18 décembre 2006
« La fonction phallique serait ce qui permet de donner une signification phallique à la jouissance phallique »
Introduction par Yamina Guelouet.
Lors des débats qui ont eu lieu à l’occasion des séminaires précédents autour du thème « Ego et moi », j’ai fait référence à une conférence de Freud de l’année 1917 qui s’intitule « La théorie de la libido et le narcissisme » que l’on retrouve dans le recueil « introduction à la psychanalyse » page 389 et dans les Oeuvres complètes, tome XIV, page 427. Marie-jean m’a demandé d’en faire état en guise d’introduction lors de son séminaire du 18 Décembre.
Je ne fais que restituer les quelques éléments qui me paraissent se rapporter directement au thème de cette année, me laissant le temps de comprendre et de saisir le lien avec ce qui s’élabore dans ce séminaire, de même que le lecteur est invité à en faire autant s’il le souhaite.
Je ne me contenterai que de quelques remarques que j’écrirai en italique.
L’intérêt que j’ai porté à cette lecture m’est venu de l’ affirmation d’une analysante qui parlant de sa vie amoureuse, et se demandant comment elle a pu échapper au ravage de sa relation à un homme, n’a trouvé qu’un seul barrage : son symptôme. En ce sens effectivement, que le symptôme échappe à la demande de l’Autre. Et l’idée qui m’a effleurée à une première lecture est de faire équivaloir l’égoïsme dont Freud parle dans cette conférence au symptôme. Mais, il est nécessaire d’examiner avec plus de rigueur ce que Freud avance dans sa conférence avant de l’affirmer.
Dans cette conférence, Freud fait un état des lieux concernant la théorie de la libido, dans son rapport au moi, afin de déterminer ce qu’est le moi, ses différentes organisations, leurs structures et leur mode de fonctionnement.
Il part d’un acquis, celui de la distinction entre les pulsions du moi et celles de la libido. Elles s’opposent l’une à l’autre, les dernières subissant une défaite du fait du refoulement. Mais, les pulsions sexuelles réprimées, du fait de leur incoercibilité, n’ont pas la même relation au principe de réalité, et s’arrangent pour trouver toujours satisfaction par des détours régressifs. Ce qui les distingue des pulsions du moi. Cette distinction se révèle particulièrement dans le rapport à l’angoisse.
En effet, la libido insatisfaite se transforme en angoisse alors que l’insatisfaction de la faim ou de la soif ne génèrent aucune angoisse. Ainsi le moi se trouve plus affecté par les pulsions sexuelles que par celles du moi.
C’est ce qui intéresse Freud : l’élucidation psychanalytique des névroses dont la clé repose sur cette séparation entre pulsions sexuelles et pulsions du moi dont il conviendrait de tirer les conséquences.
Pulsion du moi et pulsions sexuelles se distinguent par leurs manifestations, ce qui se montre aisément dans les névroses de transfert.
Freud va réserver le terme de libido à l’investissement que le moi adresse aux objets des ses pulsions sexuelles, alors que le terme d’intérêt est réservé à tous les autres investissements provenant des pulsions de conservation.
La question reste posée au sujet du moi : de quoi est-il composé, quelle structure a-t-il, quel est son mode de fonctionnement.
Pour avancer sur cette question, Freud fait une première remarque, en s’appuyant sur des idées de Karl Abraham : il part de la démence précoce où la fixation de la libido aux objets fait défaut.
Que devient-elle quand elle se détache des objets ?
Elle fait retour au moi en donnant le délire de grandeur de la démence précoce.
Freud fait le parallèle avec ce qui se passe dans la vie amoureuse normale, où la survalorisation de l’objet investi s’équivaut au délire de grandeur, trouvant là l’équivalent d’un trait d’une affection psychotique dans la névrose.
Il fait remarquer ainsi que la libido qui pouvait obtenir des satisfactions par investissement d’objets peut se détourner de ceux-ci et les remplacer par le moi propre.
Ici une remarque s’impose : d’un côté on a l’investissement d’un objet, de l’autre on a le moi propre qui prend statut d’objet.
Ce déplacement de la libido, Freud lui donne le nom de narcissisme. C’est un état où l’individu adulte réserve à son propre corps les marques de tendresse qu’il déploie pour un objet étranger. Il ajoute qu’il est vraisemblable que cette fixation constitue un état général originel qui ne disparaît pas, et à partir duquel peut se constituer plus tard l’amour d’objet.
