Juin 2013
Séminaire Le Mans : de la jouissance à la pulsion
« Il est de fait que nous ne nous récusons pas à promettre le bonheur, en une époque où la question de sa mesure s’est compliquée : au premier chef en ceci que le bonheur, comme la dit Saint-Just, est devenu un facteur de la politique.» (LACAN, « La direction de la cure et les principes de son pouvoir »)
Introduction
Je vais parler à partir de ma pratique au CMP adulte, puisque pour le moment je ne pratique qu’au CMP. Il y a aujourd’hui beaucoup de sujets névrosés qui viennent consulter en psychiatrie. Ils viennent parce qu’ils souffrent, ils souffrent de différentes manières. Ils viennent parce qu’un proche leur a conseillé, parce que leur médecin généraliste les adressé à nous. Ils ne viennent pas demander une analyse, sauf exception peut-être, je n’ai jamais rencontré ce cas. Ils ne viennent pas rencontrer un analyste d’ailleurs. En fait, dans un certain nombre de cas, ils ne savent pas qui ils rencontrent, parce que « psychologue », « psychiatre », «psychothérapeute », c’est compliqué de s’y retrouver. Souvent, ils viennent au CMP, et on leur dit, « vous verrez un psychologue ». Bien.
Alors, ils parlent. Parfois, cela dure quelques entretiens seulement, et ça suffit. Ils sont venus extérioriser, déposer quelque chose, dire des choses qu’ils ne peuvent pas dire aux personnes de leur entourage, et c’est bon. « Ca fait du bien de parler » comme on dit.
Pour d’autres sujets, ça ne se passe pas du tout comme ça. Ils parlent, et les bienfaits de la parole ne se révèlent pas tout de suite. Donc là, ça dure plus longtemps, et au fils des mois, on fait le tour de leur l’histoire, la relation au conjoint, aux parents, le travail, l’enfance etc. Parfois, il a déjà fallu vaincre des résistances, remettre sur la table ce qu’on avait mis de coté, parce que ça faisait trop souffrir, c’est déjà difficile.
Et bien il y a des sujets pour lesquels ces efforts ne semblent produire aucun bénéfice. Le sujet articule un gros morceau de symbolique, une chaine signifiante bien constituée, et apparemment, ça ne donne rien. Cela m’est arrivé à plusieurs reprises de dire au sujet « mais c’est très intéressant ça ! » et le sujet de me répondre « ha bon vous trouvez ? » d’un ton absolument désintéressé.
La chaine signifiante, elle peut intéresser le clinicien, mais pas celui que l’on appelle le patient. Le sujet, on l’écoute, mais lui ne s’écoute pas, ses rêves, ses faits de langages symptomatiques, les interprétations, il a beau par exemple articuler un Œdipe caractérisé, ça ne l’intéresse pas et ça ne fait pas du tout avancer son affaire. Bref, ces cas mettent à l’épreuve la pseudo définition de la psychanalyse, que l’on entend trop souvent et qui consiste à dire « la psychanalyse, c’est écouter le sujet ».
Mais est-ce que la description que je fais n’est pas un peu caricaturale ? Quand j’ai dit tout à l’heure que parler pouvait n’avoir aucun effet, c’est sans doute un peu excessif, parce qu’il y a des entretiens où cela fait du bien, même si au long cour on a l’impression de ne pas avancer. Et puis, le patient revient, régulièrement. Il y a des situations médianes : il peut estimer que ça lui fait du bien, il a l’impression d’avancer, alors que le clinicien ne voit pas où est le bienfait. Parfois, c’est l’inverse. Et puis, au niveau des interprétations, il y en a qui ont l’air d’être entendues, ou au moins qui semblent intéresser le sujet. Dans certains cas par exemple, l’interprétation semble faire mouche, mais ça ne produit rien dans la suite des entretiens, ça ne semble produire ni un savoir, ni une relance du discours.
Alors, comment le clinicien qui s’autorise de la psychanalyse pour opérer – ce qui n’est pas encore s’autoriser comme analyste – comment peut-il appréhender les choses ici ?
Pourquoi le sujet peut-il n’être pas disposé à entendre une interprétation ? A partir de quel moment l’est-il ?
« …comment le discours, le discours libre qui est recommandé au sujet, est-il conditionné de ce qu’il est en quelque sorte en passe d’être interprété ? »
Là c’est Lacan qui parle, dans La logique du fantasme[1], en 1967. Ca fait 14 ans qu’il enseigne à ce moment là, ce qui veut dire que la question de l’interprétation, c’est pas du tout cuit.
Alors, bien sûr, il existe la « psychothérapie d’orientation analytique ». Elle existe… ni chez Freud ni chez Lacan. Donc je passe ce point.
Quelle est la différence entre le sujet qui est en analyse et celui qui ne l’est pas ? Y a-t-il un « moteur » au principe de l’analyse, et qui viendrait à manquer hors analyse ?
J’ai dit au début de mon introduction que les sujets ne venaient pas avec une demande d’analyse. Le signifiant « demande », c’est un signifiant que l’on emploie beaucoup, et parfois par les psychanalystes eux-mêmes : à l’entrée en analyse, au commencement d’une psychothérapie, et même à l’entame de toute prise en charge. On entend souvent ça : « quelle est sa demande ? », ou bien « est-il demandeur ? ». C’est un concept qui semble être au principe du début d’un travail, d’une rencontre entre le patient et le soignant.
Alors, on peut poser la question : Est-ce que c’est la qualité d’une demande qui fait une psychothérapie ou une analyse ? Je commence donc par là, à questionner ce qu’est la demande chez Lacan.
Demande ou désir ?
« On sent ici la tentation brûlante que doit être pour l’analyste de répondre si peu que ce soit à la demande. Bien plus, comment empêcher le sujet de ne pas lui attribuer cette réponse, sous la forme de la demande de guérir, et conformément à l’horizon d’un discours qu’il lui impute avec d’autant plus de droit que notre autorité l’a assumé à tort et à travers. »[2]
Alors pour cette partie me je réfèrerai principalement aux textes : « La direction de la cure et les principes de son pouvoir » (1958), « Subersion du sujet et dialectique du désir » (1960), et les séminaires V et VIII.
