Introduction :
1 :Il est temps aujourd’hui que je m’acquitte enfin d’une dette : je vous dois depuis plusieurs semaines une définition, ou au moins une caractérisation du langage. En effet, commencer ce cycle sur le langage par Saussure m’aura conduit à me tenir d’abord dans les limites qu’il a prescrites à la linguistique.
Cette limitation s’est faite au moyen de deux opérations simultanées : la distinction des phénomènes langagiers en trois niveaux, et l’exclusion des deux niveaux extrêmes de toute pertinence pour une activité de type scientifique. Or ces deux niveaux sont ceux du langage et de la parole.
Néanmoins on peut montrer que ces deux niveaux extrêmes ne sont pas symétriques par rapport au niveau central des langues, seul domaine où la linguistique est censée se déployer en toute certitude. En effet , comme je le soulignais il y a deux semaines pour introduire à la pensée de Derrida l’intertraductibilité des langues est un fait assez constant pour qu’on s’interroge sur ce qui peut le fonder.
Du reste, Saussure lui-même propose sur ce points quelques aperçus, dans lesquelles le langage apparaît comme un cette capacité universelle qu’on peut au moins postuler pour fonder l’existence des langues en actes.
D’où l’argument suivant : il faut bien que les humains aient en commun le langage pour savoir s’y retrouver entre les diverses langues qu’ils parlent ou qu’ils entendent.
Mais si le langage est ainsi une propriété commune supposée, on peut alors se demander de quel traitement est passible cette réalité hypothétique. D’où ma proposition de définition : il me semble que vit dans le langage tout être qui effectue à volonté l’opération suivante : prendre A comme B.
Vérification immédiate de la fécondité de mon hypothèse : quiconque est en mesure de prendre un trait d’encre ou de craie, voire un nuage d’électrons, pour une lettre et à travers elle un son, est de plain pied avec le langage. Au contraire, un être à qui cette présentation de A ne se dépasse vers aucune représentation sera réputé hors langage.
2 : Dans ma définition, avec la conjonction « comme » le langage se présente comme une institution de mise en rapport indéfini, c’est-à-dire sans limite assignable a priori. Car il s’agit bien d’une institution, et en aucune façon d’un dispositif naturel, et qui serait alors nécessaire comme tout ce qui est naturel, du moins pris en toute rigueur.
Pourtant je pose en principe – et je joue même ma pensée là-dessus … – qu’il existe par ailleurs une infinité dénombrable de situations humaines dans lesquelles aucun A n’est pris comme un B. Cela dit, je ne verrais aucun inconvénient à ce que certains d’entre vous considèrent que dans ce cas, on ne devrait pas parler de situations humaines.
Sont à mes yeux de cette sorte des actes tels que pousser quelque chose, ou même simplement être là, occasion de se souvenir que Heidegger faisait du Dasein (à savoir littéralement de l’être-là) une description plus exacte de l’existence humaine.
Cela dit et au contraire, un des intérêts du langage est de permettre d’agir sur un autre être, et qui n’est pas toujours humain d’ailleurs. Souvent ainsi le vaste domaine de ce que l’on pourrait désigner du terme générique d’influence, genre qui comporte une liste innombrable d’espèces, telles que la transmission, la séduction, la contrainte, etc.
Pour finir d’introduire à mon propos de ce soir, il me faut alors attirer l’attention sur un flux particulier dans le champ des influences : le soin.
Je professe sur le flux de soin une thèse forte : je postule que le soin n’est pas d’emblée une pratique, mais se trouve être avant tout ce que je nommerais un horizon d’attente, ou par abréviation une attente. Autrement dit, tout soin précède ce qu’il a à soigner. Ou encore : le soin est préalable à la maladie , et peut même la susciter ou la supposer pour avoir à s’exercer comme soin. Ainsi, de même que la maladie est toujours antérieure à la santé, ce qui permet de définir celle-ci comme une norme, et non pas comme un état, de même le soin ne suppose pas l’autre comme malade, mais l’appréhende comme tel (on dit alors qu’il le « traite »). Toute pratique de soin est donc homogène au langage, définie comme la capacité de prendre A comme B, à la manière dont le soignant prend un être comme malade.
Et comme il est constant que la psychanalyse s’est d’abord constituée en tant que pratique de soins, il est logique qu’elle ait d’emblée été accueillante au langage. Cependant, pour ne pas être n’importe quelle influence , elle s’est imposée comme règle d’interdire toute suggestion de conduite. L’idée directrice de cette conférence peut alors être la suivante : Lacan refonde la psychanalyse comme expérience du langage à partir de la supposition, d’abord nécessairement métaphysique faute de pouvoir être vérifié instantanément, que le langage est à même de soigner. Ou encore : la philosophie du langage qui soutient la psychanalyse la détermine intégralement comme dispositif de soin.
