Issa fils de Maryam

3 juin 2009

Séminaire Alençon : Qu’est ce qu’une mère

Dans le séminaire le sinthome Lacan interroge sur ce que dit cette écriture S de A barré, exprimant son regret de ne pas avoir écrit S de non A … « Elle dit qu’il n’y a pas d’Autre de l’Autre qui répondrait comme partenaire, la nécessité de l’espèce humaine étant qu’il y ait un Autre de l’Autre. C’est celui-là qu’on appelle généralement Dieu, mais dont l’analyse dévoile que c’est tout simplement La femme. La seule chose qui permette de supposer La femme, c’est que comme Dieu, elle soit pondeuse. ..Seulement, c’est là le progrès que l’analyse fait faire, c’est de nous apercevoir qu’encore que le mythe la fasse toute sortir d’une seule mère, à savoir d’Eve, ben il n’y a que des pondeuses particulières ; et c’est en quoi j’ai rappelé dans le séminaire Encore, paraît-il, ce que voulait dire cette lettre compliquée, à savoir le signifiant (S de A barré ), le signifiant de ceci qu’il n’y a pas d’Autre de l’Autre. »

Voici donc dans son entier la citation de Lacan qui était à l’horizon de mes pensées à l’ouverture de ce séminaire dont mon objectif était de cheminer pour l’atteindre et d’une certaine façon tenter d’en répondre. Le propre de l’horizon c’est de ne jamais s’atteindre sinon à faire preuve, à le croire, d’une certaine naïveté dont peut-être je ne suis pas totalement dépourvue. En huit séances j’arriverai bien au bout de la chose, me disant même qu’avec huit j’avais vu grand ! J’ai pourtant galopé, au dire de certains beaucoup trop vite et sur des temps trop longs, pour atteindre mon objectif, n’épargnant pas en premier chef ma monture, si ce n’est la votre pour me suivre. Nous voilà donc aujourd’hui à la dernière séance et l’horizon est toujours là, pas atteint, mais, c’est là ma surprise, pas tout à fait à la même place, car le cheminement vers un horizon en fait découvrir d’autres. La surprise c’est le fait du dire, c’est ce qui se passe quand on prend le risque de dire. Ne rien dire c’est le sans surprise assuré, la pensée tourne en rond dans un ficelage où rien ne bouge, tranquille. Enfin pas tant que çà.

La dernière fois je vous disais donc qu’aujourd’hui je vous parlerai de Mahomet. Parler de Mahomet en trois quart d’ heure ,c’ est une gageure , vue l’ envergure du personnage et de l’ ensemble de la littérature dont il fait l’ objet .Et il fallait ,me semblait-t-il , pour ce faire ,le resituer dans son contexte historique qui éclaire un peu les choses .Je me suis donc retrouvée devant un nombre particulièrement important de pages écrites et , pour diverses raisons personnelles , j’ ai eu peu de temps à ma disposition pour faire un texte qui me conviendrait un tant soit peu . Donc voici quelques éléments de ma réflexion, à partir de cet homme, que j’ai tenté d’extraire ce matin de mon bric à brac de notes.

Je dirai d’ abord que si la psychanalyse se fie à quelque chose, c’est à la parole du sujet. C’est elle qui dit son mode d’assujettissement dans la structure, qui est celle du langage et de la façon dont il s’y engage comme sujet désirant à la boussole de son fantasme .Pour Mahomet, hors de la croyance religieuse, sa parole c’est le contenu en tout premier chef du Coran et aussi les hadiths de la Sunna qui retranscrivent ses dires ,en dehors de « la révélation, » rapportés par ceux qui l’ ont connu. L’écart entre ce qu’il a dit et ce qu’on lui fait dire peut bien sûr se questionner, voire est certain .Mais on peut cependant dire que c’est comme sujet qu’il parle dans les hadiths. La parole du Coran, Mahomet ne s’en fait pas sujet puisqu’ il ne la reconnait pas comme sienne. Elle lui fait retour dans le réel par des voix ce qui est le propre du délire. C’est ici un Autre qui lui parle réellement qui signe la non symbolisation de l’Autre en question.

Je dirai ici que l’Autre en jeu est l’Autre de l’Autre celui dont fait état Lacan dans la citation de départ, La femme et j’ajouterai que cet Autre là a un rapport direct avec le monde pulsionnel du sujet .Ce que j’avançai dans l’exposé sur Schreber le 4 avril à l’ assemblée de Paris c’est que cette place de l’Autre de l’Autre est occupée par cette « pondeuse particulière », comme la nomme cavalièrement Lacan, que nous appelons en général la mère du sujet. Mais l’usage de ce signifiant, qui me fait un peu grincer des dents d’être comparée à une poule, permet cependant d’ouvrir une question car, une poule qui a pondu son œuf, chante. Je vous laisse interpréter le sens de ce chant en ce qui concerne la poule. La particularité de la pondeuse, mise en avant par Lacan ,qu’est la mère, est-elle en lien avec le seul objet qu’ est l’ enfant qu’elle met au monde ou en lien avec le chant de ces paroles qui accompagne l’ enfant ou encore la manière dont elle se trouva enceinte de ce dit fruit de ses entrailles ,pour reprendre ce signifiant pour dire l’ enfant de Marie qu’ est Jésus dans les Evangiles ou de Maryam qu’ est Issa dans le Coran ?Je vais tenter de visiter un peu ces questions aujourd’hui à travers ce que nous appelons, dans notre jargon, ce cas clinique qu’ est Mahomet ce qui , je le reconnais ,est un peu osé pour ne pas dire plus .