Il faut donc que le corps propre se soit constitué comme objet pour que puisse s’établir un investissement d’objet à l’extérieur.
En effet, l’histoire du développement de la libido d’objet a montré que les pulsions sexuelles se satisfont initialement sur le corps propre, auto-érotiquement.
L’autoérotisme a été l’activité sexuelle du stade narcissique du placement de la libido.
Ces rapports entre libido du moi et libido d’objet sont repris par Freud dans une représentation, celle de ces êtres protoplasmiques à peine différenciée, qui en émettant des pseudopodes font écouler leur substance vitale vers les objets de leur satisfaction et peuvent les retirer pour se mettre en boule. La libido qui investit les objets est comparée à ces pseudopodes, la masse principale restant dans le moi.
Nous avons ainsi une sorte de réserve de libido du moi d’où seule une partie se transforme en libido d’objet, celle-ci pouvant retourner dans le moi.
A partir de là Freud va expliquer un certain nombre d’états psychiques de la vie normale.
En prenant l’exemple de celui du sommeil, on constate que cet état repose sur un isolement du monde extérieur pour se régler sur celui du désir de dormir. Toutes les activités psychiques nocturnes sont au service de ce désir, déterminées et dominées par des mobiles égoïstes. Toutes les énergies, soit celles libidineuses attachées aux objets, soit celles égoïstes, se retirent et rentrent dans le moi, rétablissant l’état originaire de narcissisme où libido et intérêt du moi vivent unis et inséparable, dans une unité indifférenciable où le moi se suffit à lui-même.
Ici, on peut se poser une question : pourquoi ce retrait de libido dans le moi qui caractérise l’état de sommeil ne donne pas un délire de grandeur comme dans la psychose ?
A partir de ces considérations, Freud fait deux remarques :
1) il détermine une différence conceptuelle entre narcissisme et égoïsme :
Le narcissisme est le complément libidinal de l’égoïsme.
L’égoïsme est au service du profit de l’individu. Alors que le narcissisme tient compte de la satisfaction libidineuse. Tous deux peuvent être poursuivis séparément. Mais l’égoïsme veille à ce que l’investissement d’objet ne porte pas préjudice aux besoins du moi. Il est l’instance qui préserve l’intégrité du moi.
Freud ajoute qu’au point de vue pratique, cette distinction peut être poussée assez loin.
1) on peut être absolument égoïste sans cesser d’attacher de grandes quantités d’énergie libidineuse à certains objets, dans la mesure où la satisfaction procurée par ces objets satisfait aux besoins du moi. L’égoïsme protège ainsi le moi.
2) On peut être égoïste et présenter en même temps un degré très prononcé de narcissisme, soit se passer facilement d’objets sexuels, que ce soit du point de vue de la satisfaction sexuelle directe, ou ce qui en dérive, de l’amour à la sensualité pure.
A partir de ces éléments, l’égoïsme apparaît comme l’élément constant, le narcissisme l’élément variable.
Freud introduit ensuite l’altruisme : il y a absence de la poursuite de satisfaction sexuelle dans l’altruisme. Il n’est pas subordonné aux objets sexuels, sauf dans l’état amoureux absolu où l’altruisme coïncide avec la concentration de la libido sur l’objet qui attire sur lui une partie du narcissisme qui va amplifier la valeur sexuelle de l’objet. Et si il s’ajoute la transfusion altruiste de l’égoïsme à l’objet, celui-ci devient tout-puissant : on peut dire alors qu’il a absorbé le moi.
Freud cite là dessus le dialogue entre Suleika et Hatem dans le westöstlicher Divan de Goethe :
Où à ce que Suleïka dit : toute vie peut être vécue, pourvu qu’on ne manque pas à soi-même ; on peut tout perdre, pourvu qu’on reste ce qu’on est , ce à quoi Hatem répond : tout le bonheur de la terre, je le trouve réuni dans la seule Souleïka….se fut-elle détournée, dans l’instant je me perdrais moi-même. Nous retrouvons là les deux pôles extrêmes des deux positions évoquées plus haut : celle où l’égoïsme protège le moi, et à l’extrême, celle où l’objet devenu tout puissant a absorbé le moi.
Ainsi, dans cette première partie de la conférence, Freud dégage cet invariant, l’égoïsme, formé des pulsions égoïstes du moi, et le narcissisme comme étant la partie du moi d’où la libido peut être émise vers les objets, et qu’il qualifie d’élément variable.