I) Une simple analogie de structure :
3 : Lacan passe désormais pour un auteur difficile du fait de son style d’exposition. Et il est vrai que certains de ses textes ne peuvent manquer de susciter cette impression.
Pourtant, il n’en a pas toujours été ainsi, ce qui est d’autant plus mesurable que l’on a de lui des textes qui s’étendent sur un demi-siècle. En outre, le sens de ce processus est rare car le plus souvent les penseurs deviennent de plus en plus limpides avec l’âge , parce qu’ils voient de mieux en mieux l’essentiel de ce qu’ils peuvent apporter.
Ce n’est donc pas le cas de Lacan et il est alors permis de se demander pourquoi, dès lors qu’il est capable jusqu’à la fin d’être tout à fait explicite, notamment dans ses propos à caractère institutionnel. On peut émettre une hypothèse explicative qui a une conséquence directe sur le statut qu’il donne au langage.
Mon hypothèse repose sur un doute quant à la prétendue simplicité des pratiques de transmission. En effet,quand on diffuse ou transmet un propos, il y a ce qui transmet et ce qui est transmis ainsi que, dans la plupart des cas, ce qui permet de transmettre . Mon doute porte sur la conviction que la situation normale est celle où ce qui est transmis ne modifie pas ce qui permet de transmettre. Ou encore : que le message ne rétroagit pas sur le code.
Cette conviction a un enjeu en termes de norme : si le poste de transmission est toujours extérieur à ce qu’il transmet, c’est seulement cette extériorité ou encore cette transcendance, qui permet ce rapport de maîtrise qui lui-même fonde l’objectivité. Or les interventions de Lacan dans les années 30 sont encore émises sur ce registre d’extériorité réciproque du code et du message.
En revanche, dans le cours des années 60,Lacan élabore peu à peu un nouveau rapport à l’ordre de la transmission, d’une manière qui permet même de se demander s’il s’agit encore d’une logique de cet ordre. Mon hypothèse se précise un peu en caractérisant son propos comme une prose mimétique : l’idée est qu’on ne transmettrait rien quant à l’inconscient sans que la transmission ne soit elle – même une manifestation dudit inconscient.
Ainsi dans tout rapport supposé être un rapport de communication, un inconscient s’adresse à un inconscient en un sens qui semble très voisin du propos initial des messages venant de Londres à partir de juin 1940 : « Les Français parlent aux Français. » Je veux signifier par une telle analogie qu’on se met alors dans une situation de supposition réciproque.
A / Le coût de la barre.
4 : Ce choix didactique de Lacan : celui de la transmission mimétique, peut être évalué sous la forme d’un bilan des gains et des pertes assurés sous ce nouveau rapport. Le gain le plus manifeste est une rationalité, au moins locale.
Si vous avez déjà ouvert un livre de science, quelle qu’elle soit, vous aurez constaté qu’on est d’emblée plongé dans la chose en question. Autrement dit : il n’y a pas un livre de science qui commence par se demander en quoi ce qui va suivre appartient incontestablement à la science. Les travaux du premier Lacan sont de cette sorte : dans son premier séminaire publié, sous le titre : Les écrits techniques de Freud,l’auteur est encore extérieur à toute position mimétique. Il s’adresse à des psychiatres dont il veut faire des analystes.
Il n’est donc pas question d’élaborer des conditions de possibilité pour la psychanalyse : les êtres auxquels on s’adresse sont déjà censés savoir de quoi il s’agit. La perte relève d’une sorte particulière d’ironie. Dans une transmission mimétique de ce qu’il en est de l’inconscient (on notera le caractère embarrassé de cette formulation), quand on a réussi son affaire, on obtient ironiquement l’effet de réception le plus constant de l’inconscient : l’équivoque. Exemple parmi bien d’autres : l’entame du fameux Séminaire XX : Encore. (Seuil 1975), tenu à une époque où Lacan ne croit déjà plus du tout à une transmission non mimétique. La première séance du séminaire débute presque par le propos suivant : « …. je me suis aperçu que ce qui constituait mon cheminement était de l’ordre du je n’ en veux rien savoir. » page 9
La dernière expression est sciemment équivoque puisque, faute d’une référence précise et disponible pour son « en » , nous pouvons entendre soit : « ….je ne suis pas assez satisfait de ce que j’ai articulé de l’éthique pour en publier quoi que ce soit. » mais on peut aussi entendre encore : « …. ce que je puis apporter sur cette question d’une éthique de la psychanalyse n’est pas de l’ordre d’un savoir. »
Cependant, c’est la même phrase qui supporte les deux significations, pour ne rien dire de ce qui était alors sans doute la visée de Lacan, à savoir une oscillation entre les deux, sans aucune raison particulière de s’arrêter à l‘une ou l‘autre. Le sens serait donc cette incertitude, mais une incertitude n’est pas un sens.
