croire ! » (p. 40). Ce n’est pas ce qu’il y avait de mieux à lui dire pour la calmer, c’est vrai. Les trésors en question c’est la parure qu’elle va empoissonner pour offrir à Créuse pour que soit disant elle convainque son père que Jason garde les enfants et ne les exilent pas avec elle.

Pour le dire lacaniennement Jason n’est pas porteur du même signifiant maître, du même S1 que celui qu’ aurait prélevé Médée chez son propre père qu’ elle aime et pour cause, c’ est que de signifiant maitre elle n’ a pu en prélevé aucun. Pour tout sujet de l’inconscient ce signifiant est prélevé chez un homme aimé que le sujet peut reconnaître à cette place de père pour lui. L’alliance de Médée et de Jason n’est pas dans une logique de substitution symbolique. Par contre on peut se questionner sur un mode de substitution qui serait réellement imaginaire où elle passe d’un tyran « bien aimé » à un autre, toute la tirade sur la condition de la femme au regard de ses devoirs vis-à-vis de son mari va bien dans ce sens (p 21).

En effet, on peut se demander si le père de Médée était garant pour elle de quelques valeurs que ce soient , garant d’une Loi dans le pays où il règne et dont Médée aurait eu à répondre par amour pour lui, qui l’aurait inscrite par son père dans une lignée symbolique, dans une filiation symbolique. Si de cette lignée elle s’en réclame ce n’est pas pour en extraire des valeurs morales à soutenir, celles qui relèvent d’un discours et lui donnent un sens, qui donnent un sens à la vie du sujet comme sujet parlant. On peut dire aussi des valeurs idéologiques, celles qui font parties de l’ordre symbolique, pour le dire en termes qui nous dégageraient de la religion même si fondamentalement c’est de cela dont il s’agit, chaque sujet ayant sa religion intime qui fonde son inconscient où père et mère sont ses dieux bien plus puissants que les Dieux des religions qui n’en sont que des transmutations. Ce que Pierre Bruno rappelait je ne sais plus à quelle occasion et ce qu’une psychanalyse démontre. (Comme je n’irai pas si loin ce soir je vais vous dire pourquoi je dis « valeurs morales ». C’est en référence à « la lâcheté morale » que Lacan impute à la tristesse dans « Télévision » où l’on pourrait dire que le signifiant maître dans le DM c’est ce qui donne le moral au sujet ce qui fait son « bon heur ». Sans signifiant maître le sujet n’a plus le moral du tout, son monde s’effondre).

Quand Médée fait état de sa filiation c’est pour soutenir quelque chose qui relève de la prestance, d’un donner à voir, d’un paraître et non d’un être, qui l’inscrit dans une filiation qui reste bien imaginaire et ne donne pas un sens à sa vie. En témoigne le seul héritage qu’elle en a, la fameuse parure, qu’elle empoisonnera pour tuer sa rivale et son père, parure dont elle dira que c’est « le soleil père de mon père (qui en) a fait don jadis à sa lignée » (40).

Relevons au passage ce « père de mon père » qui n’est pas banal car il définit, en dernier ressort, la position que prend un sujet mélancolique et que prendra Médée. Zeus dont il s’agit ici et dont il est fait état plusieurs fois dans la pièce, est un Dieu complexe, ça va de soit dans la mythologie, mais relevons qu’il est un Dieu justicier et protecteur des liens du mariage. Et c’est bien la foudre de Zeus qui va s’abattre sur Jason, quand il rompt ses liens, par les voies de Médée qui réellement prend ici sa place ne laissant pas à ce « Grand- père » le choix de la sentence, faisant elle-même la loi, sa loi. La loi de ce père symbolique, Zeus, son père n’en n’a pas été garant en lui interdisant de la faire elle-même.

La parure, donc, c’est le seul bien qui lui reste en héritage de la lignée dont elle est issue, quelque chose de monnayable en argent sonnant et trébuchant, dont elle peut se parer et dont elle n’hésitera pas à se déparait pour se débarrasser réellement de sa rivale, en l’empoisonnant. Au regard de la psychanalyse on peut dire que cette parure c’est la coquille vide dont se pare les ignorants, ceux qui ne veulent rien savoir de l’inconscient, parure de femme qui les font phallus en toc dans la mascarade, pour reprendre ce que je vous disais la dernière fois. Pas besoin de vous dire que les hommes font partie du troupeau des femmes, vu sous cet angle, quand c’est le contenu de leur compte en banque qui leur permet de se parer pour briller, tous pareils selon la mode du temps. Vous pouvez tout aussi bien métaphoriser ce que « compte en banque »ici veut dire, en y mettant un certain type de savoir monnayable fait d’accumulation de connaissances, ce que j’appellerai volontiers, pour le décaler du savoir d’un savant, la savanterie qui permet de briller, qui a valeur de parure, mais qui n’est pas celui de l’inconscient, celui avec lequel un sujet pense son monde, avec lequel il habite le monde qu’il fait sien.