Alors la demande du sujet elle se décline : demande de guérison, demande de se débarasser du symptôme, demande d’aller mieux, demande de bonheur, demande de vouloir se comprendre. Toutes ces demandes, je les mets au pluriel, ces demandes plus ou moins « implicites », elles peuvent attendre dit Lacan[3]. C’est le moins que l’on puisse dire, car on sait ce que la psychanalyse fait du bonheur et de la guérison : aucun analyste ne promet le bonheur, et la guérison elle est de surcroit, et cela d’ailleurs déjà chez Freud.[4] Quant au vouloir se connaître, il ne peut déboucher en dernier terme, chez Lacan, qu’au manque-à-être, manque-à-être constituant le désir (« métonymie du manque à être »).
Ces demandes au pluriel, donc, ne sont que secondaires, il s’agit de les mettre entre parenthèses, pour voir émerger La demande. Je cite Lacan, Le sujet « Il me demande…, du fait qu’il parle : sa demande est intransitive, elle n’emporte aucun objet »[5]. C’est une demande « radicale ».
« Par l’intermédiaire de la demande, tout le passé s’entrouvre jusqu’au fin fond de la première enfance. Demander, le sujet n’a jamais fait que ça, et nous prenons la suite. »[6]
Le sujet n’a jamais fait que de demander, ça ne veut évidemment pas dire que le sujet n’a fait que d’adresser des demandes comme on passe une commande. Ce n’est pas une demande signifiée. Ca veut dire que le sujet est ancré, radicalement, structurellement, dans la demande. Pourquoi, parce que c’est de la demande que sont faits les échanges, les rapports avec l’Autre fondamental, l’Autre maternel. Cette demande, c’est ce que Lacan note D majuscule sur son graphe du désir.
Pour que ce dire de la demande, fondamental, et qui s’articule dans l’inconscient, se mette en route, il faut que le sujet parle. Il demande rien que du fait qu’il parle dit Lacan, oui, mais encore faut-il qu’il parle. Je précise cela parce qu’il m’arrive de recevoir des personnes qui ne parlent pas…
Ca a peut-être l’air un peu simple ce que je dis, mais c’est important de reprendre un peu les choses à la base. Un sujet, névrosé, qui adresse une demande de guérir mais qui ne parle pas, on ne peut rien faire, en tout cas rien qui puisse se qualifier d’analytique. Donc il y a déjà là de quoi relativiser la portée des demandes du sujet.
En aucun cas il ne s’agit d’un besoin. Le besoin, ne se maintient pas comme tel, puisque son besoin, le sujet l’articule avec des signifiants, et l’adresse à l’Autre, par quoi le besoin devient demande. Du fait que le sujet soit sujet du langage, il n’articule jamais seulement un besoin, psychanalytiquement parlant s’entend. Les signifiants ne servent pas à dire les besoins, parce que ce sont d’abord les signifiants de l’Autre. Ca ce sont des thèses fondamentales. La demande, « s’arrache » du besoin dit Lacan.
En outre, la demande ouvre un « espace démesuré » au delà d’elle-même, « d’être requète de l’amour »[7]. Au-delà de la demande, demande d’amour, et en deça de la demande, le désir. Je cite Lacan, le désir…
« renverse l’inconditionnel de la demande d’amour, où le sujet reste dans la sujétion de l’Autre, pour le porter à la puissance de la condition absolue (où l’absolu veut dire aussi détachement). »[8]
Le désir est cette dimension qui implique le détachement, la séparation d’avec l’Autre. La demande d’amour vise un complément d’être, le sujet manque d’être, et il s’adresse à l’Autre pour le combler, mais cet Autre il manque d’être tout autant[9]. On voit pourquoi répondre à la demande, c’est sans fin. C’est dans le creux de ce manque que naît le désir. Ce qui manque à l’Autre, c’est S(Abarré) sur le graphe, le « signifiant d’un manque dans l’Autre »[10]. C’est la place du signifiant du phallus, du signifiant qui manque à l’Autre, autrement dit le signifiant de son désir. Cela ouvre pour sujet la question de l’être, ou de l’avoir le phallus. C’est donc par le biais du désir de l’Autre en tant que manque que le sujet a accès à la question de son propre désir, ce pour quoi Lacan dit que c’est « comme désir de l’Autre que le désir de l’homme trouve forme (…) le désir de l’homme est le désir de l’Autre. »[11]
Je vais très vite, tout ça ne va pas en ligne droite chez Lacan, les choses sont en chicanes comme il le dit lui-même.
La demande en son fond est insasiable. Et si jamais elle devait tout de même être satisfaite, elle le serait au prix de l’extinction du désir :
« …l’extinction ou l’écrasement de la demande dans la satisfaction ne saurait se produire sans tuer le désir […] L’ambivalence première, propre à toute demande, est que, dans toute demande, il est également impliqué que le sujet ne veut pas qu’elle soit satisfaite. Le sujet vise en soi la sauvegarde du désir, et témoigne de la présence du désir innomé et aveugle ».[12]
Il y a une dame qui vient me voir au CMP, qui m’a réellement articulé ça. Lors d’un entretien, s’impatientant un peu, du fait que je ne réponde pas à ce que son discours emportait de demande, elle m’a dit qu’elle venait chercher un conseil, une bonne manière de faire, qui l’aiderait à vivre mieux. Puis, plus loin dans l’entretien, elle dit qu’elle avait déjà rencontré un thérapeute, qui lui avait donné un savoir faire. Et bien ça n’a pas marché en fait, m’a-t-elle dit, parce qu’au fond, “je n’étais pas convaincu, ce n’était pas ma manière de voir les choses”.
C’est très clair ce qu’elle dit là. Elle demande, on lui répond, ça ne marche pas, non pas parce la réponse est fausse, et que à coté il y a une bonne réponse, mais c’est parce que au delà de ce qu’elle vient demander, il y a son désir, dont elle ignore à peu près tout d’ailleurs. Elle est encore enchaînée à la demande de l’Autre parental, mais il est là quand même le désir, il ne se laisse pas faire. Comme sujet de l’inconscient, elle ne sacrifiera pas son désir, qui est lui aussi inconscient, même si elle ignore que c’est de cette dimension qu’il s’agit. D’ailleurs, cela ne l’empêche pas de continuer à passer par la demande.