Je m’abstiens pour aujourd’hui de faire des corrélations avec ce que j’ai avancé plus haut, me donnant la possibilité d’y revenir après avoir travaillé la suite de la conférence. Mais, je ne peux m’empêcher de citer ce dit d’une analysante, qui évoque sa toute puissance en rapport avec un symptôme qu’elle vient de résoudre, et ce qu’elle en dit par rapport à ce qu’il en reste : « c’est un noyau. J’aimerai bien savoir de quoi c’est fait. Maintenant je jubile. C’est comme si un stade de conscience a unifié tous les autres… ». A suivre…
Marie Jean Sauret
1 – Quel est l’enjeu de cette proposition de Pierre Bruno[1] ? Elle lève quelques contradictions dans la lecture de Lacan, permet d’en réordonner certains éléments, elle tient compte de faits cliniques difficilement explicables autrement – notamment dans le champ de la psychose.
2 – Pas de sujet sans « point d’insémination d’un ordre symbolique » qui, pour Lacan, préexiste (logiquement) au « sujet infantile », et selon lequel ce dernier doit se structurer (Ecrits, p. 593). « Le premier corps [du symbolique] fait le second de s’y incorporer » : le symbolique se retrouve marqué du sceau de l’incorporel tandis que la jouissance est négativée – mais, écrit Lacan, pour « redistribuer corps et chair » (Autres écrits, p. 409). Entendons que la jouissance est d’abord mise hors corps sans que s’en distinguent mais à partir de quoi se distingueront jouissance du sens, jouissance phallique, jouissance de l’Autre, jouissance féminine, sans même que la jouissance autoérotique qui fait retour sur le corps ne soit encore comme telle identifiable. « La jouissance, c’est du réel », dira-t-il beaucoup plus tard, dont « le majeur est le masochisme » (leçon du 10 février 1976). Lacan introduira la phase du miroir constitutive du moi et condition de l’inscription de la castration comme opération permettant de symboliser la perte de la jouissance du fait de parler et d’en identifier le retour dans le symptôme – il dira plus tard que le phallus de la castration (le phallus, « réel en tant qu’on l’élide », « en tant qu’expulsé du sens ») donne corps à l’imaginaire (leçon du 11 mars 1975)[2]. Les complexes d’oedipe et de castration et leur reprise par la métaphore paternelle mettent de l’ordre dans les jouissances : ils font supporter l’altérité par la différence des sexes, mais cette altérité n’est symbolisable (au moins pour le névrosé) qu’à la condition de la fonction paternelle. Seule celle-ci révèle alors la castration de la mère, subordonne son caprice à la loi, et met en demeure l’enfant de s’interroger sur ce que possède l’autre après lequel la mère court et que lui, l’enfant, fille ou garçon, n’a pas. Le phallus est à la fois le signifiant de la différence des sexes et l’index de cette jouissance qu’il serait possible de récupérer par les moyens de la structure dans le rapport à l’autre sexe – et qui du coup prend signification phallique…
3 – A la fin de son enseignement, Lacan précise topologiquement ce qu’il en est de la jouissance phallique en même temps qu’il résout de la même façon ce qu’il en est de la nomination. Réel, symbolique et imaginaire, les dimensions dont est fabriqué le sujet, ne sont distinguables entre elles que par un quatrième rond : complexe d’oedipe ou réalité psychique. Lacan a l’idée à ce moment là que l’on pourrait se passer de ce quatrième rond en nouant borroméennement les trois autres – et que ce serait cela une psychanalyse (Ornicar ? n° 3, 1975, p. 103). De fait le nouage par le père symbolique demeure un nouage par l’Autre, religieux donc. Certes, le dissoudre dans la borroméanité permettrait d’échapper à la solution religieuse, mais ne répond plus à la question de la nomination : qu’est-ce qui distinguerait R,S et I, et qu’est-ce qui viendrait donner un nom à la borroméanité paternelle elle-même ? Un pas est franchi quand Lacan fait de l’arbitraire nommant ou de la main qui manipule les objets topologiques et qui les colorie (ou écrit leur nom) un quatrième rond – nouage par le sinthome, nous le savons. Or précisément la résolution de la place et de la signification de la fonction phallique dépend de la résolution et de la place dévolue au père : identifié à la borroméanité, dont on peut se passer (ne pas faire du