Ceci peut avoir quelque chose d’infamant au regard des femmes si on le prend au premier degré qui en fait des être futiles dans le seul paraître, avec en prime une cervelle d’oiseau, qui n’en fait pas des êtres pensants, ce que Créuse ne démentira pas allant à sa perte et dont Médée, dans ce registre là, en a la certitude. C’est l’argument utilisé pour dénoncer la misogynie des hommes en général et de Freud en particulier, qui y prête le flanc c’est vrai, et qui fait le terreau sur lequel s’est enraciné le féminisme quand il n’est pas délirant. Mais ce que soutiendra Lacan, en utilisant les outils de son temps qui n’existaient pas du temps de Freud, ceux de la linguistique, qu’« homme et femme et enfant ne sont que des signifiants »(Encore) qui ne renvoient pas au sexe biologique en ce qui concerne l’inconscient dont il soutiendra qu’il est structuré comme un langage. La loi de l’inconscient est régie par la Loi du langage, celle déterminée par le champ du langage, le champ de l’Autre, qui est donc l’Autre du langage qui en dicte les lois, il n’en a pas d’autre. Dans celui-ci il n’ y a qu’un seul signifiant, le signifiant phallique, pour départager homme et femme dans ce que Lacan appellera donc la sexuation, et non sexualité, et qui lui fera conclure que La femme n’existe pas, La barré, il n’ y a pas de signifiant pour dire La femme.

Si un homme n’est pas sans avoir le phallus celui qui possiblement, ou non, lui sera transmis par son père, (le grand phi du côté homme de la sexuation dans le tableau donné par Lacan dans Encore auquel je fais référence), à défaut de l’avoir une femme, qui se rangerait du côté femme de la sexuation, un homme pouvant tout aussi bien faire ce choix, qui occuperait la place du La barré, de La femme qui n’existe pas, cette femme désirera l’avoir en ayant un homme qui serait sien qui l’inscrira dans le champ social comme étant la femme de .., c’est ce que Jason permet à Médée dans le premier temps de l’histoire, voire désirera l’être (La barré vers grand phi). Mais j’ajouterai qu’elle (il) ne pourra l’être que dans un paraître, comme coquille vide, si l’héritage venant du père n’est pas en lien avec des valeurs morales reconnues par la mère comme femme du père qui en tant que telle lui donne une existence dans le champ social. C’est ce qui sans doute donne un fondement à couleur paranoïaque à ce qu’on appelle la personnalité, dixit Lacan au tout début de son enseignement (je crois dans le séminaire sur l’homme aux loups en 53, non publié). Lacan y est très affirmatif : « la personnalité c’est la paranoïa ». Ce qui veut dire deux choses que je vais tenter de vous expliciter tel que je les comprends .Elles viennent questionner deux positions différentes celle de la femme comme mère et de la mère comme femme qu’un vrai paranoïaque résout à sa façon et qui est la grande réussite de ce mode d’assujettissement au langage tant que cela tient. Le névrosé échoue à résoudre le problème mais s’en remet tant bien que mal en consentant à être civilisé malgré le malaise qui en découle .C’est aussi l’échec du mélancolique qui lui ne s’en remet pas sinon à mettre Dieu en place de la mère femme du père qu’il n’a pas. S’il en a bien une mère, elle n’est pas femme du père. Cela lui fait dire que le non-savoir celui qui manque dans le champ de l’Autre qui viendrait le complémenter « Dieu seul le sait », faisant de Dieu un non-Autre non-Réel.

Pour le paranoïaque d’ une part aucun savoir n’est reconnu à une femme comme mère dans son lien avec la Chose mettant à mal ce qu’il en est du refoulement originaire car ceci suppose qu’il n’y ait pas de non-savoir.

Ce non-savoir je le mettrai pour un sujet donné en lien avec l’inconscient de la mère qui déterminera la façon dont elle materne cet enfant là, lui et pas un autre. L’enfant n’a d’accès primitif à celui-ci que par des signes sensoriels venant d’elle dont il gardera des traces indélébiles qui marqueront son corps (via les pulsions). Ils s’articuleront par la suite à des énoncés qui ne sont en lien avec aucun savoir qui permettrait de démontrer qu’ils sont vrais ou faux. C’est par ces énoncés que le champ du non-Autre peut se conjoindre au champ de l’Autre à condition qu’il y ait du père. Sans eux la conjonction ne peut pas se faire et sans signes en lien avec eux cela reste tout aussi problématique .Sans m’étendre plus avant ce sera l’origine des hallucinations sensorielles et /ou verbales. En ce qui concerne les énoncés en lien avec les signes ils sont discordants avec le discours habituel de la mère, le discours éducatif normatif auquel elle se réfère. Quelque chose lui échappe, elle ne sait pas elle-même pourquoi elle s’est laissé aller à dire et à faire ça, que ce soit positif ou négatif. Le savoir qui permettrait à l’enfant de savoir si l’énoncé en question est vrai ou faux c’est la mère qui l’a mais refoulé dans son inconscient à elle. Le savoir non- su de la mère, celui de son inconscient, fait non-savoir pour le sujet. Et l’inconscient du père me direz-vous ? C’est justement là où résonnent ces deux inconscients dans l’amour celui de la mère et du père qui est là en position d’aimant et non d’amant, dont le sujet fera une lecture, que l’objet a pourra justement émerger pour lui et lui permettre de construire son fantasme car face à ce dire et faire de la mère le père ne bronche pas.