Donc le désir, c’est ce qui résiste à la suggestion, je cite Lacan :
« La résistance du sujet quand elle s’oppose à la suggestion, n’est que le désir de maintenir son désir. Comme telle, il faudrait la mettre au rang du transfert positif, puisque c’est le désir qui maintient la direction de l’analyse, hors des effets de la demande » [13]
Donc dans cette phrase, apparaît que ce n’est pas la demande qui est le véritable moteur de la cure, c’est plutôt le désir. En fait c’est une des thèses, sinon La thèse principale du texte de « La direction de la cure ». Lacan va contre la tendance des psychanalystes à centrer l’analyse sur la question de la demande et ses deux modes de réponses possibles : la frustration et la gratification. A la demande, répondre oui, gratifier, ou répondre non, frustrer ? Pour Lacan, au dernier terme, c’est du pareil au même, dans les deux cas on entérine la demande. Frustrer le sujet à l’endroit de sa demande, c’est lui signifier que ça demande est légitime, le sujet n’a qu’à “repasser sa demande”[14], et cela rabat le transfert sur la suggestion[15].
Dans les propositions que Lacan pose à la fin de « La direction de la cure », on peut lire :
« 4 : Que la demande est proprement ce qui est mis entre parenthèse dans l’analyse, étant exclu que l’analyste en satisfasse aucune ;
5 : Qu’aucun obstacle n’étant mis à l’aveu du désir, c’est vers là que le sujet est dirigé et même canalisé »
Je m’arrête sur la notion de suggestion. Freud s’écarte radicalement de la suggestion de la thérapeutique classique, tout en reconnaissant que la technique analytique n’oppère pas elle-même sans suggestion. Il maintient une différence absolue entre la suggestion – ou « transfert » – qu’il tient parfois pour équivalent, avec la « suggestion directe »[16] de la psychothérapie. La différence est que la suggestion dans l’analyse ne décide pas du succès thérapeutique[17]. Cette citation résume bien la position éthique freudienne :
« Le procédé psychanalytique se distingue de tous les procédés de suggestion, de persuasion et autres, en ce qu’il ne veut réprimer chez le patient aucun phénomène psychique par voie d’autorité. »[18]
Et bien, je dirais en termes lacaniens, que la « suggestion directe » par voie d’autorité, c’est intervenir au niveau de la demande. On pourrait dire que le maniement du transfert en analyse, c’est la suggestion sans la sujétion. La demande, les demandes, on y intervient pas. Mais la demande d’amour, on ne peut pas faire sans par contre. Le transfert passe par la demande d’amour bien sûr, qui est profondément enracinée chez le sujet. Mais cette dimension n’est que celle qui est faite pour révéler le sujet du manque-à-être, le sujet du désir. Je crois que c’est dans cette voie que l’on peut entendre les deux phrases suivantes de Lacan :
« Il y a entre transfert et suggestion, c’est là la découverte de Freud, un rapport, c’est que le transfert est aussi une suggestion, mais une suggestion qui ne s’exerce qu’à partir de la demande d’amour, qui n’est demande d’aucun besoin […] le transfert en lui-même est déjà analyse de la suggestion, en tant qu’il place le sujet à l’endroit de sa demande dans une position qu’il ne tient que de son désir »[19]
Alors pour conclure sur cette partie, je dirais que la demande tout court, les demandes, jouent un rôle, du point de vue de la psychanalyse extrêmement peu important. Alors, qu’on ne m’impute pas ce que je n’ai pas dit ! Bien sûr, il y a des sujets qui viennent avec une demande, et les entretiens vont effectivement se dérouler dans le cadre stricte de cette demande. Par exemple, le sujet vient parce qu’il traverse une difficulté liée à des problèmes contingents liés à son entourage, et quand les problèmes extérieurs sont terminés, la demande est terminée, « ça va mieux » dit-il, le contrat est rempli, le psychologue l’a aidé à traversé ce moment difficile. Voilà, il ne faut pas négliger ces patients là. Mais souligner que ce genre de thérapie non seulement n’interroge pas la question du désir, mais en outre s’appuie sur la demande sans y toucher.
Une demande c’est toujours équivoque. D’ailleurs, je trouve que même une « demande d’analyse », qui parait plus décidée, est en son fond sujette à caution. Comment peut-on demander quelque chose comme une psychanalyse, alors qu’on ne l’a pas expérimentée ? Ce qui n’est pas équivoque, c’est « La » demande, requète de l’amour, qui est elle de l’ordre non pas de l’énoncé, mais de l’énonciation. C’est à partir de cette requète de l’amour que peut s’entrevoir pour le sujet la dimension de son manque à être, et donc du désir. Donc, plutôt que de mesurer les demandes des sujets, il s’agirait plutôt de savoir si le sujet, via le dire de la demande d’amour, va partir à la conquète de son désir inconscient, qui est désir de l’Autre. C’est déjà, à l’entrée de l’analyse, une certaine rencontre avec la castration, par quoi le sujet cesserait d’être un pur demandeur. Il faudra que le sujet rencontre un autre Autre, l’analyste[20], pour se poser la question de son désir. Ce qui m’amène à la question du transfert.
Le transfert : du sujet supposé savoir
« A qui sommes-nous redevables d’une telle expérience ? Il est clair qu’elle ne se serait jamais même instaurée s’il n’y avait le névrosé. Qui a besoin de savoir la vérité ? Uniquement ceux que le savoir gêne. C’est la définition du névrosé. » (LACAN, « D’un Autre à l’autre »)
« Au commencement de la psychanalyse est le transfert »[21].
C’est la phrase par laquelle je me suis laissé attrapé. Je transfert, on pourrait en parler très, très longtemps. Je vais me concentrer sur une notion bien précise.
Le transfert, c’est comme la demande, on en entend beaucoup parler en institution. Souvent, on entend par « transfert » une manifestation affective du patient, la plupart du temps c’est positif, on emploie le mot de transfert pour signifier un certain attachement du sujet au thérapeute. Alors cette définition extrêmement large du transfert, je ne la prends pas de haut, parce que vu comment les choses tournent en institution, il est bon de soutenir cette dimension subjective, soutenir que l’on ne peut pas travailler dans une institution avec des sujets comme dans une usine qui produit des bagnoles (je dis bagnole, parce qu’on peut « aimer » sa voiture).