père le quatrième rond) à condition de s’en servir (à condition de lui substituer le sinthome et que le nouage par le sinthome ait au moins l’allure d’un nœud borroméen, c’est-à-dire noue ensemble R, S et I). Le sujet a le choix entre la religion (nouage par l’Autre), la paranoïa (nouage borroméen à trois) et le sinthome (nouage à quatre…). Pierre Bruno a déjà rajouté un cas de figure : le nœud déjà borroméen (S, I et sinthome) où néanmoins un quatrième rond, le Réel, viendrait redoubler le Symbolique[3]. Or, ce que Lacan appelle jouissance phallique n’est autre que l’épreuve que le sujet qui résulte de l’incorporation du symbolique fait de l’ex-sistence : non pas seulement de son existence « personnelle », non pas de l’ex-sistence de l’univers dans lequel son « existence personnelle » le plongerait (et qui le résorberait dans l’imaginaire ou dans le symbolique d’une mythologie, nœud à 3 sans sinthome ou à quatre par le père), mais expérience d’une ex-sistence qui tiendrait à ce que le réel excède le symbolique et l’imaginaire. Le réel c’est ce qui résiste « à l’épreuve de l’existence, à prendre comme ce qui se coince dans le nœud » – « c’est la forme même du nœud » (idem, p. 102). La jouissance phallique, c’est l’expérience de cette épreuve. En d’autres termes :« ce qui est de l’ex-sistence se métaphorise de la jouissance phallique. C’est au réel comme faisant trou que la jouissance existe, et je la situe donc, note encore Lacan, du champ produit par l’ouverture du rond connoté R » (leçon du 17 décembre 1974). Qui peut dire que quiconque en soit exclut de droit ? La fonction phallique donne une signfication à cette expérience grâce au phallus comme signifiant : c’est cette possibilité d’appréhender l’ex-sistence du réel par le phallus qui dévolue à ce dernier les insignes du pouvoir. Lacan précise en effet que la jouissance phallique n’est pas le phallus (ce n’est pas non plus la jouissance pénienne, ni la jouissance du double, ni celle du corps en tant qu’imaginaire – leçon du 16 décembre 1975), lequel phallus définit l’ensemble de celui qui en est encombré : la jouissance phallique, organe sans jouissance ou jouissance sans organe, est justement ce que cette fonction « signifie » comme lui échappant (ex-sistant, au réel) et qu’elle situe du côté de ce qui, pour un homme fait dès lors symptôme, une femme (Ornicar ? n° 3, p. 108). « L’existence, avance Lacan, c’est le jeu de la corde jusqu’à ce que quelque chose la coince ». Ce qui se révèle alors c’est la consistance du réel : consistance que Freud a désigné du terme de phallus. Il s’agit de donner son poids à cette consistance (leçon du 16 mars 1975). Je comprends le « donner du poids à cette consistance » comme équivalent de « prendre une signification ». Topologiquement, Lacan va inscrire le phallus (la fonction) comme ce qui vérifie un faux trou : un vrai trou est représentable par un rond de ficelle ou un puits littéralement sans fond. Un faux trou est l’espace existant entre deux ronds de ficelle placés l’un au dessus de l’autre : comment les coincer sans les enlacer et sans les traverser par quoi que ce soit ? Il suffit de les replier l’un dans l’autre, et, en les écartant, de libérer le faux trou central qu’ils forment : il est alors possible d’introduire dans ce faux trou une droite infinie qui interdira de les dénouer. Le faux trou est vérifié par le coincement (Ornicar ? n° 5, p. 44-45). A partir de là, Lacan inscrit la jouissance phallique dans le nœud borroméen, entre le réel et le symbolique, à l’exclusion de l’imaginaire (où il loge le corps). Le phallus devient précisément la corde quatrième qui permet la vérification et l’épreuve de ce qu’il y a là un réel coincé. Lacan écrit par ailleurs la jouissance phallique dans le nœud de la paranoïa, réduction du nœud borroméen à trois (dans lequel rien ne permet de distinguer R, S et I) au nœud de trèfle, un nœud avec une corde simple dans lequel Réel, symbolique et imaginaire sont mis en continuité et distinguables seulement par le caprice du dessinateur (leçon du 16 décembre 1975). La jouissance phallique est finalement l’épreuve offerte à chacun pour vérifier qu’il est vivant ! Mais elle n’est lisible et assignable à résidence (sinon Phi 0 dans la psychose) qu’à la