Mère sans inconscient donc pour le paranoïaque, qui ne lui ne fait aucun signe de son existence comme étant celle qui occupe pour lui la place de la Chose, comme non-Autre, ce que Lacan appellera l’Autre primordial .Ceci ne permet pas de l’imaginariser et encore moins de la symboliser en la nommant. Mais elle fait retour dans le réel sous l’hospice de n’ importe quelle femme qui l’aime (cf. Rousseau où c’est frappant et qui appelle maman sa maîtresse, Madame de Warens). Donc tout peut et doit se savoir c’est un inconditionnel pour éviter son retour dans une relation sexuelle qui serait de ce fait réellement un rapport incestueux avec n’importe qu’elle femme avec qui l’amour est en jeu, ravalant de ce fait la relation sexuelle entre homme et femme à l’hygiénisme. Tout énoncé de la mère doit pouvoir être dit vrai ou faux, quand énoncé il y a, quand elle ne reste pas muette, et ce tout savoir c’est le père qu’il l’a, faisant du savoir un champ sans trou marqué du sceau de la complétude .Ici la castration venant du père ne masque pas cette incomplétude du langage car ce père n’est pas désirant d’une femme dont il lui en interdirait l’accès se réservant le droit d’en jouir. Ceci suppose donc un père tout sachant qui se révélera une place d’imposture pour celui qui tente d’ occuper cette place là .Le paranoïaque peut y mettre un homme mis en place de Dieu dans sa dimension de père, qui transmet intégralement à celui qu’il reconnaît comme étant son seul héritier et qui se reconnaît comme tel, son savoir supposé sans faille, un père qui ne soit pas castrateur, où l’ on sait, depuis que Lacan nous en a fait la lecture, que c’ est l’ émergence de ce Un père, le castrateur, qui déclenche la paranoïa via la folie. Cette transmission intégrale du père au fils (ou fille) permet à celui-ci de tout comprendre, de tout interpréter avec certitude, grâce à ce père avec qui, qu’il soit mort ou vivant, il peut s’entretenir.

Nous sommes ici dans la logique dévoilée par le petit Hans qui se questionne, avec un certain humour, sur le fait que Freud parlerait avec le bon Dieu. Ce que Freud, vous vous en doutez, ne fait pas et ne croit pas qu’il le fait ! C’est cependant dans cette logique que Freud, qui pourtant avait introduit la question du refoulement originaire et de l’ombilic du rêve, pensait que tout du symptôme pouvait s’interpréter, ce que Lacan viendra rectifier en introduisant l’objet a comme l’objet qui cause le désir d’un homme. Si le père d’un sujet, celui de sa réalité quotidienne, qui est aussi un homme, fait d’une femme qu’il aime la mère du sujet, l’objet qui cause son désir c’est que, bien qu’ayant le phallus, il manque d’un certain savoir, le non- savoir qui fait le vrai trou dans le savoir que l’objet a vient boucher. Si on prend le discours de l’analyste pour illustrer la chose, le vrai trou dans le savoir, la vérité vraie, est là où est l’objet a qui le masque. Ce qui a comme effet magistral d’exclure la psychanalyse du champ de la religion du père. Mais elle peut verser dans la religion de la mère si un mélancolique s’ en mêle, ce qui est me semble-t-il la pente jungienne de la psychanalyse à laquelle Lacan n’ adhère pas et avant lui Freud qui se séparera de Jung dont il avait pourtant pensé faire l’ héritier de sa doctrine. L’objet a, qui est donc l’objet féminin, vient se loger à cette place où le non-savoir vient faire trou dans le savoir du père et où il a comme mission en quelque sorte de restituer au sujet dans le fantasme, la jouissance perdue, ce qui bien sûr est un leurre puisqu’ en fait il ne restitue rien puisque la jouissance supposée perdue par le sujet n’a jamais existée. Pour le dire autrement on ne jouit pas de l’inconscient de sa mère, elle seule peut en jouir, mais on n’est pas sans en en pâtir. Elle-même a aussi pâti de celui de sa propre mère qui elle-même etc. Et finalement de fil en aiguille, si on en prend le temps, on retombe sur l’arbre de la connaissance qui gît au paradis terrestre qui serait le lieu du savoir primitif de la mère originaire, Dieu en l’occurrence. Où le fond paranoïaque de ce mythe s’affiche qui dénie aux femmes un inconscient qui si elle en avait un les mettrait dans la posture d’occuper, sans le savoir, la place du Vrai Dieu pour leur enfant, celui qui sait pourquoi il a crée les hommes et la jouissance qu’il en a. Ce qui fait descendre le Dieu Père tout puissant d’un étage. Quoiqu’il en soit, les hommes sont payés pour le savoir, il ne pourront être père que si une femme y consent et Jason à beau déplorer( page 29) qu’il en faille passer par une femme pour avoir des enfants, à ce jour c’ est encore la loi, non pas celle de la nature, mais celle de la civilisation qui met pour ce faire l’inconscient d’une femme au commande, celle que Lacan nommera « une pondeuse particulière ».