Mahomet, vous l’aurez sans doute repéré, au travers de la mini biographie que je vous ai faite la dernière fois, a eu trois femmes, de sa conception jusqu’ à l’âge de 6 ans, qui chacune a occupé une place, celle qu’occupe en générale une seule femme dans les milieux ordinaires, si cela veut dire quelque chose ! D’ abord Amina sa génitrice, puis la nourrice de ses premiers mois, la même que celle de son père dont il est orphelin avant de naître et Hamina sa nourrice jusqu’ à l’âge de 3 ou 5 ans où il retrouve sa mère .Après il n’est plus fait état d’aucune femme pour s’occuper de cet enfant de 6 ans qui vient de perdre sa mère génitrice entre La Mecque et Médine ,ce qui le rend ,lui ,réellement orphelin .C’est par ce signifiant « orphelin » qu’il sera désigné dans le Coran , sans jamais être nommé par son nom. Dieu lui dira par l’ intermédiaire de son messager, l’ ange Gabriel, que ,malgré cette condition, Il ne l’ a pas pour autant abandonné à son triste sort .Par ailleurs, il sera lui-même nommé dans le Coran messager ou prophète de Dieu .C’est sans aucun doute la présence de ces trois femmes, que j’ai trouvé remarquable dans l’après coup ,qui m’ont fait travailler, plus que je ne pensais le faire, le dit cas de Mahomet, car il me semble qu’il y a chez ce sujet quelque chose qui ne se lie pas ,ou disons ne se « boucle » pas ,pour reprendre ce signifiant lacanien, entre la position réelle, symbolique et imaginaire de cette Autre primordiale qui occupe la place de La femme , qui lui permettrait de dire j’ ai eu Une mère . D’autres sujets, qui n’ont pas eu trois femmes comme lui dans leur petite enfance, peuvent tout aussi bien être soumis aux mêmes contraintes que lui avec une seule, mais ici c’est exemplaire .Pour Mahomet ajoutons qu’il y a cependant une quatrième femme qui va surgir dans sa vie, Khadîdja, sa première épouse, qui pour lui va venir faire prothèse de boucle, va lui servir de la Une mère qui lui fait terriblement défaut. Je n’en dirai pas plus ce soir à ce sujet.

Mais rappelons que Mahomet n’a pas de fils .Il a environ 40 ans et Khadija 55.Celle ci lui offre alors un esclave, Zayd, qui lui appartient .Mahomet l’affranchit et l’adopte afin d’avoir le fils qu’il n’a pas. J’ émets l’hypothèse que c’est ce don de Khadîdja, qui va être à l’ origine pour ce « Saint homme » , fils de l’ esclave d’ Allah , de ce qu’ l’on appelle en psychanalyse sa décompensation sur un mode psychotique, c’ est à dire le plonger dans l’abime de sa question : »qu’est-ce qu’ une mère ? « Sans réponse pour lui, sinon à en délirer une. Cette décompensation n’a pas lieu brutalement, du jour au lendemain. Il commence au départ par à entendre des sons plus ou moins indéterminés émis par des éléments de la nature, des pierres, des arbres et a des visions. Dans un premier temps Khadija le rassure en lui disant qu’il s’agit d’un ange qui se manifeste. Finalement dans ce qui sera appelé « La nuit du destin »,alors qu’il est là gisant dans une grotte où il s’ est retiré , il aura l’ apparition « d’un être énorme », au sexe indéterminé,( c’ est ici moi qui l’ ajoute sous cette forme car dans le Coran le sexe de l’ange n’ est pas dit ,si ce n’ est à lui donner une forme humaine avec trois ailes ) ,qu’il identifiera dans l’ après coup comme étant l’ ange Gabriel , ce que dit le Coran .Cette nomination viendra apaiser l’ angoisse que cette apparition lui cause et où à l’ inverse il attendra sa venue , voire s’ en servira pour pouvoir parler ce qui régit son registre pulsionnel ,qu’il ne peut fixer en un lieu, n’ ayant pas quant à lui de nom pour le nommer. Cet « être énorme » lui ordonne, sur un mode peu aimable, l’ empoignant ,le secouant , de « lire » un texte .Mahomet ne sait pas lire .L’ « être énorme » lit pour lui et lui fait répéter 2 fois pour qu’il se souvienne .Ce texte constituera le texte de sourate 96 ( Dans le coran les sourates sont rangées par ordre de longueur et non chronologique ).Cette sourate 96 est nommée dans les différentes traductions : L’adhérence, Le caillot de sang, le sang coagulé ou la goutte, dont voici trois traductions des deux premier vers :

Celle que l’on trouve souvent sur internet :

Lis, au nom de ton Seigneur qui a créé tout ;

Qui a créé l’homme de sang coagulé.

Ou de Roger Caratini :

Lis !au nom de ton seigneur qui créa

Créa l’homme d’une adhérence (ou : d’un caillot de sang)

Ou de Chouraqui :

Appelle par le nom de ton Rabb, créateur :

Il crée l’humain d’une goutte.

(Chouraqui précise que goutte désigne le fœtus après fécondation de l’ovule).