5 : Reformulé dans le cadre de la linguistique saussurienne, le choix assez tardif de Lacan pour la transmission mimétique aurait alors la portée suivante : Il n’y a pas de dernière signification pour une proposition quelconque. Ou encore : Un signifié ultime est par nature indisponible.
Vous vous demandez peut-être pourquoi je fais intervenir la linguistique telle que Saussure l’a fondée ? Parce qu’elle se présente explicitement comme la science des effets de sens produits par les usages acceptés de la langue. En outre, il est assez bien connu aujourd’hui que Lacan s’est beaucoup intéressé à la linguistique, à laquelle il a emprunté souverainement certains concepts, comme il l’a fait d’ailleurs à d’autres disciplines.
La logique de cette conférence est de montrer l’éloignement progressif de Lacan à l’égard de la problématique linguistique, dont il reprend cependant son premier concept fondamental : celui de signifiant, mais pour lui donner aussitôt une torsion particulière en changeant le statut de la barre qui le sépare du signifié. Lacan insiste d’ailleurs drôlement sur le fait que le terme de signifiant est lui – même une reprise par Saussure d’un concept stoïcien comme si emprunter à un emprunteur ne comptait pas vraiment …
Du reste, aucun outil théorique repris par Lacan ne sort intact de l’opération de prélèvement, et le sort que subit le concept de signifiant nous en dit déjà beaucoup de la paradoxale indifférence de Lacan à l’égard du langage. Un accès commode à la difficulté inhérente à cette capture est de revenir au fait que Saussure traite le signifiant comme une partie essentielle au signe.
Or je soutiens qu’il n’y a pas d’usage pour un concept de signe dans la psychanalyse lacanienne. Quand Lacan fait mention du concept de signe, sans pour autant en faire usage ( par exemple dans le Séminaire VII Seuil 1986 page 111 ), on repère vite la stratégie suivie : il s’agit de contourner son usage saussurien. Car le rapport de signification propre au signe saussurien est un rapport nécessaire. Le signifié est lié à son signifiant par une institution , et par conséquent par en rapport collectivement normé.
Pour sa part, Lacan invente une valeur particulière pour la barre qui sépare signifiant et signifié dans le schéma saussurien. En linguistique, elle fonctionne comme une barre de fraction, c’est-à-dire qu’elle permet de déterminer la valeur de la signification. Le « sur » de la barre reste un rapport.
Je soutiens qu’au contraire, le primat donné par Lacan au signifiant a pour première conséquence qu’il n’y a pas de signifié assignable de manière assurée pour un signifiant quelconque. Cette conséquence est le fondement du caractère nécessairement équivoque de l’inconscient.
Dès le début des années 60, Lacan n’accorde plus aucun crédit au concept de signifié et avec lui au rapport de signification. A la fin des années 50 , ses propos étaient encore empreints d’une sorte de déférence envers cette tradition .
Consulter par exemple le Séminaire III dans la séance du 1er février 1956 (Seuil 1981 page 135) et le Séminaire IV lors de la séance du 15 mai 1957 (Seuil 1994 page 330).
B / L’analogie du langage.
6 : Si je reviens maintenant à l’idée directrice de cette conférence, telle qu’elle est esquissée à la fin de l’introduction, je peux désormais poser que ce dont nous prenons soin dans la psychanalyse, c’est de notre capacité à rendre à des signifiants leur mobilité. Par conséquent, ce qui soigne dans le langage est sa capacité de mobilisation de ses composants en dernière instance : les signifiants.
On voit par là que la métaphysique très particulière qui soutient le projet de la psychanalyse est cette métaphysique de la liberté qui l’identifie à une capacité autonome de mouvement. C’est pourquoi le vitalisme spécifique dont fait preuve la pensée de Lacan, vitalisme confirmé dans les nombreuses anecdotes de fin de cure de ses analysants,repose donc sur une interprétation de la vie comme mouvement, et de la vitalité comme puissance de mobilisation.
La primauté donnée à la pulsion de vie conduisait fort logiquement Lacan à se dire résolument créationniste, choix métaphysique qui ne peut être sans conséquence directe sur le statut qu’il faut reconnaître au langage. Pour vérifier cette orientation, la 16ème leçon du Séminaire sur l’éthique est tout à fait explicite : voir les pages 251 à 255 de la séance du 4 mai 1960 Seuil 1986.
Rappelons au passage que le créationnisme est la conviction métaphysique, c’est-à-dire a priori, qu’il existe une instance au principe de tout ce qui est, instance qui s’exerce d’une manière telle qu’on ne peut rien faire provenir de ce qui le précède. Dans la séance susdite, Lacan fait remarquablement valoir qu’il s’agit en quelque façon de choisir entre deux maux : évolutionnisme ou créationnisme, de sorte que la psychanalyse ne peut être que du côté de la création.