condition du quatrième rond (y compris dans la paranoïa si l’on suit la suggestion de la note 3 ci-dessus). Lacan souligne la caractéristique étrange du réel : se nouer. S’il ne se nouait pas, la science serait impossible. Il faut donc que le réel puisse comporter un trou : ce trou, c’est l’inconscient – qui suppose la rencontre du symbolique. Pour se nouer au réel, il faut en effet le symbolique, lequel doit lui aussi comporter un trou. Un temps Lacan identifie ce trou au père en tant que nommant : parce que c’est le symbolique qui va introduire le trou dans le réel en lui transférant du coup sa consistance. On peut, à partir de ce premier rond de ficelle, en introduire une infinité d’autres… et se demander ce qui donne le privilège du premier : pas de raison de n’y admettre que le symbolique… La question de qui nomme et qui fait fonction de premier logique n’est réglée qu’avec le sinthome (leçon du 15 avril 1975). Le symptôme est ce qui contrevient au rapport sexuel, lequel inclurait le sujet dans un univers sans existence – sans réel. Le sinthome permet la nomination du symbolique, de l’imaginaire et du réel, et du coup l’identification par la fonction phallique de la jouissance phallique comme existante au corps, preuve du réel en quelque sorte. Or l’Ego, le radical de la singularité (accessible dès la phase spéculaire), est susceptible de remplir cette fonction sithomatique jusque dans la psychose (leçon du 17 février 1976)…
4 – Deux vignettes. Ji-el, est sorti de l’autisme par la construction, entre autres, d’une machine délirante, un Autre de synthèse dénommée C.I. pour « Combinaison Imbattable. Il s’agissait d’une armure dotée de pouvoirs magiques. Elle comprenait un trou par lequel sortait son pénis, seule partie du corps à découvert : grâce à cet artifice mental, il a eu des relatons sexuelles avec une jeune femme dont il a eu un enfant. Cet enfant lui a été enlevé dès la naissance mais il n’a pas cessé de s’interroger sur le fait de savoir s’il lui avait transmis les pouvoirs magiques de sa machine à laquelle il ne croit plus (du fait d’un entretien jugé trop difficile !). Un homme vient parler de la difficulté qu’il éprouve devant sa conviction d’être une femme, alors qu’il est marié et père de famille. Il ne peut avoir de relations sexuelles avec sa compagne, qu’à la condition qu’elle lui laisse croire que le pénis en jeu lui appartient à elle. Dans les deux cas, l’organe est mis hors corps, permettant un certain rapport à la jouissance phallique : qu’il nous faudrait préciser. Peut-on parler de signification phallique ? Le premier redouble le moi d’une armure, le second s’habille de vêtements féminins : traits suffisants à suspecter le rôle que prend le moi et à interroger la place de l’Ego. En résumé, il faudrait sans doute poser en parallèle à la distinction entre la fonction paternelle (le père nommant comme trou du symbolique), le réel du père (et le réel tout court), et l’imaginaire – liés par le sinthome : la jouissance phallique (au réel), la fonction phallique (au symbolique) signifiant cette jouissance, et le corps (imaginaire, pas l’organisme) marqué de la castration – articulables à partir de la même liaison par le sinthome… ou l’Ego.
[1] – Pierre Bruno, « E-moi », Séminaire Ego et moi, Toulouse, leçon du 4 décembre 2006.
[2] – Là où Freud faisait de la reconnaissance de la sexualité infantile une condition de la psychanalyse, Lacan indique qu’accepter la castration c’est renoncer de fait à l’idée de tout : il va jusqu’à attribuer le fantasme de complétude qui semble animer Jones et Ferenczi et surtout celle de certains de ses contemporains à leur « perversion personnelle » !
[3] – Le nœud déjà borroméen à trois, dans lequel rien ne permet de distinguer les dimensions en jeu est ce que Lacan qualifiera de nœud paranoïaque avant de le réduire au nœud de trèfle : ainsi, bien que Pierre Bruno évoque un nœud à trois S, I et S, il est possible d’homologuer ce noeud à celui de la paranoïa. Dès lors une question nouvelle est possible : celui de l’introduction d’un quatrième rond dans le nœud déjà borroméen qui permettrait de doter ou de révéler le sinthome en suppléant à la fonction de nomination (« Quiproquo », Séminaire Ego et moi, leçon du 4 septembre 2006)…