Pour tenter de donner un sens à la sourate 96, voici les commentaires de Chouraqui de la sourate 1 qui constitue l’entête du Coran dont voici les premiers vers : Au nom d’Allah, le Matriciant, le Matriciel, La désirance d’Allah, Rabb des univers, le Matriciant, le Matriciel… La traduction par le Matriciant et le matriciel pour dire Allah me semble quant à moi, en dehors du texte original dont je suis dans une parfaite ignorance ne connaissant pas l’ arabe , beaucoup plus en cohérence avec le Coran et l’ idée de Dieu qui y correspond , que le fadasse « clément et miséricordieux » de nombre de traductions .Si ,comme j’ ai tenté de le dégager la dernière fois, le Dieu de l’ Islam est le Réel ,tel que ce réel soit ici, non pas supposé contenir mais vraiment contenir un savoir impossible à savoir ,que j’ ai donc proposé de noté non A, ce réel renvoie, vous l’ aurez peut-être repéré pour certains d’ entre vous , à ce que Lacan appelle La Chose dans l’ éthique, la Chose dans sa dimension réelle et non pas dans sa dimension imaginaire et symbolique. Réelle,La chose n’ est ni bonne ni mauvaise ,Dieu n’ est ni bon ni mauvais , il est. A.L.L.A.H ce sont juste des lettres qui font signe de son existence. Le qualifier de clément et miséricordieux c’est lui attribuer des qualités humaines, lui donner une dimension imaginaire, qui le font d’emblée chuter de sa transcendance, c’est le christianiser en quelque sorte même si, dans le Coran, Dieu est loin d’être dépourvu d’attributs qui lui servent de noms sans que pour autant aucun ne puisse vraiment nommer le tout sachant qu’il est. Voilà pourquoi la traduction de Chouraqui me semble plus appropriée .Il dit que « ar-Raham » et « ar-Rahim » dérivent du mot « Raham « qui veut dire matrice et qu’il traduit donc par Matriciant et matriciel . Allah le Matriciant, commente-t-il, est « Celui dont la fonction est de recevoir, de garder et de transmettre la vie .Il est la source de toute vie, la matrice universelle de la création ».Matriciant il est aussi matriciel c.à.d. « gardien et transmetteur de vie pour tous ses amants ». Le mot arabe qu’il traduit par « désirance », traduit en général par « louange », a pour racine un mot qui veut dire « le désir amoureux, la convoitise d’une réalité désirable, le désir de trouver grâce, d’être suave ». Le Rabb est le maître souverain de l’univers qu’il a créé.

En ce qui concerne la sourate 96, qui est donc le premier message qu’envoie Allah à Mahomet, Chouraqui traduit par « Appelle » ce qui est traduit en général par « Lis ». Mais il ajoute dans son commentaire que le mot ainsi traduit « connote une proclamation à haute voix et par extension la lecture » et que le mot Coran qui en dérive veut dire l’Appel, le Cri.

Donc, ce commentaire de Chouraqui en lien avec sa traduction, le texte des premiers vers et de nombre de passages du Coran, l’histoire du prophète dont lui-même s’est fait le chantre et bien sûr et avant tout ma clinique au quotidien, m’ont fait dire que c’est la question ouverte par l’adoption qui a mis Mahomet face à une faille dans le symbolique, celle de la symbolisation de la Chose qui ne peut passer que par sa nomination. Il faut se situer ici non pas du côté du père adoptant qu’il va devenir mais de l’adopté, car c’est sans aucun doute par identification réelle à l’adopté que Mahomet se situe.

La question première qui se pose à un enfant adopté concerne la femme génitrice qui pendant neuf mois l’a porté, l’a conçu .Il demande pourquoi la femme qui l’a mise au monde l’a abandonné. La question du géniteur est secondaire .Et de façon remarquable, c’est toujours du côté de la mère que s’oriente le discours quand il est dit à un enfant qu’il a été adopté.

Alors un enfant adopté a-t-il une mère ? Si oui : qu’est-ce qu’une mère ? Mahomet ne sait pas répondre à cette question car pour pouvoir y répondre, il faut qu’à l’appel de l’enfant en détresse réponde dans le symbolique un signifiant qui nomme la femme qui pourra être dite une mère, là où la génitrice peut faire défaut à cette place. Ce signifiant, comme je le disais ailleurs , dans notre langue est en général le signifiant « maman » .Contrairement au NDP qui est un signifiant qui nomme un mort, le père mort depuis toujours dit Lacan dans l’ Ethique ,ce signifiant « maman » ,lui ,s’ incarne dans un premier temps dans le corps vivant d’ une femme, un corps vivant appelé « maman » qui tue les êtres monstrueux qui apparaissent dans les cauchemars des enfants et dont les mots d’ amour accompagnés de son bercement ,de ses gestes, de sa voix , de son regard fixeront d’ une certaine façon le destin d’ une vie( cf. le discours de l’ amour ) .Cette femme pourra alors être imaginarisée comme modèle de l’amour parfait ,sans faille , inconditionnel, amour de rêve. Ceci permettra à l’enfant de s’en séparer, de se séparer du vivant de son corps, en ne conservant que le signifiant qui la nomme « maman » qui lui permettra d’être toujours présente en son absence, accompagnée sans qu’il le sache de son chant d’amour, des mots qui le nomment .Ces mots peuvent être condensés en un seul signifiant ,un signifiant qui le nomme, non pas ici comme appartenant à une lignée comme ce sera la fonction du NDP ,mais comme étant unique pour cette femme unique . C’est la fonction du surnom. Je conserverai à la réflexion surnom plutôt que prénom même si le prénom peut avoir cette valeur, mais pas toujours .On peut repérer que si Mahomet sera surnommé Amin (qui veut dire : qui à la charge de ou celui dont on est sûr, dit Caratini) ce surnom s’il porte les traces du nom de sa mère Amina, ne lui est pas donné par elle mais il lui est donné, semble-t-il, dans l’après coup de sa mort lors de sa jeunesse à la Mecque.