Mais il y a un dilemme avec lequel on peut tourner en rond pendant longtemps à en devenir fou. En effet si l’inconscient est structuré comme un langage, donc celui de la mère, si le langage c’est ce qui permet qu’un sujet ait un inconscient, si le champ du langage est le lieu de l’Autre celui régit par la loi du Père comment on s’en sort. C’est dans cette faille que Gödel énoncera son théorème sur l’incomplétude de tout système formel, donc du langage, mais comment répondre de cette incomplétude pour un sujet pour ne pas devenir fou comme il le devint après sa découverte d’une logique imparable. C’est ce que je viens de tenter de vous faire, c’est d’identifier le lieu d’ où cette incomplétude s’origine pour un sujet qui le fait primitivement sujet d’un non-savoir qui est le savoir non su de sa mère, femme que le père aime, qui est sienne. Le savoir dont un sujet s’origine comme être parlant n’est pas dans son champ mais dans un autre et pourtant sans celui-ci il ne serait pas là. Il faut donc qu’il puisse identifier la femme qui l’a fait naître, la femme d’ où il vient, non pas biologiquement, mais celle qui le dit sien en l’adoptant en quelque sorte qu’il soit ou non biologiquement le sien. Elle seule sait pourquoi mais n’en dit mot parce qu’elle-même ne le sait pas. Ce qui revient donc à pouvoir faire occuper la place du non-Autre par une femme qui ne peut pas être n’importe laquelle, elle est celle dont les dires comptent mais dont certains sont indémontrables, dont on ne peut dire s’ils sont vrais ou faux, il manque au sujet à qui ils s’adressent le savoir pour se faire et au père de même. C’est ce que j’appellerai quant à moi, pour un sujet donné, le refoulement originaire. Occuper la place de non- Autre ne veut pas dire l’être. Quand la mère se prend réellement comme étant le vrai Dieu pour un enfant, qui saurait énoncer avec certitude le savoir dont celui ci s’origine, qui aurait pour cet enfant-là ce que l’on peut appeler un inconscient à ciel ouvert, ou à l’inverse quand elle ne veut pas occuper cette place, quand elle ne le reconnaît pas sien, quand elle n’a pas d’inconscient ou du moins pas un qui puisse se reconnaître à l’origine de cet enfant là, cela risque de mal tourner pour lui.

La division du sujet (S barré) introduite par Lacan se lirait alors entre refoulement originaire qui met en jeu un savoir qui ne peut pas se savoir, le non-savoir et le refoulement proprement dit qui est celui de l’inconscient qui est le sien, un savoir non su qui peut se savoir puisqu’il est un savoir mis en cette place par le sujet, son interprétation. Ce que l’on peut dire aussi sous cette forme, une part du symptôme peut s’interpréter et l’autre pas.

Ceci est le versant de la femme comme mère, l’autre versant est celui de la mère comme femme.

Le paranoïaque pose d’autre part, que la mère comme femme n’a aucune jouissance qui lui viendrait de sa place singulière de femme, que tout de la jouissance d’une femme est articulé en négatif au phallus qu’ elle n’a pas( La barré vers grand phi ) où comme sujet du langage en tant que femme ( côté féminin de la sexuation) elle est en est exclue faute d’un signifiant pour représenter La femme en tant que telle.