Si l’on en croit une anecdote rapportée par Jean Allouch dans son spirituel recueil : « Allo Lacan ? Certainement pas ! » E.P.E.L 1998 page 113, Lacan donnait son accord explicite au fameux début de l’Évangile de Jean. D’où ce propre du langage dans la psychanalyse lacanienne :devoir être la puissance de création immanente à l’être humain.
Toutefois, il faut noter que l’anecdote se clôt sur un trait ironique dont il faut interroger les significations possibles : Lacan assure à son interlocuteur, qui vient de le traiter de simple suiveur de St Jean, qu’il ne peut en être ainsi puisqu’il a inventé une question à laquelle l’apôtre n’avait point songé : se demander ce qu’il en était du langage avant le commencement des choses …
Il s’agit possiblement de faire entendre que le langage précède toute parole possible parce que, pour parler, il faut un sujet de la parole, ce qui est déjà une détermination dont le langage comme tel n’a pas besoin.
7 : Il est donc au moins un point sur lequel le premier Lacan n’était pas si différent de ses contemporains : en un sens, il restait saussurien, même s’il s’agissait d’un disciple plutôt hétérodoxe du fait de sa conception d’une barre séparatrice du signifié au point de l’interdire au sens le plus rigoureux de ce verbe.
Avec cet aspect des choses, il s’agit à mes yeux ce qui fait bien l’unité de ce cycle : à savoir que personne, avant Chomsy et les siens,ne s’intéresse sérieusement au langage en tant que tel. La langue et la parole sont toujours plus importantes. Le statut et du langage leur dépend en de la conception de ce que l’on peut faire et dire des langues. D’où l’importance de considérer les hypothèses qui déterminent cet état des choses. Lacan nous indique ce qu’il en est pour lui en identifiant l’adversaire le plus résolu de la psychanalyse comme étant l’évolutionnisme.
Or ce terme désigne une famille de doctrines dans laquelle, pour peu qu’on se donne une durée assez longue, n’importe quel être vivant peut provenir de n’importe quel autre. Dès lors, dans le cadre de la doctrine de cette famille qui s’est aujourd’hui imposée : le darwinisme, on peut argumenter la thèse que l’être humain est un singe qui a acquis la parole, à l’issue d’une adaptation biologique spécifique.
C’est ainsi que l’an dernier,en travaillant de près le thème du langage qui était au programme de l’ENS, j’ai découvert la thèse d’un linguiste néo-zélandais qui argumente l’hypothèse que la parole est un des résultats de la « descente du larynx » chez le futur genre humain,cette descente étant elle-même une conséquence indirecte du fait que nous sommes devenus bipèdes. En somme, nous parlerions parce que nous marchons …
Or il est constant que Lacan ne veut pas entendre parler d’un tel évolutionnisme, ce qui l’aura dès lors conduit progressivement à prendre ses distances avec un Freud qui n’a sans doute jamais abandonné le projet d’inclure à terme la psychanalyse dans les sciences naturelles. D’où l’évidente transgression du titre donné à la seconde leçon du Séminaire XI : L’inconscient freudien et le nôtre, qui signifie courtoisement mais fermement le congé donné au projet freudien dans ce qu’il pouvait avoir de plus scientiste.
Ainsi, il m’apparaît que le refus de tout évolutionnisme oriente notre compréhension de la portée de la forme sans doute la plus connue de Lacan, et qu’il n’explicite jamais, à savoir que : « L’inconscient est structuré comme un langage. » Pour deux occurrences éloignées de près de dix ans , voir le Séminaire X du 22 janvier 1964 ( Seuil p.23 )ou Séminaire XX du 16 janvier 1973 ( Seuil p.46 ).
Transition de I à II :
8 : Or il existe plusieurs récits dans lesquels Lacan fait état de son désir de ne jamais avoir prononcé cette formule (par exemple dans le recueil d’Allouch déjà cité supra : la page 150 mentionne une déclaration faite au Liban en 1973).Si nous faisons fonds sur ces récits, comment faut-il entendre le désir qui s’y manifeste ?
Il y a au moins deux niveaux d’accès commode : Tout d’abord, relevons le fait que cette maxime ne relève pas du registre de la transmission mimétique, ce qui veut dire qu’elle n’est pas un signifiant, et cela du seul fait de la grammaire de la phrase. En effet cette proposition renvoie au registre usuel de la signification par la conjonction « comme », qui sert d’ordinaire à la fonction de renvoi à un sens mieux connu.
Une maxime ainsi formulée relève clairement de la pratique commune de la transmission , telle que je la décrivais ici-même au § 3 ci-dessus.