Donc ce que mettent en avant ces premiers vers entendus par Mahomet (sourate 96) sous la forme d’une injonction, c’est me semble-il, une réponse à la question posée à sa génitrice pourquoi m’as-tu mis au monde. L’adhérence, le caillot de sang, la goutte renvoient me semble-t-il à la mère qui l’a porté. Cette sourate lui interdit de la maudire mais de se prosterner devant elle et lui rappelle que par des écrits mais qui restent anonymes (la calame) elle lui a appris ce qu’il ne connaissait pas et rien ne peut la remplacer, honneur, fortune. Mais pour lui elle ne peut pas se ranger sous la signifiante maman, ni aucune autre femme, elle reste muette, elle reste la chose réelle, innommable, A.L.L.A.H. Et c’est cette Chose réelle qu’il élèvera à la dignité suprême celle d’être Dieu, le vrai Dieu. Et c’est l’ange qui occupera la place de la maman qui parle. Ce que je disais lors de la discussion la dernière fois ,c’est que le texte du Coran est, d’une certaine façon ,similaire à tout ce qu’un enfant peut entendre d’une mère, il est fait d’histoires agrémentées par l’imaginaire de celle-ci sans que l’enfant puisse encore les situer dans un contexte chronologique qui articulerait une logique historique au texte ni toujours en comprendre le sens, il est fait d’injonctions variées et diverses faites d’interdits ,de menaces de punitions ou de promesses, de récompenses selon son caprice , disons d’ un vouloir qui échappe à l’ argumentation ,mais aussi d’une bienveillance à son égard qui justifie tous ses actes au regard du monde extérieur au nom de l’ amour inconditionnel qu’ elle a pour lui,-même si des fois elle le réprimande . A travers le parole de l’ange est mis en scène la voix de la femme toute, la toute sachante, l’incastrable, l’Une que la castration ne concerne pas, ne concerne pas encore et ne concernera jamais en ce qui concerne Mahomet en l’absence d’un père, j’en dirai quelques mots tout à l’heure. Faute de cette maman là, tout ce qu’il entend lui est adressé, lui parle .Tous les dires qu’il a sans aucun doute entendus et de façon remarquable « les écrits » sacrés qui proclament l’ existence d’ un Dieu unique, vont lui servir de la mémoire qu’il n’ a pas ,des paroles d’ une mère qui lui auraient été adressées et en dehors de textes écrits existants ,selon les circonstances, il lui en écrira de nouveaux que lui lira son messager. Il n’y a pas pour ce sujet ce que j’ appellerai d’ Autre de lalangue, faute de la nomination de la Chose ,de l’ Autre primordiale , nomination que je note donc S de non A, qui reste pour lui non A ,réel muet, mais c’ est là la trouvaille géniale de ce sujet, ce non Autre qui ne parle pas , il le fera écrire et c’ est l’ ange Gabriel qui se fera son lecteur mais aussi son image , Une mère de substitution réellement imaginaire .

En lien avec ce que j’ ai avancé de façon théorique à propos de Schreber : Une femme de La femme( assemblée de Paris du 4avril 2009) il y a ici comme chez Schreber du côté de la fonction maternelle, comme de la fonction paternelle d’ailleurs, fonctions qui sont interdépendantes, il y a quelque chose qui boite, mais de façon différente .Et comme vous l’avez sans doute remarqué, je ne citerai en ce qui me concerne que l’ exemple de la voiture ,c’ est que l’ on apprend comment çà marche « normalement » qu’ au travers des différentes pannes qui se présentent .En ce qui concerne l’ humain la norme ,à ce jour ,est la névrose . Elle est le mode d’assujettissement qui permet le lien social, où la possibilité pour le sujet de se reconnaitre, si ce n’est dans sa totalité du moins dans ses liens avec les autres, dans un « être comme tout le monde » qui lui permet de s’intégrer à une communauté d’humains sans que cela lui pose de problèmes insurmontables. Ce n’est pas le cas de la psychose, mais avec ceci de remarquable, c’est que le lien social normatif s’organise souvent, pour le pire et le meilleur, à partir du délire de psychotiques .C’ est vrai pour toutes les religions mais pour nombre de phénomènes sociaux.

Mahomet n’est pas comme tout le monde et à partir de son « pas comme tout le monde » à lui, il va créer un nouveau mode de lien social qui est la culture islamique, comme « le pas comme tout le monde » de Moïse à fait le judaïsme et celle du christ la culture dite occidentale, tout ce petit monde se référant primitivement à Abraham.

Mahomet a donc eu affaire dans sa toute petite enfance à trois femmes particulières.

Amina est la femme particulière qui lui a donné naissance, c’est dans ce ventre là que pendant 9 mois il fut porté .La légende fait dire à Amina que sa grossesse fut heureuse et sans problème .Est-ce que cela fait pour autant de Mahomet un enfant désiré .C’ est une autre question .Car être enceinte et être mère ce n’est pas la même chose. Pour lui, comme pour tous, l’on peut dire, en reprenant les signifiants lacaniens, il est le reste de la jouissance entre un homme et une femme et, malgré toutes les enjolivures apportées à l’histoire, ce reste on ne peut pas dire qu’elle l’investit beaucoup. Et c’est ce reste, cet objet a comme reste, que l’on retrouve gisant dans une grotte avant la révélation dans une position que je qualifierai de mélancolique

Et il me semble qu’il va se saisir de l’histoire de la vierge Marie pour faire avec cette génitrice là.

De façon absolument remarquable ce que relèvent les exégèses du Coran, ce que je n’ai pas, je dois l’avouer, vérifié, c’est que Marie est la seule femme nommée dans le Coran, n’y figurent pas celui d’Agar, mère d’Ismaël dont Mahomet serait de la lignée, ni celui d’Amina, sa mère dont l’évocation brille par son absence, ni aucun autre nom de femme. 34 fois dans le même Coran « il » parle de Marie en la nommant .La sourate 19 porte son nom. Chaque fois que Jésus, Issa dans le Coran, est cité c’est toujours sous la forme : Issa fils de Maryam, alors que le nom des prophètes qui précédent parfois dans l’énumération ne sont pas référés ni à un père comme dans la Bible, ni à une mère comme pour Issa. Ce qui m’a frappé, dans un après coup très tardif, c’est que dans la religion chrétienne on dit toujours « Jésus fils de Dieu » où c’est une filiation par un Dieu père qui est énoncé et quand on parle de Marie on dit « Marie mère de Dieu ».où la maternité de Marie est reconnue mais pas la filiation de Jésus à cette mère là, puisque Jésus est aussi Dieu on ne peut pas inverser en disant : Dieu fils de Marie. Mahomet a du s’en rendre compte bien avant moi !