L’inconscient freudien que l’on peut appeler inconscient masculin, dit « hommosexuel » par Lacan, est le seul qui puisse faire l’objet d’une interprétation psychanalytique, celui qui met en jeu la jouissance en lien avec le signifiant phallique dans le champ du langage, la jouissance phallique qui elle est soumis à ce que j’appellerai la loi de la preuve qui permet de décider si un énoncé est vrai ou faux. Mais il y a différentes modalités pour le traiter voire le mal traiter car plus on interprète, ce qui dans un premier temps n’est pas sans effet, c’est ce que Freud appellera ses guérissons, plus la partie en lien avec l’objet a du fantasme du symptôme résiste qui mettrait le sujet face à la femme dont il s’origine, sa mère ou lui dévoilerait l’incomplétude du langage, ce que Lacan a appelé le manque dans l’Autre qu’il écrit A barré et que je propose d’ écrire non-A. Alors ajoutera Lacan si La femme n’existe pas, les femmes elles existent bien mais une à une, chacune a un inconscient bien à elle que j’identifierai au fameux continent noir de Freud, qui, n’étant pas paranoïaque, voit bien que chez la femme quelque chose lui échappe. On pourrait l’appeler l’inconscient lacanien voire l’inconscient féminin au risque d’en faire ruer quelques uns dans les brancards. La femme n’existe pas c’est pour cela qu’on la diffame dit Lacan jouant avec le signifiant dans Encore je crois. Ce qui veut dire, je pense, non pas qu’elle est désarrimée du langage mais qu’elle n’en est pas sujet.

Pour deux femmes on peut dire qu’un énoncé qui est vrai pour l’une et faux pour une autre. L’ensemble des femmes est donc ensemble ouvert, sans cohérence, sans règle de fonctionnement interne qui imposerait la même règle pour toutes .Ce qui renvoie en ce qui concerne le langage à son inconsistance comme le théorisera aussi Gödel. Ce qui rend le mieux compte de ceci c’est je crois la vraie poésie qui n’a aucune interprétation qui serait la même pour tous mais où chacun peut avoir la sienne même à l’opposé de celle du voisin et où l’on pourra dire que toute les deux sont justes ou fausse et non l’une fausse et l’autre vrai. Ce qui revient à dire que nous sommes ici dans l’ininterprétable. Aucun savoir ne peut en répondre venant du champ de l’Autre, non pas comme du côté homme parce qu’elle serait castrée de ce savoir là par le père réel mais parce que ce qui définit ce que j’appellerai, faute d’avoir trouvé autre chose, « son pur être de femme » n’est pas concerné par la castration. Ce que Lacan a repéré tôt dans son enseignement, si mes souvenirs sont bons. Dire qu’une femme manque du phallus, c’est vrai, mais dans la seule mesure où elle est comparée à l’homme mais en tant que femme elle ne manque de « rien ». Ce qui soit dit au passage est vrai de tous les vivants si on ne les compare pas entre eux en prenant un objet de référence mais dans ce cas-là le champ du langage s’effondre dans une absolue inconsistance. Et l’ élément discriminatoire élémentaire et incontournable qui donne un minimum de consistance au langage , c’ est le sexe biologique au regard du pénis qui se voit , qui passera au signifiant en devenant symbole mais où d’emblée c’est en fonction de celui-ci qu’un vivant humain sera dit fille ou garçon soit rangé sous un signifiant avec lequel il devra se dépêtrer pour être conforme à ce qui est supposé être le génie propre à son sexe voire choisir l’ autre camp ou choisir de ne pas en répondre. Donc une femme si on ne la compare pas à l’homme ne manque de rien mais c’ est « un rien » qui n’a pas de signifiant pour ce dire qui serait généralisable à toutes les femmes, ou aucune dialectique donc n’ est possible pour articuler ce « rien » dont une femme ne manque pas et pourrait manquer, qui ne la ferait plus femme sans pour autant être un homme, dont l’ homme au regard d’ une femme pourrait manquer ce qui le ferait pas femme, ou avoir qui le ferait femme tout en étant un homme s’ il cumule en plus le phallus. La seule chose possible dans le champ de La femme, du féminin et non de la féminité qui est phallique, c’est de reconnaître chaque femme comme unique, ayant chacune un signifiant différent de celui de la voisine pour être dite femme, qui la fait être cette femme là et pas une autre, c’est ce que Lacan écrira S de A barré .Cette lecture dément donc que le Nom de La femme est forclos de la structure mais dit que La femme a autant de nom qu’il y a de femmes , non pas de femmes biologiquement femelles mais d’humains qui se rangent du côté féminin de la sexuation . S (A barré) recouvrira pour un sujet le champ que Lacan appellera celui de la jouissance féminine proprement dite où ici le langage démontre son inconsistance pour la dire sur un mode qui la rendrait interprétable. Pour une femme elle peut en dire quelque chose de cette autre jouissance voire du désir qui s’y articule mais ça ne fait pas savoir pour elle ni pour personne d’autre ce qui rend son dire ininterprétable et met la jouissance féminine hors du champ symptomatique et n’est donc pas à confondre avec un vécu hallucinatoire. J’aurai une pente à récuser le « elle ne peut rien en dire » de Lacan, je dirai plutôt son dire est inconsistant. Lacan posera donc la jouissance féminine comme jouissance supplémentaire à la jouissance phallique qui elle peut s’articuler à un signifiant, le phallus, permettant toute une dialectique de l’être et de l’avoir. Rien de tel n’est possible dans lee champ qui définit celui de la jouissance féminine. S de A barré, le problème qui reste à résoudre que je laisse en suspend c’est d’ où peut venir ce signifiant, ce S, qui fait une femme unique, différente de toutes les autres qui pourtant sont aussi des femmes qui sont toutes uniques et dont la jouissance échappe à un champ à gérer, pour le dire dans un terme de notre temps, par la fonction paternelle soumise à la loi phallique. On a quand même une petite idée, du moins c’est la mienne, que la mère du sujet n’y est pas étrangère même si, dans cette position où émerge de la femme dans la mère, la mère est radicalement étrange voire énigmatique pour reprendre le signifiant lacanien, pour l’enfant dans ce qu’elle lui donne à voir et à entendre. Là elle n’est plus sa mère comme femme particulière mais une femme singulière qui lui échappe.