Alors, « Au commencement de la psychanalyse est le transfert », nous sommes en 67, et la notion fondamentale autour de laquelle se joue tout ce qui est du transfert chez Lacan, c’est le « sujet supposé savoir »[22].
Le sujet supposé savoir (S-s-S), ce n’est pas du tout le concept simple que l’on appris religieusement à l’université – c’est pas pour rien que je dis « religieusement » – par quoi le patient pense que l’analyste sait ce qu’il a, sait ce dont il souffre. La plupart des formules de Lacan ne vont pas dans ce sens, et, qui plus est, ne vont jamais dans le sens d’une telle simplicité. Il est vrai qu’il dit que c’est l’analyste, mais les formules sont variées, et pouvant apparaitre comme étant contradictoires. Il est difficile de trouver deux formules tout à fait équivalentes. Bref, c’est notion « pleine de pièges » comme il le dit lui-même dans une conférence à Louvain.
Le sujet supposé savoir, Lacan l’introduit en 64, dans « Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse » : dans l’analyse, le S-s-S c’est l’analyste (leçon XVII).
Puis dans leçon XVIII, il affirme « Dès qu’il y a quelque part (je souligne) le sujet supposé savoir, il y a transfert ». Pour autant qu’on mette le « quelque part » de coté, et on est tranquille, mais notre tranquillité ne dure que quelques paragraphes. Je cite Lacan :
« Qui, de ce sujet supposé savoir, peut se sentir pleinement investi ? Là n’est pas la question. La question est d’abord, pour chaque sujet, d’où il se repère pour s’adresser au sujet supposé savoir. Chaque fois que cette fonction peut être, pour le sujet, incarnée dans qui que ce soit, analyste ou pas, il résulte de la définition que je viens de vous donner que le transfert est d’ores et déjà fondé. » (…)
Puis, plus loin :
« L’analyste, vous ai-je dit, tient cette place pour autant qu’il est l’objet du transfert. L’expérience nous prouve que le sujet, quand il entre dans l’analyse est loin de lui donner cette place ».
Donc, on peut constater que dès le départ, et non pas seulement du fait de l’évolution ultérieure de la pensée de Lacan, mais dès le départ, la notion de S-s-S est foncièrement équivoque. D’abord le S-s-S peut donc être efficient en dehors de l’analyse. Ensuite, l’analyste, il tient cette place, donc ça n’est pas vraiment lui, c’est une fonction, et pour finir, même dans l’analyse, l’analysant peut ne pas l’attribuer à l’analyste[23].
Il y a deux choses certaines, la première c’est qu’à partir de ce séminaire XI, Lacan, pour sa conception du transfert, misera tout sur le S-s-S[24]. Ca ne change pas fondamentalement. L’autre chose certaine, c’est que l’analyste ne sait pas le savoir inconscient du sujet, il ne sait rien du savoir que Lacan appelle « savoir textuel », ce sont les signifiants du sujet, ça, c’est le b a ba de l’expérience freudienne.
Alors, commençons par essayer de comprendre pourquoi l’analyste peut-il n’être pas mis à cette place. Dans le séminaire sur « L’acte psychanalytique »[25], donc quelques mois après la « Proposition » Lacan pose une nouvelle fois que, « contrairement à ce qu’on croit », il n’est nul besoin que l’analysant mette son analyste en position de S-s-S. C’est même à l’analyste qu’il revient de « feindre » être ce S-s-S, et c’est cela même qui fonde l’acte analytique, car c’est le seul chemin pour l’analysant à ce que se dévoile la vérité[26]. La vérité, au terme de l’analyse, c’est qu’il n’y a pas de S-s-S, l’analysé est sensé à la fin de sa propre analyse avoir conclut à sa non existence. Le S-s-S, il n’existe pas, c’est un leurre, que Lacan appelle « la faille du sujet supposé savoir »[27].
Donc, que l’analyste doive faire le S-s-S, ça pointe une certaine activité qui est réclamée de son coté. Doit-on comprendre qu’au début de l’analyse, l’analysant ne croit pas au S-s-S, et que c’est à l’analyste de lui faire croire que lui, l’analyste, il sait ? Et bien non. A cela objecte un paragraphe de la « Proposition », dont je suis parti. Je cite Lacan : une psychanalyse…
«… ne saurait se développer qu’au prix de ce constituant ternaire qu’est le signifiant introduit dans le discours qui s’en instaure, celui qui a un nom : le sujet supposé savoir, formation, elle, non d’artifice mais de veine, comme détachée du psychanalysant ».
Je vais commenter ce passage. Le S-s-S est un signifiant, donc ni l’analysant ni l’analyste, un signifiant qui est en position tierce par rapport au deux protagonistes de la situation.
Le S-s-S est une formation « non d’artifice mais de veine ». L’artifice, c’est tout simplement la situation analytique (l’analysant et l’analyste). Lacan a souvent répété que la cure analytique était un dispositif artificiel, rien de naturel là dedans.
Une formation « de veine ». Alors, j’ai cherché « veine » dans le Littré. Il y a un sens dont on use assez couramment, où « veine » est relativement synonyme de « chance ». Ca m’évoque l’analyste comme « partenaire qui a chance de répondre »[28] que Lacan évoque à propos de l’amour de transfert justement. D’ailleurs, un petit plus haut dans la « Proposition », juste avant « Au début de la psychanalyste est le transfert », dont je suis parti, on peut lire évoquant le début de l’analyse « Cette chance doit tenir de ce que nous appelons la rencontre ». En ce sens, « veine » pourrait signifier que le S-s-S est ce qui permet de rencontrer l’analyste, ou l’analyse d’ailleurs.
Mais il y a un autre sens de « veine » qui m’a intéressé : « disposition naturelle à la poésie qui donne de la facilité pour écrire des vers ». C’est le talent intrinsèque du poète. En ce sens le S-s-S pourrait être la fonction par le truchement de laquelle l’analysant parle, produit son discours et procède au travail du déchiffrage de l’inconscient.