Donc dans le Coran est affirmé qu’ Allah n’est pas un père, » il n’engendre pas et n’est pas engendré ». Il y a une ambigüité de lecture ,pour nous, avec le terme engendré qui ne fait pas ambigüité dans le Coran où être un père n’ est pas articulé à une fonction symbolique en lien avec le réel et l’ imaginaire mais au fait d’ être le géniteur soit celui qui a donné son sperme pour qu’un enfant soit conçu .C’ est de cette façon que dans tout le texte de Fethi Beslama, si je l’ai bien lu , qu’ est posé le père réel ,celui qui est le géniteur. Ce qui est en décalage avec ce que Lacan posera comme étant le père réel dans le séminaire l’ Envers de la psychanalyse ,même si dans l’ Ethique c’ est quand même un peu cette position qu’il lui donne ,puisqu’ à ce moment là il le définit comme « celui qui besogne la mère » .Mais dans la suite de son enseignement il le fera sauter de cette place et il le définira dans l’ Envers comme étant « Un fait de langage » et ajoutera-t-il quelques lignes plus loin ,d’une façon que je trouve très éclairante , comme étant « celui dont la mère aurait voulu qu’il soit le père » . Celui-ci reste un inconnu à la mère elle-même puisqu’il est refoulé au niveau de son désir inconscient, si ce n’est à y mettre le père de la mère, en suivant la lecture freudienne, qui fait de l’homme d’une femme le substitut de son père, ce que la psychanalyse des névrosés ne dément pas. Mais ce n’ est peut-être pas aussi simple que ça puisqu’ y mettre le père de la mère c’ est déjà supposé qu’il était lui-même celui dont la mère de la mère voulait qu’il soit le père et finalement il reste un inconnu ,un X, quand on remonte la chaine du désir des mères des générations précédentes quant à celui dont elles auraient voulu qu’il soit le père .

Mais quoiqu’il en soit , il faut un homme ,en chair et en os , pour occuper cette place, un homme digne d’ occuper la place du père « dont la mère aurait voulu qu’il soit le père « , pour permettre à l’ enfant de se structurer sans être happé par la folie .Et j’ ajouterai ,en lien avec ce qui s’ est débattu lors de l’ assemblée de Paris ,qu’ à la lumière de l’ expérience analytique, il semble en effet que le sujet prend une position au regard de l’ homme mis en cette place par la mère ou de celle qui en fait fonction. Il prend une position dans la façon dont il juge digne ou non d’être père l’homme qui se dit et qu’on lui dit être son père. Le père réel est celui qui émergera comme étant celui qui a été jugé digne par lui , ne serait-ce que sur un élément très ténu ,comme le rappelait, Pierre Bruno , mais qui permettra à l’ enfant d’ être sujet d’ une histoire, d’ avoir un père qui est,pourrions nous dire ,le faiseur d’ histoire car c’est à partir de lui que toute l’ histoire du sujet peut se structurer . Faut-il encore d’ une part que la mère en mette un en cette place et que celui qu’elle met veuille bien l’occuper et d’ autre part que celui-ci ne soit pas dans la certitude d’être celui à qui cette place revient de droit ne laissant au sujet aucun choix de l’adopter comme père. Dans le premier cas la place est laissée vide ,aucun homme n’ étant jugé digne par la mère d’ occuper la place de père et le géniteur en premier chef ne l’ occupant pas en particulier quand il se barre même en étant présent dans la vie de l’ enfant, ici la question du choix ne se pose pas, le sujet ne peut pas s’ inscrire dans une histoire faute du fil pour la broder, si vous me permettez cette métaphore , car du côté de la broderie le sujet de l’ inconscient est un artiste dans son genre à défaut d’ être  » L’ artiste  » comme Joyce se proclame l’ être .Dans le deuxième cas la mère en met un à cette place qui est dans la certitude, avec l’ assentiment de la mère, d’ être le seul à pouvoir occuper cette place , ce qui ne permet pas au sujet de faire un choix, d’ être sujet de son histoire , elle lui est imposée ,comme c’ est le cas Schreber . Dans les deux cas la psychose est au rendez vous mais sur des modes différents où il faut sans doute faire la différence entre avoir une histoire ou pas et être sujet de son histoire ou pas .Quand on n’a pas d’histoire la question du sujet d’une certaine façon ne se pose pas ,on ne peut pas se reconnaitre sujet ou pas d’ une histoire qu’ on n’ a pas ,ce qui n’ est pas pareil que d’ être mis dans l’impossibilité d’ être sujet de son histoire .Je reste très réservée quant à moi sur la question du dit « choix du sujet » ,quant à la façon dont il va se situer dans la structure , ce en dehors de la structure même des parents quelle quelle soit ,car il lui faut un espace pour le choix qu’il soit ou non trouver auprès de ses géniteurs ,mais cet espace n’ est pas de son fait , c’ est plutôt ma position .Pour prendre une métaphore je dirai que si on nous met devant une assiette vide on peut dire qu’on fait le choix de ne pas manger et si on nous gave celui de manger. C’est une façon de voir les choses. Mais le moins que l’on puisse dire c’est que du côté du choix il y a un forçage. Car le seul choix est celui de la façon dont le sujet va répondre à l’assiette vide ou au gavage, y consentir ou non, mais pas à celui de manger ou pas.