J’ai hésité à utiliser le signifiant énigmatique car une énigme c’est supposé pouvoir être résolue quand on la confond avec une devinette, une vraie énigme n’a pas de réponse possible qui soit vraie, toutes celles énoncées pour la résoudre peuvent l’être ou ne pas l’être rien ne peut en décider non pas parce que les preuves manquent mais parce qu’il n’ y en a pas donc à chacun sa réponse, pas de réponse la même pour tous, pas question de donner sa langue au chat en le posant comme juge car le malheureux n’en sait rien. J’ajouterai aussi qu’unique est ici est à bien différencié d’exceptionnel. L’exception c’est ce qui confirme une règle celle qui est la même pour tous et dont l’humain, frappé du sceau de l’exception y échappe, c’est la place particulière du père réel dans la structure où la castration est le lot de tous les humains sauf de l’ homme qui occupe cette place là et il y a en définitif autant d’exceptions que d’humains qui se reconnaissent comme sujet du langage , qui ont un inconscient c’est-à-dire de névrosés ce qui en fait un paquet, à chacun son père réel qui échappera à une règle plutôt qu’à une autre, aucun humain ne peut occuper cette place pour tous soit échapper à toutes les règles qui régissent le vivre ensemble dans la communauté des hommes. Etre unique ne suppose aucune place particulière d’exception, aucune règle à infirmer ou à confirmer, ce qui fait de l’ensemble des femmes du côté du féminin, des vivants qui ne sont pas concernés par la castration, un ensemble ouvert qu’aucune exception ne vient fermer. C’est un ensemble sans cohérence, inconsistant, si c’est une loi de fonctionnement qui donne une cohérence à un ensemble, sa consistance, et dont l’ensemble des éléments forment un tout soumis à la même loi, dans le champ de la jouissance féminine pas de tout possible mais le pas-tout de Lacan. Ce qu’être femme veut réellement dire, en dehors du fait de n’avoir pas le phallus, aucun savoir ne le transmet mais un sujet peut aller en chercher des indices chez la femme qui pour lui fait référence, sa mère, qui cependant n’en donne pas le mode d’emploi. Faut-il encore que cet espace soit ouvert au sujet et qu’il veuille ne pas « faire exprès » de toujours ne rien vouloir en voir et en entendre. Ceci suppose d’une part que de mère il en ait une, qu’une femme veuille pour lui soutenir cette fonction, que celle ci soit la femme du père qui la suppose compétente pour occuper la place de mère de ses enfants, ce qui en fait donc une femme particulière et d’autre part qu’elle donne en place de femme du père des indices qu’elle est pour le père pas toute sa femme et à l’enfant pas toute sa mère, mais une femme singulière. Hors de ceci il me semble que la jouissance supplémentaire à la jouissance phallique pose un réel problème.

La position du paranoïaque dans ce registre pose sa mère comme n’étant pas sujet du langage, La barré, mais ne lui attribue aucune jouissance supplémentaire qui en ferait pour lui une radicale étrangère, du côté homme, et qui ferait qu’une femme est étrangère à elle-même, du côté femme. Comme par ailleurs l’incomplétude du langage n’est pas reconnue, les paranoïaques cherchent à nous démontrer, chacun à leur manière, que le champ du langage est pour eux complet et consistant, c’est ce dont ils ont à répondre pour ne pas décompenser, c’est-à-dire devenir fou alors qu’à l’inverse les mélancoliques, chacun à leur manière ont la pente inverse, ce qui sans nous rendre fou (quoique !) peut être particulièrement déstabilisant. Pour le paranoïaque c’est une position particulièrement difficile à tenir même si il y en a qui y arrive au prix de prouesses langagières bien structurées et convaincantes qui relèvent cependant du délire qui peut tenir parfois très longtemps et ne pas être identifié comme tel, ce qui n’est pas le cas d’un président Schreber, il faut le dire. Reste que la solution freudienne d’être l’homme aimé par une femme comme substitut du père, qui soutient les mêmes valeurs morales que son père peut lui convenir si c’est lui qui est l’homme aimé, mais pas par une femme mais par tous, ravalant ce tous au rang de femmes dans la version non pensante, c’est là bien sûr où le bât blesse, où être aimé ici veut dire avoir le savoir (symbolique) et non une belle apparence qui le rendrait aimable (imaginaire).