Ce qui a retenu mon attention dans cette définition, c’est qu’elle parle de « disposition naturelle ». Peut-être que parler de « naturel » pour le S-s-S est un peu forcé, mais cela nous conduirait à penser que le S-s-S est une formation constante chez le sujet, par où elle s’oppose d’ailleurs à la dimension artificielle de la situation analytique, Lacan dit bien « formation non d’artifice mais de veine ». Ainsi le S-s-S serait du coté du sujet sans qu’il soit besoin pour cela de rencontrer l’analyste, et précèderait donc l’analyse. Aussi, ça peut nous aider à comprendre la fin du passage en question, qui se termine par « formation, elle, non d’artifice mais de veine, comme détachée du psychanalysant ».
Pourquoi « détachée » de l’analysant ? Etait-elle au paravent attachée à l’analysant ? Alors j’ai retrouvé mon signifiant « détachée » qui m’intrigue, dans le séminaire XVI, « D’un Autre à l’autre », soit deux ans plus tard :
« L’hystérique est déjà psychanalysante, si l’on peut dire, c’est-à-dire déjà sur le chemin d’une solution. Elle la cherche à partir de ceci, que ce à quoi elle se réfère, elle y implique le sujet supposé savoir, et c’est pourquoi elle rencontre la contradiction, tant que l’analyste ne pratique pas la coupure entre, d’une part […] la structure inconsciente […] et, d’autre part, la supposition du sujet supposé savoir, qui fait le névrosé naturellement psychanalysant, parce que cette position constitue d’ores et déjà en soi-même, avant toute analyse, le transfert. La coalescence de la structure avec le sujet supposé savoir, voilà ce dont témoigne chez le névrosé ceci, qu’il interroge la vérité de sa structure, et devient lui-même en chair cette interrogation. […] S’il y a quelque chose qui peut faire tomber cela, c’est précisément l’opération de l’analyste, qui consiste à pratiquer la coupure grâce à quoi la supposition du sujet supposé savoir est détachée, séparée de la structure. […] Le jeu de la cure analytique tourne autour de cette coupure. » (je souligne)[29]
“Coalescence de la structure avec le sujet supposé savoir”, voilà pour l’hystérique et l’obsessionnel : ces deux structures contiennent en leur sein le S-s-S.
Comment décrit-il la structure de l’hystérique dans cette leçon ? L’hystérique prend en référence la femme, elle ne s’identifie pas à elle, car elle fait l’homme l’hystérique, donc elle ne se prend pas pour la femme, mais elle fait de la femme le S-s-S, sujet supposé savoir … ce qu’il faut à la jouissance de l’homme. Le S-s-S pour l’hystérique est intégré à sa structure inconsciente, au lieu de cette autre femme (pour Dora, c’est madame K), c’est ce qui fait son impasse. Une seule solution à son impasse, c’est de transférer le S-s-S sur la scène de l’analyse, à l’endroit de l’analyste.
Du coté de l’obsessionnel, l’autre fondamental c’est le maître. La dialectique hégelienne du maître et de l’esclave, je ne peux pas la développer ici, mais ce qui est à l’horizon, c’est le savoir absolu, sous la forme du S-s-S dit Lacan. Le sujet hystérique et le sujet obsessionnel, sont donc pris dans une structure, inconsciente bien sûr, laquelle inclus le sujet supposé savoir, c’est-à-dire que le statut du savoir y reste foncièrement non critiqué. Puisque je rappelle que le S-s-S est un leurre, une « méprise » dit Lacan.
Ils croient que l’autre sait ce qu’il veut : l’hystérique croit que la femme sait ce qu’elle veut, comme l’obsessionnel croit que le maître sait ce qu’il veut. C’est là où la structure coince. Le maître ne sait rien, dit Lacan, et alors que le savoir absolu, c’est-à-dire le S-s-S, est dans la partie, l’obsessionnel identifie que le désir du maître est impossible. Lacan avait déjà épinglé le désir de l’obsessionnel comme impossible, et celui de l’hystérique comme insatisfait.
Pour l’hystérique, c’est pareil :
« Ce que l’hystérique suppose, c’est que la femme sait ce qu’elle veut, au sens où elle le désirerait. C’est bien pourquoi l’hystérique ne parvient à s’identifier à la femme qu’au prix d’un désir insatisfait. »[30]
La structure de l’hystérique implique en outre que si la femme sait ce qu’il faut à la jouissance de l’homme, alors pour l’hystérique, l’homme est castré.
C’est donc à l’endroit d’un S-s-S intrinsèque à la structure et foncièrement non critiqué, que l’analyte a à pratiquer une coupure, et donc, le faire ce S-s-S. « Pour le névrosé, le savoir est la jouissance du sujet supposé savoir.»[31] dit Lacan.
Donc, à ce point de notre l’analyse, le S-s-S préexiste bien à la cure analytique, sous une forme inconsciente et non critiquée, non mis en jeu on pourrait dire. A l’analyste de le mettre en jeu dans la cure, de pratiquer la coupure. Je crois que ça veut dire ça, qu’il fasse le S-s-S, c’est le soutenir de manière à ce que l’analysant déchiffre son savoir inconscient, il est mis au service du déchiffrage. A ce propos, Lacan ne dit pas toujours qu’il doit faire le S-s-S, il y a d’autres formules plus mesurées : par exemple « garantir » le S-s-S, c’est pas tout à fait la même chose. Il dit aussi ou « feindre que la position du S-s-S soit tenable[32]. Ces formules maintiennent un écart entre l’analyste et le S-s-S. Vont en ce sens les passages où Lacan exprime le fait que l’analysant relativise la supposition du savoir de l’analyste, mais que cela n’empêche pas le S-s-S de maintenir son efficace.[33] Autrement dit, le sujet il peut penser « il ne sait pas grand-chose mon analyste », mais le S-s-S comme fonction n’en n’est pas moins assuré.
Mais si le S-s-S est à la fois avant et hors analyse, et également ce avec quoi la partie de l’analyse se joue, quel est-il comme tel ?