Il me semble que pour Mahomet c’est la place laissée vide par un homme jugé digne d’occuper la place de l’homme dont la mère aurait voulu qu’il soit le père qui est en jeu. Ceci d’une façon secondaire car faut-il encore que pour que la question se pose qu’il ait eu une mère .Du côté de la clinique différentielle pour Schreber la question est inversée c’est dans l’après coup de l’imposture du père que s’ouvre la question de la mère. On pourrait dire que pour Mahomet c’est de sa position d’être un homme sans histoire qui va le faire entrer dans l’Histoire. Là où Joyce voulait occuper les universitaires pendant 200 ans, Mahomet a réussi à occuper des milliards d’hommes depuis plus de 15siécles !

Donc pour faire avec la place vide du père réel et l’ absence de symbolisation primitive de sa génitrice, il se saisit d’une histoire celle de la vierge Marie non seulement celle des évangiles retenus par la chrétienté mais aussi semble-t-il de ceux dits apocryphes .Cette histoire il va la réécrire à la lumière de faits que l’on retrouve dans son histoire, racontée par ses biographes qui se fondent sur Le Coran, la Sira et sur leur propre imaginaire sans aucun doute. Peut-on dire pour autant que pour ce sujet cela soit une interprétation de son histoire ? S’il était névrosé on pourrait dire oui .Le névrosé lui a cette capacité de raconter une histoire qu’il a entendu en la déformant plus ou moins à la lumière de son fantasme, comme sujet de l’inconscient et dans la façon dont il raconte l’ histoire pourra se décrypter l’ objet qu’il se fantasme être. Ici s’ il y a bien interprétation c’ est pour nous mais pas pour lui car il y a pour ce sujet ,ce que Lacan appellera « un rejet de l’ inconscient » ,car de ses souvenirs, voire de ce qu’on lui à raconter de ce qui aurait pu être son histoire, il ne peut rien en faire, il ne peut pas s’ en faire sujet , n’ ayant pas de lieu nommé, symbolisé , d’ où il aurait pu extraire l’ objet qu’il est pour cet Autre de l’ Autre, la femme , la pondeuse particulière qui l’ a mis au monde ,sa mère .

Maryam dans le Coran.

Dans le Coran, beaucoup plus que dans les évangiles, elle est une femme miraculeusement particulière, de sa conception par sa mère à celle de son fils le prophète Issa, qui n’est pas ici le fils de Dieu mais sans aucun doute le plus grand des prophètes avant Mahomet.

A travers ce qui est dit de Maryam dans le Coran je retiendrai les choses suivantes. Dieu l’a « choisie parmi toutes les femmes de l’univers » pour occuper la place qui va être la sienne. Prédestinée par Dieu à un destin exceptionnel elle est purifiée dés son plus jeune âge. Elle nait après la mort de son père, Imran, vieil homme dont la femme stérile la met cependant au monde comme « Signe »de Dieu. Cette mère est dépitée d’avoir une fille, ce n’était l’enfant qu’elle désirait car, fille, elle ne pourra pas être au service de Dieu dans le temple. (Ce sera la charge de l’oncle de Mahomet, son tuteur dont il n’héritera pas). L’on tire au sort celui qui sera son tuteur, qui sera Zacharie. Tous les jours elle est nourrie par les anges et voit Dieu dans le temple où elle peut être cependant, bien qu’étant une fille, car elle est pure .Est-elle vierge ou pas ? Je dois dire que cela m’ a surpris quand ,dans l’ après coup de ma lecture du Coran ,j’ ai lu dans des commentaires qui sont faits autour de Marie qui disent qu’elle l’ est .Ma lecture de la sourate 19 ne m’ avait pas fait conclure la même chose .C’ est vrai qu’ elle est très ambiguë puisque Dieu lui envoie pour l’ engrosser ,  » un souffle , un esprit » ,qui devient « un être charnel accompli, harmonieux » voire « un homme parfait » dans d’ autre traduction .A la question qui fut posé à Mahomet sur la nature de qui engrossa Marie il aurait répondu ,en énigme ,qu’il se pourrait que ce fut l’ ange Gabriel,ce qui du côté de la psychanalyse pose une question quant à l’ indifférenciation des sexes chez ce sujet. Donc l’ être charnel et harmonieux lui dit qu’il vient lui offrir de la part de son Rabb « un garçon, un pur », elle l’ envoie promener face à ses avances et elle lui répond qu’elle n’ a jamais couché avec un homme donc qu’ un garçon ne peut naitre d’elle et qu’ elle n’ est pas » impudique « voire « une prostituée « , terme qui désigne la femme qui a un enfant sans être mariée .A son objection, l’envoyé de Dieu répond : « c’ est ainsi, Ton Rabb dit :c’est pour moi facile nous en faisons un Signe , pour moi et pour les humains .L’ ordre est donné ». J’avais conclu qu’elle avait couché avec cet homme parfait sur ordre de Dieu .Son « je ne suis pas impudique » ou « je ne suis pas une prostituée » laissant supposer qu’ elle ne couche pas avec le premier bel homme qui passe et si elle le fait c’ est qu’ elle n’ a pas le choix ,sinon je ne vois pas ce que son « je ne suis pas une prostituée » vient faire ici . Comme quoi du côté de l’interprétation du Coran on lit ce qu’on veut ! Il y a une autre sourate où il est dit que Maryam reste vierge mais où il y a une ambigüité sur la Maryam dont il est question et où de toute façon, le miracle peut être de rester vierge tout en ayant eu un rapport sexuel, ce dont on peut dire que c’est un fantasme qui n’est pas étranger aux névrosés. Ce qui est clair c’est que Jésus n’est pas le fruit d’une relation sexuelle avec Dieu, ce que le Coran attribue comme conception aux chrétiens, Dieu n’est pas un homme géniteur mais il suffit, dit une autre sourate qu’il dise, que « cela soit et c’est, comme il l’a fait avec Adam fabriqué ici par Lui d’un morceau d’argile « voire ailleurs « d’une goutte ». Je commenterai en disant qu’il suffit qu’une femme dise » je veux un enfant « et elle l’a. Où ce qui se profile, ici sur le mode d’une volonté obscure de Dieu, ce qui pourra ou non devenir le désir d’une femme de donner la vie sans qu’il y ait de justification à ce désir sinon qu’elle le désire, en de ça de la référence à un homme. Où ici le désir d’enfant est un pur désir, au regard du potentiel organique qu’est celui des femmes où pourront s’articuler toutes les pathologies liées à certaines stérilités psychologiques voire le fameux déni de grossesse et les dites grossesses nerveuses. Je rappellerai que le plus souvent quand une fille a ses règles, ce qu’on lui dit c’est : « te voilà maintenant devenue une femme » ; en clair tu peux avoir un enfant. Quoiqu’il en soit la Maryam du Coran ne répond pas comme la Marie de l’évangile « je suis la servante du seigneur » et n’a pas de Saint Joseph pour la récupérer. C’est seule qu’elle se retrouve dans les douleurs de l’accouchement et dit vouloir mourir avant la naissance de l’enfant .Il y a ici un désir de mort chez Maryam qu’il n’y a pas chez Marie. Mais la vie reprend ses droits et Dieu l’encourage en lui disant de se restaurer avec l’eau et les dattes qui sont là. Seule, elle revient avec l’enfant sur les bras et n’ est pas bien accueillie par son peuple où on lui dit « ton père n’ était pas un homme vicieux et ta mère impudique » , montrée du doigts d’ être mère sans avoir un père à présenter , elle leur dit alors de s’ adresser à l’ enfant qui vient de naitre et qui se met à leur parler en disant « je suis un serviteur d’ Allah , il m’ a envoyé l’ Ecrit et fait de moi un inspiré ».