Par ailleurs il me semble que la confusion que peut introduire une certaine lecture des premières avancées de Lacan, qui la permettent, quand on les conjugue avec ses avancées ultérieures, c’est sans doute à faire occuper la place de La barré, à tout humain qui commence sa carrière avant d’être parlêtre qu’il soit fille ou garçon .C’est ainsi que pourrait se lire ce « être de non-étant c’est ainsi qu’advient je… » dans Subversion du sujet et dialectique du désir (802) de 1960, ce que je dois le dire j’ai commencé à faire quand je ne savais pas encore très bien ce que je faisais et que je n’avais pas encore le non-A, ensemble complémentaire de A, pour me venir en aide ni le travail de mes collègues, ceux de l’apjl en particulier. En effet Lacan emploie la même lettre, A barré, pour dire l’incomplétude et l’inconsistance du langage. Juste une fois Lacan dit regretter d’avoir écrit A barré et non pas non-A (page 127 le Sinthome 1975-76) en lien avec le fantasme féminin d’une femme dont il vient de parler et il reprécise en le différenciant à ce moment là que A barré veut dire qu’il n’ y a pas d’Autre de l’Autre que cet Autre de l’Autre c’est La femme et qu’elle n’existe pas. Donc le problème c’est que dans la citation de Subversion le je en question est le sujet du langage et pour qu’un humain puisse dire qu’il n’est pas sujet du langage et occupe la place du La barré, il faut d’abord qu’il est éprouvé ce que c’est que de l’être voire son impossibilité à l’être. Un sujet ne peut le découvrir que dans un après coup qui fait perdre leurs poids aux paroles venant du champ de l’Autre avec lesquelles il a fondé son être et construit son fantasme, c’est à dire après une analyse ou dans un vécu de perte imaginaire de celui qui était garant de l’Autre, c’est la pente à la mélancolie , une mélancolisation subjective voire la mélancolie elle même quand de garant il n’y en a pas d’origine où le sujet n’ occupe pas la place de La barré mais l’incarne.

L’exemple nous vient du champ de la psychose avec Médée qui en état mélancolique après le lâchage de Jason est en position d’être La femme qui n’existe pas. Elle nous dit quelque chose qui n’est pas étranger à notre époque, loin s’en faut, celle qui voudrait qu’il n’y ait pas quelqu’un qui soit le garant de l’Autre, pas de Un père, ce qui est le fondement du discours capitaliste, que j’ai donc appelé discours de l’ignorance qui prône un : ne rien vouloir savoir du savoir de l’inconscient. Ne reste donc pour avoir un semblant d’existence et sortir de l’état mélancolique qu’à se paré d’un coquille vide en toc pour repasser du côté homme de la sexuation et ne pas succomber à la fureur que la sortie de cet état provoque, dont Médée nous en donne le spectacle effrayant, voire de tenter une sortie dans un mysticisme délirant ce qui n’est pas le cas de Médée, mais dont notre époque est friande , ou aussi à faire de ses enfants ses bouchons comme objet a, réelle suppléance à ce pas toute phallique (a vers La barré) (page 36 Encore). Ce point vaudra qu’on s’y arrête car il décale l’enfant comme objet tout phallique pour une femme.

Par les temps qui courent et avec ce qui défraye la chronique dans le champ des médias au regard de Freud et de la psychanalyse, les bidons vides qui déblatèrent en ce moment dans un paraître flamboyant sur toutes les pages et antennes mises à leur disposition nous donne exemple navrant de ce que peut être une réelle mascarade féminine qui est conforme par ailleurs à ce qui est attendu d’eux. Parade jouissive sans aucun doute, mais où le manque d’essence dans leurs bidons, si vous me permettez cette métaphore, menace notre civilisation. Plus un bidon est vide plus il faut le faire briller pour oublier son vide. Je pourrai aussi dire que si Freud était peut-être un bidon qui n’était pas vierge de tâches, il n’était pas un bidon vide à défaut d’être plein, ce qui en fait un père respectable à défaut d’être parfait. Comme tous les pères il est carrent mais pas radicalement carrent. C’est le mieux que l’on peut souhaiter à un humain, à tous les humains sinon à virer au pire, c’est à dire à les condamner à se mettre volontairement sous la gouverne de dictateurs sectaires ou à subir impuissants les caprices des tyrans comme au temps de la barbarie, ce qui pousse à une mélancolisation généralisée qui débilise et suicide à plus ou moins long terme notre civilisation .Ce qui nous rebranche en direct sur Médée.