« Le sujet supposé savoir, c’est Dieu, un point c’est tout. »[34]
On comprend mieux maintenant les résonnances bibliques de « Au commencement de la psychanalyse est le transfert. » ! Cette phrase peut désigner deux choses je crois : le début de chaque cure analytique d’une part, d’autre part la possibilité même de la psychanalyse en général.
Alors, « le S-s-S c’est Dieu » on peut l’appréhender en deux temps : d’abord, quand on découvre un savoir, on se demande si ce savoir étant déjà existant avant. Puis, s’il existe « déjà – avant », on se demande « y a-t-il un sujet de ce savoir »[35]. ? Ce savoir qui est déjà présent avant que je ne le sache, y a-t-il quelqu’un qui le sait avant que je le sache ? Lacan prend l’exemple d’Einstein – entre autres – qui se prononce contre la probabilité comme fondement de la science. Au nom de quoi ? Au nom de Dieu. Si Einstein peut fonder sa théorie c’est que ce savoir est déjà fondé ailleurs, là où un sujet le sait déjà, c’est Dieu. Ce « bon vieux Dieu » dit Lacan, que je cite :
«… il est loyal, il ne change pas en cours de partie les données du jeu. Les règles du jeu existent déjà quelque part, elles sont instituées du seul fait que le savoir existe déjà en Dieu. C’est lui qui préside à ce déchiffrement qui s’appelle savoir. »[36]
Ce « sujet supposé savoir avant que nous sachions », comme dit Lacan, c’est le Dieu des philosophes et des savants, latent en toute théorie[37].
Il nous revient maintenant, qu’au début du séminaire XI, dans lequel le S-s-S est introduit à partir de Descartes, Lacan avait proféré « Dieu est inconscient », contre Nietzsche qui pour sa part avait formulé « Dieu est mort ». Alors bien sûr ça n’est pas un appel au religieux ce qu’articule Lacan. C’est plutôt le contraire, l’élimination du S-s-S en fin d’analyse consisterait plutôt en un athéisme psychanalytique. Il faut préciser également que la dimension divine du S-s-S, elle ne vient pas après l’apparition de la notion, elle y est dès le départ, et même avant puisque dans le séminaire sur l’identification, Lacan l’introduit à partir du savoir absolu chez Hegel, et du sujet de Descartes, sans le rapporter d’abord au transfert.
Dans le compte rendu sur l’acte analytique, Lacan affirme que l’inconscient, c’est « un savoir sans sujet ». Le sujet, son savoir inconscient, il ne le sait pas, il n’y est pas. Mais c’est lui qui est mesure de savoir son savoir, c’est lui qui part à sa conquête. Donc l’entrée en scène du S-s-S implique un « je ne sais pas » chez le sujet. Non pas un « je ne sais pas » d’impuissance, que l’on entend chez certains sujets, mais un « je ne sais pas » qui commande à la possibilité d’en savoir un bout de ce savoir, qui ordonne la recherche de ce savoir. En ce sens, la « méprise » du S-s-S, nécessaire au procès analytique, ce n’est pas tant que le sujet croit qu’il y a un savoir d’avant, c’est de croire qu’il y a un sujet de ce savoir[38]. Et bien c’est aussi une dimension que l’analyste a à soutenir. Garantir le S-s-S, je crois que ça va aussi dans ce sens, celui d’un « c’est vous qui savez », « c’est vous qui pouvez savoir ». En ce sens, comme le relève Eric Porge[39], le sujet supposé du savoir inconscient recouvre le S-s-S, pour le pire si celui-ci n’est pas éliminé en fin d’analyse.
Je cite Lacan dans « L’envers de la psychanalyse » :
« Ce qui est demandé au psychanalyste […] ce n’est certes pas ce qui ressortit à ce sujet supposé savoir, dont, à l’entendre comme on le fait d’ordinaire, un tout petit peu à coté, on a cru pouvoir fonder le transfert. J’ai souvent insisté sur ceci, que nous sommes supposés savoir pas grand chose. Ce que l’analyse instaure, c’est ceci, qui est tout le contraire. L’analyste dit à celui qui va commencer – Allez-y, dites n’importe quoi, ce sera merveilleux. C’est lui que l’analyste institue comme sujet supposé savoir. »[40]
Alors là, c’est l’analyste qui institue l’analysant comme S-s-S. Lacan tient aussi ces propos dans la 2ème leçon, « ce n’est pas, comme certains ont cru l’entendre de moi, que l’analyste, ce soit lui qui soit placé en fonction de sujet supposé savoir ». Il s’amuse un peu avec nous quand même ! Le S-s-S, c’est arc à plusieurs cordes. J’espère avoir commenté les principales.
Mais, le S-s-S, est-ce que cela suffit à faire une analyse ? Le S-s-S préside à la possibilité de pouvoir savoir ce savoir, la conquête du savoir inconscient. Mais le rapport à ce savoir insu, qu’on ne sait pas encore et que l’on veut savoir, quel est-il ? Quel est le registre de cette appétence de savoir ? Tout à l’heure, je suis parti de la demande pour arriver au désir. Peut-on parler d’un désir de savoir ?
Désir de savoir ?
Gay sçavoir.
Je part de la vertue que Lacan appelle dans “Télévision” appelle le “gay sçavoir”. Le gay sçavoir, c’est :
« …non pas comprendre, piquer dans le sens, mais le raser d’aussi près qu’il se peut sans qu’il fasse glu pour cette vertue, pour cela jouir du déchiffrage… »[41]
Ne pas comprendre, ne pas piquer dans le sens, “jouir du déchiffrage”, ça renvoit directement à l’association libre. L’association libre, ça implique de privilégier le signifiant par rapport au signifié. Ce n’est pas sans « joui-sens », mais le sens en lui-même perd de sa superbe en laissant sa place au non-sens.
Un sujet qui s’accroche au sens, qui met un point d’honneur que tout ce qu’il dit a bien un sens, on est certain qu’il n’est pas dans l’association libre. Privilégier ou pas le signifiant au signifié, c’est peut-être un point parmi les autres qui se repère le mieux chez le sujet.