Si vous avez en mémoire ce que je vous ai raconté le mois dernier de l’histoire de Mahomet et bien au delà ce que je vous ai raconté , il est difficile de ne pas conclure qu’il y a là une identification de Mahomet à Jésus ,dont il dira qu’il est l’être dont il est le plus proche, et une certaine façon de se réconcilier avec sa mère tout en se passant de père .Mais on peut dire aussi que Marie occupe la place qu’il donne à toute mère . Il établit là un certain mode de filiation du fils par la mère , un lignage matrilinéaire particulier ,dont je n’ aurai pas le temps aujourd’hui de vous en dire ce que j’ avais préparé, mais qui avait cours sur un autre mode bien sûr dans la péninsule arabique du temps de Mahomet ,de même qu’ un lignage patrilinéaire .Il est fils d’ une tribu dont les mères , donnent naissance à des prophètes , Maryam étant l’ ancêtre si l’ on peut dire de cette tribu ,posée comme modèle parfait pour les femmes dans l’ Islam où le « être prophète  » renvoie ici au » nommer à « que dénonce Lacan comme venant de la mère et ravageant pour l’ enfant .

Après sa génitrice Mahomet dans ses premiers mois a eu la même nourrice que son père, ce n’est pas banal. Cette première nourrice, il l’a perdu à l’âge de 4 mois. Elle reste pour lui purement imaginaire .C’ est peut être là que l’imaginaire de l’ange se greffe, être asexué s’il en est .L’ histoire raconte que voulant la retrouver, Mahomet apprit qu’elle était morte mais qu’il épargna son fils, auteur d’un forfait à son égard, en signe de sa reconnaissance pour elle de l’avoir allaité bébé. Disons juste que Mahomet n’étant pas autiste, je pense qu’aucun clinicien ne me contestera ce diagnostic, elle lui a assuré l’étayage nécessaire pour désirer rentrer en lien avec les autres sur un mode qui a ce niveau ne relève pas de lalangue et encore moins du langage mais du corps à corps.

La deuxième nourrice il la partage aussi ,mais dans le même temps avec un enfant qui a le même nom que son père nous dit Caratini .Cela le situe à équivalence avec celui-ci dans son positionnement avec la mère, ils sont tous les deux des enfants dont la réelle survie dépend de son bon vouloir ,dans une réelle concurrence pour y avoir accès où ici la vie est en jeu qui est en deçà de la dite jalousie fraternelle qui revendique l’ amour de la mère , cela se joue dans un « ou c’ est lui ou c’ est moi  » si c’ est lui je meurs donc pour que je vive il doit mourir .

Cela se décline dans la clinique de façon très différente d’un cas à l’autre. Je l’avais repéré très à l’œuvre chez une Anaïs Nin par exemple où le père ne supporte pas la présence des enfants qui lui enlève une mère toute à son service et fait preuve de violence aussi bien vis-à-vis d’elle que d’eux .Vous pourrez le repérer dans la jalousie, parfois meurtrière de certains enfants vis-à-vis du nouveau né de la mère ou de sa fratrie. On peut alors se questionner sur la place qu’occupe le père par rapport à la mère et si ne se joue pas une rivalité entre le père et l’ enfant qui l’ exerce à son tour sur les autres enfants de la mère, dans une réelle identification au père .Ici le père n’ apparait pas comme homme de la mère mais comme enfant de la mère au même titre que l’ enfant .Je disais à Paris en parlant du président Schreber, qu’il faut que le père laisse la mère materner tranquillement son petit ,dans l’ aimance et non dans l’ indifférence .Nous sommes ici ,avec les sujets qui sont en question, face a un empêchement qui n’ est pas du à un père qui n’ accorderait pas à la mère le savoir d’être digne d’ être mère comme Rousseau l’avance pour la femme dont il a des enfants ,qui pour cette raison les met à l’ assistance publique , mais face à une rivalité entre deux sujets qui revendiquent la mère au même titre ,celui d’ enfants à la disposition desquels elle doit être pour qu’ils vivent ,dont l’ un a un réel pouvoir que l’ autre n’ a pas pour l’ avoir .