D’autre part, et ce second point prolonge le premier dans une direction bien particulière, cette maxime est une proposition fermée. En effet, à part un seul mot de la phrase, et qui d’ailleurs le plus petit, rien n’est fait pour surprendre dans cette maxime, au contraire des grands aphorismes lacaniens, qui sont le plus souvent énoncés sur le registre déclaratif, ce registre étant surpris par une négation explicite : il en est ainsi notamment de la proposition : « Il n’y a pas de métalangage », ou même encore de la proposition isomorphe : « il n’y a pas de rapport sexuel ».
J’en infère que cette maxime, en particulier dans sa situation pragmatique de 1964 (rappelons que la pragmatique est la quatrième discipline censée constituer la linguistique, et qui a pour propre de s’occuper des effets du locuteur sur ce qu’il énonce)n’a alors peut-être qu’une portée tactique. Il n’est ainsi pas certain que Lacan s’attendait à son succès.
Or sa valeur tactique est celle d’une affiliation au programme structuraliste alors en train d’émerger. Cette hypothèse de travail implique de ma part de souligner la portée du participe passé « structuré » autour duquel la maxime s’organise. Il se pourrait d’ailleurs que ce participe tende à faire oublier l’article indéfini que la maxime comporte , article qui aurait dû attirer notre attention car il rend la proposition logiquement inconsistante.
Rappelons au passage que l’adjectif « consistant » devrait être rendu libre de tout imaginaire substantiel de la densité ( comme lorsqu’on parle d’un « repas consistant »). Il s’agit d’un concept de la logique contemporaine qui désigne la propriété d’une théorie de ne pas être contradictoire. La raison de ce souci de consistance est le fait que d’une propriété contradictoire, on peut déduire n’importe quoi, ce qui ôte toute portée à ladite théorie …
Ainsi, si ce que j’avance est correct, on devrait dire que d’ une part Lacan fait acte d’allégeance alors au mouvement structuraliste , auquel on va d’ailleurs l’associer définitivement.D’autre part, il énonce sciemment quelque chose de faux , mais qui ne fut pas alors perçu comme tel, ce qui me conduit à supposer qu’alors , le sens de la réforme saussurienne dans l’étude du langage n’était pas réellement compris.
En effet, il ne peut pas y avoir un langage, mais seulement le langage, du moins dans le contexte métaphysique de la linguistique saussurienne, c’est-à-dire structurale. Seuls les deux autres concepts de la triade (langue et parole) peuvent se dire au pluriel. Si donc on fait crédit à Lacan d’avoir sciemment jouer le coup que je décris, et qu’il a en partie perdu,d’où ses regrets explicites d’avoir prononcé cette maxime , alors la formule ne peut signifier que ceci : « Malgré mes dires explicites , et mon affiliation tactique, je n’ai au fond rien à faire de la linguistique structurale et de sa conception du langage ».
II ) Au-delà du langage.
9 : Pour aménager l’entrée qui nous occupe dans cet abord de Lacan, à savoir la porte du langage, il est difficile de ne pas voir qu’il s’était mis dans une position très inconfortable. Car le langage était exclu par principe de la linguistique structurale , ce qui signifiait en pratique que ledit langage était abandonné à la philosophie , la discipline spécialisée dans le traitement des déchets conceptuels …
Cependant, et c’est là que pivote la difficulté, pour dégager Freud de ses mirages naturalistes et en particulier évolutionnistes, rien ne semblait plus commode qu’un détour par le langage, compris comme une réalité institutionnelle de part en part, et donc étrangère à toute naturalisation possible.
Si vous acceptez mes deux prémisses, nous nous trouvons devant l’alternative suivante : soit construire une théorie du langage ad hoc, donc faire tôt ou tard de la psychanalyse une annexe de la linguistique , soit abandonner à terme toute référence à linguistique structurale, avec le risque important,au moins dans un premier temps de ne plus être considéré comme structuraliste, pour autant qu’on était alors dans le programme où la linguistique était la science pilote du mouvement structuraliste.
Il me paraît clair que Lacan, sans enthousiasme de toute évidence, aura choisi la seconde branche de cette alternative. Cela dit, il était assez bon tacticien pour avoir su très vite le prix qu’il allait falloir payer pour tracer sa voie en suivant cette branche : à savoir l’invention de concepts radicalement nouveaux pour pouvoir la frayer.
Un des aspects de ce prix fut pour lui une sorte de solitude théorique grandissante, dont les Séminaires des années 70 se font à chaque saison les échos de plus en plus insistants.
Pour entendre ce registre, on se reportera notamment à la première séance : le 21 novembre 1972, de ce premier séminaire crépusculaire, intitulé ironiquement : Encore, dans laquelle Lacan avoue avec une étrange amertume : « Je devrais savoir que j’ai mieux à faire que d’être là … » Seuil 1975 page 17 Encore l’aveu d’un savoir qui fait défaut …
Il s’agira donc, dans le second versant de mon propos de ce soir, de sélectionner, le moins arbitrairement possible, deux concepts qui lui auront permis de consommer sa rupture avec la linguistique structurale. J’ai choisi celui de lettre, et celui de lalangue, qui rompaient effectivement les amarres avec les structuralistes, mais à ce moment-là le « périple structural » , selon la belle formule de Milner, était déjà achevé .