A ce ceci près tout de même, et Lacan y revient plusieurs fois, que « libre », l’association ne l’est pas tant que ça. La chaîne signifiante est structurée dans l’inconscient, elle est finie et assujettit le sujet. En outre, l’association libre dans sa visée idéale, déboucherait sur une parole pleine, qui serait pénible pour le sujet[42], encourant par là de dire quelque chose de d’absolument vrai. Lacan dit aussi, je n’ai pas retrouvé le passage en question, qu’il faut bien distinguer la résistance du sujet qu’il attribue souvent à celle de l’analyste, de la résistance du discours lui-même, au fur et à mesure que celui-ci s’approche de son objet. Parmi les propositions qu’énumère Lacan à la fin de « La direction de la cure », on trouve :
« 2. Qu’on est bien loin par la règle de diriger le sujet vers la parole pleine, ni vers le discours cohérent, mais qu’on le laisse libre de s’y essayer »
L’association libre vise une parole pleine qui est un idéal, donc le sujet il s’y essaie. C’est pourquoi il en découle une relativisation de « la règle » en tant qu’énoncée. J’évoque ce point parce qu’après tout, vous pourriez me dire que si je ne profère pas la règle de l’association libre au patient, c’est normal d’arriver aux impasses que j’évoquais au début de mon intervention : « sans association libre, il est normal que l’interprétation fasse un flop ». Et bien je ne le crois pas, pour plusieurs raisons. Dès le début de « La direction de la cure » Lacan affirme que :
« …le problème de la direction de la cure s’avère, dès les directives de départ, ne pouvoir se formuler sur une ligne de communication univoque… »
Toute énonciation implique que celui qui la reçoit l’entend différemment que celui qui la profère. Donc la règle analytique, elle va être à la fois énoncée et reçue suivant les singularités subjectives des deux protagonistes. Pas de communication qui tienne.
En outre, je crois que l’énonciation d’une consigne peut être entendue comme une demande. Il m’est arrivé de dire à un patient, enseignant, « vous pourriez vous poser cette question : pourquoi etc ». Et bien il m’a demandé un papier et un crayon pour noter la question afin de bien penser à y réfléchir. Je suis devenu moi-même enseignant, mon dire est devenu demande, « con-signe » je dirais. C’est bien sûr pas du tout là l’effet que je voulais produire ! Donc j’aurais tendance à me méfier des consignes, car on risque de virer à la suggestion.
Dans son séminaire sur « Les dits déprimés », Colette Soler dit que l’association libre ce n’est pas raconter, c’est interpréter le X inconnu du désir de l’analyste. En ce sens, l’association libre se comprend comme effet de la rencontre du désir analysant avec le désir de l’analyste. Voilà qui nous ramène à la question du désir de savoir.
Désir de savoir
Donc l’association libre, ça serait s’écarter du sens. Mais pour se porter où ? Je cite Lacan, le sens…
« C’est là où on sait ce que l’on dit (…), et c’est là que s’arrête la psychanalyse, alors que ce qu’il faudrait faire au contraire, c’est rejoindre ce qui est en haut à gauche, S(Abarré), le grand S, signifiant du A barré. »[43]
Le névrosé est plutôt au niveau de s(A), la signifié de l’Autre, au niveau du sens, « là où on sait ce que l’on dit », là où on est pas dans l’analyse. Si l’on se reporte à la leçon XVIII « D’un Autre à l’autre », le désir de savoir vise S(Abarré), le signifiant d’un manque dans l’Autre, dont j’ai parlé dans ma première partie. Ca peut vouloir dire beaucoup de chose ce S(Abarré) chez Lacan, beaucoup de chose peuvent se mettre là, mais ça pose de toute façon la question du manque et du désir… de l’Autre. Dans cette leçon, il situe S(Abarré) au niveau de l’énonciation désirante, de la « faille qui représente le désir », faille irréductible dans l’Autre. Il dit précisément « l’effort même qui témoigne du désir de savoir ». Alors prudence tout de même, il y a un certain recul, on ne se précipitera pas à faire du désir de savoir un concept. Se porter à ce niveau n’est pas sans impliquer quelques remous subjectifs. Parfois même de l’angoisse[44].
Leçon XX, Lacan reprend ce désir de savoir à propos de « la pulsion de savoir » freudienne[45], laquelle consiste d’abord dans un des premiers questionnements de l’enfant : d’où viennent les bébés ? Lacan la comprend comme étant, « la relation de la curiosité sexuelle avec tout l’ordre du savoir », l’effort pour le sujet de faire correspondre « son essence réelle comme manque-à-jouir » avec le savoir de l’Autre. On peut sans doute situer cet écart, ce lieu de questionnement comme un lieu du « non rapport sexuel ». Thème déjà explicité dans « Les quatre concepts de la psychanalyse »[46].
Et puis, dans « Introduction à l’édition allemande des Ecrits » (1973), à propos du transfert :
« … pour le Wisstrieb, eût-il le tampon de Freud, on peut repasser, il n’y en a pas le moindre C’en est même au point que s’en fonde la passion majeure chez l’être parlant : qui n’est pas l’amour, ni la haine, mais l’ignorance. Je touche ça du doigt tous les jours.»[47]
Alors le désir de savoir, après avoir dit qu’il y en a, et bien maintenant, il n’y a pas. Et dans ce dernier extrait, c’est très clair. Dans le texte intitulé « Note italienne » (1973), de la même année, Lacan parle à la fois d’un désir de savoir et d’une horreur de savoir !
L’humanité, dit Lacan, ne désire pas le savoir. Et il ajoute ensuite :
« Il n’y a d’analyste qu’à ce que ce désir lui vienne, soit que déjà (je souligne) par là il soit le rebus de ladite (humanité). »[48]
Puis, un peu plus loin dans le texte, il dit que l’analyste doit avoir cerné son « horreur de savoir », et, de l’avoir, cerné, en être « porté à l’enthousiasme ». Dès lors, l’analyste, « il se sait être un rebut ».
Pour cette question je m’appuierai sur une analyse de Colette Soler, dans son séminaire « Les affects entre semblants et réel » (2010-2011). Colette Soler fait une distinction entre désir du savoir, et désir de savoir. Le désir du savoir, c’est le désir qu’il faut pour l’analyse, pour le déchiffrage du savoir inconscient, c’est le gay sçavoir dont j’ai parlé tout à l’heure. L’humanité, elle, ne le désire pas ce savoir, elle se situe du « bon heur », elle serait plutôt du coté d’un « n’en rien vouloir savoir ». Ainsi l’analyste est dit par Lacan « rebut », « déjà par là », de l’humanité.