Si je m’attarde sur ce petit épisode de la vie de Mahomet, c’est, me semble-t- il, qu’il a beaucoup d’importance. Il vient inscrire le fait qu’il n’est pas un enfant désiré, au regard de cette femme qui pendant trois ans ou cinq ans va lui servir de mère ce qui nous est relaté par la voix même d’ Hamina après la mort du prophète. Elle a déjà bien du mal à nourrir son enfant et c’est comme l’un en trop qu’il se présente. Si finalement elle le prend c’est pour ne pas perdre la face vis-à-vis de ses compagnes, avec le discours d’un mari qui s’en lave les mains et s’en remet à Dieu. Si par la suite elle veut le garder, est-ce que c’est parce qu’elle aime ? Ce que dit le texte c’est qu’il amène la bénédiction sur la famille .Est-ce à dire que finalement malgré sa réticence de départ, elle s’est attachée à cet enfant et est heureuse qu’il soit là et que s’en séparer est douloureux pour elle ? Le texte est féroce qui continue en disant de quoi il s’agit en terme de bénédictions : « leurs bêtes rentraient rassasiées et pleines de lait, leurs chameaux étaient les plus vigoureux de tous ». Traduisons, c’est tout simplement par intérêt qu’elle veut le garder. De son amour pour Mahomet qui le rendrait unique pour elle comme être, il n’y a pas de trace. L’enrobage avec du miraculeux de l’histoire vient à peine voiler comment cette femme qui lui servit de maman, se situe .Ce qui est mis en avant d’ emblée c’est ce qu’il va lui rapporter ou non .On est bien loin de l’amour inconditionnel d’une mère pour son petit enfant sur lequel se fonde son narcissisme élémentaire qui lui permet d’avancer dans la vie avec cette certitude que, quoi qu’il fasse ou non, quoiqu’il ait réellement ou non , il gardera de la valeur pour cette au moins Une femme là. Il y a quelques années Patricia Léon avait avancé, dans le cadre du séminaire déplacé de l’AP-JL, comment une certaine dose de narcissisme, narcissisme sur lequel la classe analytique semblait unanime pour cracher dessus, lui semblait indispensable. Je suis particulièrement d’ accord avec elle .Ce narcissisme élémentaire c’est celle que Pierre Bruno vient de nommer, quelques années plus tard, « la maman de l’amour » qui permet sa mise en œuvre. La mère dont on est sûre avancée par Freud et Lacan, c’est celle là, « la maman de l’amour », qui fonde le narcissisme élémentaire vital pour le sujet comme parlêtre et pas seulement comme organisme plus ou moins bien nourri réellement, voire bien élévé. Cette maman là Mahomet ne l’a pas eu, il a eu une première nourricière qui lui a permis de consentir à rester vivant mais il n’a pas eu de maman de l’amour qui lui permette d’inscrire son être aimable dans un discours, celui de l’amour. C’est ce qui se profile derrière l’histoire, qui s’en avoir l’air, en dit beaucoup sur la position de Mahomet qui commence son existence désarmé d’origine d’une mère dont il serait sûr mais qui a affaire à une femme qui le monnaye au seul regard des bénéfices dont elle pourra jouir.

Cette maman de l’amour est celle qui initie le sujet au langage par l’intermédiaire de la langue, lalangue maternelle .Du langage il deviendra sujet mais pour cela il faut un père reconnu comme tel par la mère et qui consent à occuper cette place, et qui en fixe l’usage le même pour tous. Pour Mahomet c’est bien Hamina qui est pour lui celle qui occupe la place de l’initiatrice mais où le signifiant qui la nomme est forclos ou pour le dire autrement à l’appel de l’enfant en détresse ne répond pas dans le symbolique le signifiant maman qui est absent. Par ailleurs il dira « Je suis le plus éloquent des arabes et des perses ; je suis né de la tribu de Quraysh( les Qurayshites avaient la réputation d’être de redoutables argumenteurs, tribu de son père) et j’ ai été élevé parmi les Banü Sa’d (réputés pour la qualité de leur langue, tribu de Hamina) (Caratini p 106). Ici apparait une réelle division entre l’ initiatrice de l’apprentissage de lalangue , l’ Autre de l’ Autre et l’ Autre du langage .L’’ usage qu’ il fait de lalangue ne s’ articule pas dans un langage avec des règles qui viendrait de l’ homme de la mère initiatrice ( mari de Hamina )qui ne se pose pas comme père pour Mahomet et réciproquement .

On peut aussi se demander si ce que décline le Coran au niveau de ce qu’il faut faire et ne pas faire avec les orphelins, dont il est beaucoup question dans le texte, comme par exemple ne pas se moquer d’ eux ,ne met pas en scène ce dont lui même fut victime de la part de cette mère nourricière qui met en jeu le discours de la haine et non de l’ amour qui l’ exclut d’ une position où il pourra se reconnaitre sujet de lalangue sinon par le biais de cet ange initiateur , l’ ange Gabriel ,qui deviendra bienveillant pour lui .