A / Une seconde transmission.
10 :Je me demande depuis longtemps ce qui marquera plus tard la place exacte de Lacan dans l’histoire de la pensée du XXe siècle. Je me suis d’abord dit que pour avoir une réponse, il suffisait d’être attentif à ce que Lacan disait lui-même de son travail. Or, on sait que dans les années 70, soit dans la décennie où il a commencé à parler de son œuvre au futur antérieur , il considère qu’il restera pour un certain traitement qu’il aura fait subir au concept d’objet. Ce traitement consiste à avoir imaginé, contre une tradition philosophique particulièrement massive qui faisait du sujet invariablement un pôle d’activité, et par conséquent de l’objet un des résultats de cette activité, que certains objets étaient au contraire des causes, et en particulier des causes de désir.
Cela dit, aujourd’hui , je ne crois plus autant que jadis qu’il faut toujours suivre ce que des penseurs disent de leur propre œuvre. Et pour justifier les raisons de cette méfiance, je me suis fabriqué un petit outil efficace grâce à la séparation entre l’importance et l’intérêt.
Comme l’étymologie du terme l’indique déjà, on a de l’intérêt pour une réalité dans laquelle on place son être propre. Au contraire, l’importance est décidée par l’appropriation que l’autre se procure de ce que fait le sujet, car tôt ou tard on devient un objet pour l’autre. Je présume que, au vu de son caractère tardif, l’invention de l’objet comme cause aura coûté beaucoup de travail à Lacan, mais je me suis convaincu que nous mettons notre être dans ce qui nous a beaucoup coûté.
L’objet (a) serait donc au centre de l’intérêt que Lacan a gardé pour ce qu’il produisait. En revanche, parce que le destin d’une œuvre est d’échapper à celle ou celui qui n’est alors plus, en aucun sens, son auteur, l’importance de cette œuvre est entièrement remise à la décision des autres.
Or, dans lesdites années 70, pour des raisons en partie contingentes, ces autres qui vont décider de l’importance de l’œuvre de Lacan seront des philosophes, avec un effet générationnel marqué : ceux qui le lisent en étant déjà des philosophes reconnus sont tous nés autour de 1925. Je tiens que cet écart explique une part de la sorte de malentendu qui s’installera peu à peu entre philosophie et de psychanalyse,et qui est fort loin de s’être dissipé.
Dans une génération exceptionnelle, il y a ainsi trois philosophes lecteurs de Lacan qui ont chacun environ 25 ans de moins que lui, et qui le lisent d’une manière à la fois critique et attentive. Lacan prendra en compte très inégalement ces lectures, qu’il prendra même parfois de haut.
Le rapport avec Deleuze, qui le cite avec éloge dès 1969 (voir Logique du sens),sera celui qui reste marqué du plus grand malentendu, peut-être proportionnel à la proximité ,au moins à certains égards, des deux pensées. Le rapport avec Foucault est le plus distant, du fait de l’hostilité résolue dont ce dernier aura toujours fait preuve à l’égard de la psychanalyse. Le troisième , et benjamin effectif de cette génération décisive, Derrida aura conduit un dialogue si précis avec Lacan qu’il m’a paru légitime de consacrer une conférence entière à cette réception particulière.
La perspective de cette seconde transmission me permet alors de poser que le statut du nouveau concept de lettre inventé par Lacan aura eu plus d’intérêt pour lui qu’il ne recevra d’importance de la part des autres.
11 : Une nouvelle fois, l’affaire doit s’attraper par le biais de la transmission. Mais il faut bien voir qu’il y a un problème de la transmission, et qu’il est purement logique.
En effet si ce que l’on veut transmettre a une quelconque importance, pour qu’ils en conçoivent la portée, ses destinataires devraient déjà être au début de la transmission ceux en qui le processus doit les transformer.
Platon, dans le Menon , est le premier à avoir repéré ce paradoxe , qui est peut-être insoluble.
Il y a donc dans l’énoncé des conditions d’une transmission véritable une contradiction logique, que l’on ne peut tenter de lever qu’avec des bricolages plus ou moins importants.
Historiquement, le plus efficace semble avoir été L’enseignement magistral, fondée sur une passivité Totale du récepteur et la croyance qu’il pourra se Transformer en sujet connaissant par la répétition De certains exercices. On sait que ce modèle cesse D’être hégémonique à la fin des années 60.
Après avoir d’abord fait confiance, faute de mieux, à ce modèle humaniste de 1953 1966, Lacan s’est résolu à délaisser le recours à la langue naturelle, pour articuler son enseignement, du moins quant à ses points essentiels, à un dispositif technique qu’il nomme, de façon significative : le mathème.