La « barbare » dont elle est qualifiée dés le début du texte et dont elle qualifie son pays (butin ramené d’un pays barbare) vient répondre non à la question quant aux valeurs morales dont son père serait le garant que je posais précédemment. Elle vient d’un pays non civilisé, sous la tutelle d’un tyran sans foi ni loi, contrairement à la Grèce qui elle est régie par une loi dont le roi est le garant, ce que ne seront pas sans lui rappeler et Créon et Jason. Etre dite une barbare, ceci a comme effet de destituer de fait le père de Médée de sa place de garant de la loi de l’Autre dont il se ferait l’agent, et s’il n’y a pas de garant de la Loi il n’y a pas de Loi qui tienne .C’ est ici que je situerai « la forclusion de fait du NDP » tel que Lacan l’introduit pour Joyce. Ceci a comme conséquence qu’elle n’a aucun signifiant maître dont elle aurait à répondre pour la guider dans l’existence qui lui viendrait de ce père là .On peut dire que si elle avait bien une « maison », métaphore du lieu de l’Autre celui du langage pour reprendre le signifiant lacanien, elle n’a pas de père qui soit garant de la Loi qui doit y régner qui serait la même pour tous, donnant à ce père figure de tyran. Derrière le dos du tyran, qui n’est pas quelqu’un de respectable même si on le craint, où l’autoritarisme prend le pas sur l’autorité, dans cette dite maison, ce sont bien les femmes qui y font la loi à l’aide de leurs pouvoirs occultes de magiciennes. Ce pouvoir elles le tiennent d’un savoir qui n’est pas transmissible à tous mais fait l’objet d’une initiation et reste un secret entre l’initiateur et l’initié, c’est le savoir supposé aux femmes quand on les dits sorcières, bien- aimées ou pas, et ajoutons que dans ce registre, il me semble qu’un sorcier est toujours une sorcière ! C’est ce type de savoir qui fait peur à Créon, celui qui a donné à Médée sa réputation de savante mais où ce genre « de femmes savantes », dans le monde des humains, sont toujours des sorcières. Médée dira à Créon, jouant de ruse, « mon savoir suscite la jalousie des uns, le scandale chez les autres, et pourtant il ne va pas bien loin mon savoir » (page 23). C’est cette citation qui est en exergue de l’article de Lacan dont je vous ai entretenu la dernière fois et dont vous savourerez l’usage qu’il en fait.

L’ambiguïté dans la pièce d’Euripide c’est de laisser supposer que ce savoir relève de la vraie magie c’est à dire qui n’est pas celle qui fait sortir du chapeau le lapin qui y a été mis par le magicien lui-même et nous laisse ébloui devant ce que j’appelais tout à l’heure sa savanterie que vous transposerez à votre guise dans le contexte qui vous plaira. Or quel est le savoir de Médée ? C’est tout simplement un savoir qu’elle tient de sa tante Circé, parait-il, mais dont il n’est pas fait état dans la pièce d’Euripide, qui consiste à savoir fabriquer ce que j’ appellerai, de façon générique, des « drogues » que ce soient celles pour lutter contre la stérilité, comme elle dira à Egée qu’ elle sait le faire ou pour empoissonner afin de tuer sans y mettre les mains où elle prouvera aussi son savoir dans ce domaine .Mais ce savoir donc de fabrication de « drogues » pour permettre à une femme de donner la vie ou à la même, telle Médée , de donner la mort est un savoir qui est sans faille , dont ce personnage a la certitude de l’ avoir , lui donnant un pouvoir absolu qui fait peur à celui qui l’ en croit capable. Où l’on voit le pas qui peut se franchir entre ce qui relève par exemple de la médecine dont le savoir peut se transmettre à tout ceux qui veulent se donner la peine de l’avoir et qui a ses limites quant à son efficacité et ce qui relève de la sorcellerie ou magie dont le savoir ne se transmet pas à tous et dont l’efficacité est absolue. Le savoir réel de donner la vie et de donner la mort quand on veut et à qui l’on veut pour la seule jouissance de celui qui en a le pouvoir, c’ est ce que l’on peut appeler me semble-t-il le savoir absolu, celui dont Lacan dit dans « l’ Ethique de la psychanalyse » que c’ est la visée ultime de la science, celle qui aujourd’hui a des moyens un peu plus sophistiqués que du temps de Médée pour ce faire. En dernier ressort ,pour le dire dans les termes de notre temps, c’ est le savoir que Marie-Jean Sauret dénonce dans ses ouvrages, celui des techno- sciences et j’ ajouterai qui est aux mains des technocrates qui jouent aux apprentis sorciers , quelque soit le domaine où ils exercent leurs pouvoirs à l’ aide de ce savoir qui se doit dans l’absolu de rester secret et qui entraîne notre monde particulièrement égaré dans un carnaval cauchemardesque puisqu’on n’est plus là dans le semblant de la mascarade féminine mais que l’ on bascule dans un autre domaine où l’homme se prend pour le vrai Dieu.