Lacan sait manifestement depuis le début qu’une transmission en vérité est presque impossible. En témoigne, entre autres, la citation suivante, rédigée dans la langue limpide des commencements. « la racine de la difficulté, c’est qu’on ne peut introduire des symboles, mathématiques ou autres, qu’avec du langage courant, puisqu’il faut bien expliquer ce qu’on va en faire. » Séminaire I : séance du 18 novembre 1953. Seuil page 8
Le mathème s’articule donc dans la visée d’une transmission intégrale, ce que la formalisation mathématique est censée avoir réussi. Pour une expression de cette conviction, voire le Séminaire XX : séance du 15 mai 1973 (Seuil 1975 page 108).
La question se pose alors de savoir pourquoi le mathème parvient à ses fins, ou encore pourquoi les mathématiques sont importantes. Lacan est conscient du paradoxe de la réponse, qu’il couvre alors encore de l’autorité du philosophe qui lui sert dans ces circonstances : Koyré.
Ce paradoxe énonce que ,contrairement à ce que croit la doxa, les mathématiques ne sont pas l’affaire des chiffres, mais de la lettre. Car depuis Pythagore, il y a un imaginaire des chiffres dont il convient de se garder. Si donc on choisit bien ses lettres, on pourra couper court (qui pourrait aussi s’écrire :cours, pour illustrer l’équivoque structural de l’inconscient) à la plus grande part possible de l’imaginaire.
B / Parler sans comprendre.
12 : On peut mettre en forme en quoi l’invention du concept de lettre, car un mathème est composé de lettres, constitue un début d’abandon du concept de signifiant. Autrement dit :Lacan pense contre Lacan, ou encore : il y a deux Lacan.
Une exposition en voie de formalisation mettrait l’accent sur les trois caractères successifs suivants :
A) Un signifiant n’a pas de substance : il est seulement relation de différence avec ses Semblables . Au contraire la lettre à une sorte de substance définie par sa fonction. C’est ce qui permet de noter un signifiant par une lettre : S1 en l’occurrence.
B) Un signifiant n’a pas de devenir parce qu’il n’a de valeur que dans un système.La lettre peut figurer dans plusieurs agencements,c’est ce qui permet de faire figurer un signifiant dans un discours, moyennant la lettre qui le Configure.
C) Un signifiant a un effet déterministe parce qu’il n’est que différence. La lettre peut être transmise parce qu’elle est figurable autrement.
D’une manière peut-être inattendue, c’est avec les effets de l’œuvre de Foucault que Lacan se confronte en substituant progressivement la lettre au signifiant.
En effet Foucault, entre 1966 et 1969 , pour des raisons qui tiennent aux difficultés de sa propre œuvre,invente un concept du discours qu’il reprend et transforme de la linguistique de Benveniste. Mais le discours au sens de Foucault n’est jamais formalisé, au sens de littéralisé, et c’est donc un ajout propre de Lacan q ue cette littéralisation. C’est dans le Séminaire XX que cette absorption cryptée de Foucault s’effectue. Elle culmine dans la proposition suivante : « La lettre, radicalement, est effet de discours. » Séance du 9 janvier 1973. Seuil 1975 page 36
Or son concept de « discours » fonde ce qu’il faudrait nommer la politique de Lacan, puisque ledit « discours » est caractérisé comme « lien social ». Par conséquent, la lettre est un effet de ce qui nous permet de faire société.
D’autre part, il est manifeste que les mathèmes ne communiquent pas les uns avec les autres :il ne s’agit pas de faire système.Cet aspect de la théorie lacanienne est d’ autant plus frappant que les phénomènes dont les mathèmes sont des inscriptions sont eux-mêmes en relation. Ainsi du fantasme et de la pulsion dont les mathèmes sont isomorphes.
Quelle importance faut-il donner à ce qui est bien sûr une décision délibérée de Lacan ? Le plus simple est de supposer qu’il faut ainsi éviter ce que cette communication permettrait,à savoir une déduction réciproque et totalisante. Or une structure n’est pas une totalité.
13 : On voit par là qu’il aura beaucoup importé à Lacan que le discours inconscient ne puisse pas être repris dans un langage totalisant l’expérience, ne serait-ce que pour permettre le dénombrement exhaustif de ses marques pour que ladite expérience devienne transparente pour son sujet.
Autrement dit il s’ agit de se garder d’une double faute :ne faire de la psychanalyse qu’un raffinement de la linguistique ou une annexe des mathématiques. Il s’agit au contraire d’être obligé de penser que le même agencement de lettres ne « renvoie » pas aux mêmes situations. Il en va donc sur ce point de la question de l’identité, et j’exposais il y a 15 jours à propos de Derrida qu’il est nécessaire qu’une identité soit toujours idéale, et donc logique, ce qui implique qu’elle ne peut se vérifier qu’avec des conventions d’écriture.
Lacan n’a cependant pas oser nommer ce qu’il fait avec les mathématiques d’ un nom qui en dirait le caractère ironique. Une analogie s’impose :de même qu’il aura pratiqué envers la linguistique ce qui fut désigné comme « linguisterie » ( et cela n’a pas fait rire les linguistes , et Mounin tout particulièrement …),de même on pourrait parler de « mathématisterie ».
Il s’ensuit un corollaire important :la psychanalyse ne peut pas devenir un discours universel, ce à quoi seules les mathématiques continuent à pouvoir prétendre légitimement. La théorie de l’inconscient est une théorie locale, et cela non pas par incapacité mais délibérément. D’où la boutade de Lacan à propos des japonais et des « vrai catholiques »…
Dès lors, si la politique est une technique pour faire des totalités humaines, il ne peut pas y avoir sérieusement de politique lacanienne, ou alors elle se réduit à l’énoncé du principe selon lequel tout discours fait lien social.
Mais il n’y a rien en déduire. Un pas de plus et, malgré son respect pour cette discipline, Lacan accuse les mathématiciens de ne pas savoir ce qu’ils font. Voir l’incroyable passage qui fait la charnière des pages 46 et 47 du Séminaire XX en sa séance du 13 février 1973.
Une fois cette frontière passée, il n’y a plus de limite,et Lacan aborde des rivages inexplorés en inventant le quasi concept de la lalangue. La lalangue est strictement un usage de la parole qui ne veut rien dire, dès lors qu’on admet qu’on ne peut « vouloir dire » qu’en se pliant aux règles d’un discours constitué. Jamais Lacan n’aura été aussi loin de Wittgenstein … La question est alors : pourquoi ce concept insolite de la lalangue ? Il est l’aboutissement de la linguisterie, c’est-à-dire de la décision de considérer la linguistique comme une imposture. La lalangue permet de signaler la possibilité de considérer toute parole comme ne servant absolument à rien.
Conclusion :
Par un retournement ultime, dont je n’exclus pas qu’il ait été lui aussi contrôlé, c’est peut-être par ce quatrième concept que Lacan s’est trouvé au plus près d’une interrogation sur le langage, qu’il avait dû abandonner du temps de son saussurisme initial. Comme souvent, ce retournement est explicité par un détour biographique.
Mais c’est seulement au bout de 20 séminaires que Lacan avoue qu’il doit son incrédulité devant le projet de la linguistique à sa fréquentation ancienne (si ancienne qu’il peut même se permettre de ne plus le citer explicitement quand il s’appuie sur lui) d’un philosophe très inattendu : l’évêque irlandais Berkeley. Pour cet hommage, vous vous reporterez à la fin de la séance du 10 avril 1973 du Séminaire XX,à la page 93 de l’édition du seuil en 1975.
Lacan aura probablement retenu de Berkeley ce que les philosophes de profession nomment son idéalisme radical, à savoir son principe d’une impossibilité absolue d’avoir jamais affaire à quelque extériorité que ce soit. Il semble évident que cet idéalisme s’accorde tout à fait avec le créationnisme que j’ai décrit au § 6 Ci-dessus.
Berkeley professe qu’il n’y a que deux conditions pour être : percevoir, ou être perçu. Lacan en aura probablement tiré la transposition suivante des deux seules conditions pour la réalité : parler, ou être parlé. Autrement dit Lacan professe une ontologie binaire : tout étant est soit un dire, soit un dit.
Ce qui me semble décisif pour clore cette conférence est alors de remarquer que sur une telle base ontologique, la division de l’être parlant est nécessaire et irréversible. D’où suit un corollaire capital pour faire justice une fois pour toutes d’un contresens insistant chez les philosophes de profession.La cure analytique ne peut pas être, en aucun sens rigoureux, une prise de conscience, à la façon dont on parle d’une prise de possession.
La variante moderne de cette croyance est tout aussi fautive : il n’y a rien dans une existence à assumer qui lui serait antérieur, puisque toute parole institue ce qu’elle dit, et ne le recouvre pas. C’est pourquoi Lacan se montrait particulièrement cohérent lorsque, au terme de son œuvre,il ironise sur la croyance en une pertinence quelconque de la question du langage,du moins dans le statut que lui réserve la linguistique saussurienne.
Il faut bien reconnaître que Lacan est passé complètement à côté de la linguistique de Chomsky, et il me semble que la problématique de cette conférence permet de comprendre pourquoi : le projet du linguiste américain s’inscrit explicitement dans un projet évolutionniste. Pour vérifier cette indifférence ultime de Lacan, on se reportera à la séance du 15 novembre 1977 du Séminaire XXV – non encore publié – où il nous invitait à quitter la chimère d’un langage qui viendrait se substituer aux formes individuelles de la lalangue.
Roland Favier, les 26 & 27 janvier 2011