Ce désir du savoir n’exclut pas l’horreur de savoir. Ils peuvent cohabiter. L’horreur de savoir serait la forme par laquelle le désir de savoir se manifeste. Ceci parce que le savoir visé par le désir de savoir, on ne peut pas le regarder en face en quelques sortes. Ce savoir, il n’est pas un savoir à déchiffrer, mais à « inventer »[49].
Si le désir du savoir est ce qu’il faut pour le travail de l’analyse, le désir de savoir est ce qu’il faudrait pour la finir, l’analyse. Une analyse qui n’aboutirait pas – je dis « aboutirait » et non pas « finirait » – à l’horreur de savoir, ça pourrait le déchiffrage sans fin, l’analyse interminable par exemple, le déchiffrage infini. L’horreur de savoir indique l’entrée dans la phase finale de la cure.
Le désir du savoir vise le symbolique, et c’est à ce registre que Colette Soler épingle l’appétence de l’enfant pour le savoir. Beaucoup de questions chez l’enfant bien sûr, mais pas de désir de savoir. Le désir de savoir vise le réel du symbolique, la castration, l’impossible, de structure chez le sujet, le « pas de rapport sexuel »[50], le S(Abarré).
Le désir du savoir il est à corréler au travail de l’analysant sous transfert, donc « avec » le S-s-S. Alors que le désir de savoir, dont l’enjeu préside à la fin de la cure, viserait plutôt l’élimination de ce S-s-S. On attendrait une sorte de désir de savoir chez l’analyste qui aurait cerné son horreur de savoir. A ce propos Colette Soler parle d’abord de « franchissement » de l’horreur de savoir, puis revient sur sa formule, franchissement c’est peut-être un peu fort, elle parle de « changement » finalement. Selon elle, l’analyste est donc un rebus deux fois, un rebus au carré de l’humanité : l’humanité ne vise ni le désir du savoir, ni le désir de savoir.
Bon heur
L’humanité, elle, se situe du « bon heur ». Je m’arrête un petit peu sur ce bon heur parce qu’il pourrait concerner ma question de départ. C’est aussi la définition que Lacan donne du sujet dans « Télévision » :
« Où en tout ça, ce qui fait bon heur ? Exactement partout. Le sujet est heureux. C’est même sa définition puisqu’il ne peut rien devoir qu’à l’heur, à la fortune autrement dit, et que tout heur lui est bon pour ce qui le maintient, soit pour qu’il se répète »[51].
Bien sûr cela frappe d’entendre un psychanalyste définir le sujet comme étant heureux ! Lacan écrit « bon heur » en deux mots. « Heur », qui a donné ensuite « bonheur » et « malheur », ça veut dire la rencontre, la chance, la fortune, bonne ou mauvaise. Ca vient du latin en fait, par exemple « augurium » qui signifiait « présage ».
Donc que la définition du sujet soit d’être heureux, ça ne veut évidemment pas dire que le sujet respire la joie de vivre et la gaité. « Heureux » ça veut plutôt dire qu’il est fait de la rencontre, le sujet, la rencontre de quoi ? De son objet a, il rencontre toujours le même objet, son objet, d’où le fait qu’il se « maintienne ».
Dans le discours de l’analyste, l’objet a est cause du travail de l’analysant. Et l’analyste, lui, ne fait pas la charité de l’objet a, il « décharite »[52] dit Lacan, façon encore de ne pas répondre à la demande. L’analyste n’est objet du désir de l’analysant, mais « cause de son désir »[53]. Donc on peut dire, je crois, que l’analyse change la topologie de ce « bon heur » du sujet qui auparavant était voilé, elle bouleverse le rapport du sujet à son objet. Il y a peut-être un franchissement à cet endroit à l’entrée d’une analyse – à la fin de l’analyse aussi d’ailleurs, puisque Lacan ne s’en tient pas à taxer l’humanité d’être « heureuse », mais défini comme « heureux » le sujet en tant que tel. En ce sens, ne pourrait-on pas formuler qu’il y a des sujets qui n’entrent pas en analyse parce qu’ils sont heureux ? Je laisse cette question là, ce thème mériterait beaucoup de précisions.
« Conclusion » …
Alors, pour mon travail, j’avais pensé au début partir de cette question : étant donné que l’on parle de « travail analysant », travail de déchiffrage, et que la cure analytique comporte des « règles », la principale étant celle de l’association libre, l’entrée en analyse se caractériserait-elle par une levée de jouissance ? Au sens d’une diminution de jouissance. Partir de cette question – massive – ça aurait été faire un signe au thème du séminaire animé par Marie-Claire et Emmanuel.
Peut-être peut-on parler d’un remaniement du joui-sens, du sens joui, relatif à la préférence du signifiant sur le signifié. Par quoi le névrosé passe de s(A) à S(Abarré).
L’entrée en analyse se (re)marque d’une certaine assomption du manque à savoir : l’entrée en scène du S-s-S dans l’analyse implique un “je ne sais pas”, mais aussi un “je peux savoir”. Manque au savoir, on pourrait dire un manque à savoir le désir : quel est mon désir ? Quel est le désir de l’Autre ? Cette question du désir, Lacan l’épingle du « Che vuoi »[54] du graphe du désir.
Or, Lacan dit à propos de la coalescence de la structure du névrosé avec le S-s-S, que le névrosé suppose que l’Autre sait ce qu’il désire (cf. ma deuxième partie). Si chez le névrosé « le savoir est la jouissance du sujet supposé savoir », la jouissance ici n’est-elle pas que ce que l’Autre désire puisse être su ? Soit obturer le « Che vuoi ? » nécessaire à la praxis analytique ? La coupure qui revient à l’analyste de pratiquer à l’endroit de cette coalescence n’implique-t-elle pas une certaine cessation de cette jouissance ? En ce sens, se servir du S-s-S dans l’analyse pourrait-il signifier que le sujet en jouit moins ? Passage du désir en tant que le sujet le sait, au désir en tant que le sujet le questionne.
A ce propos Erik Porge relève que la coalescence de la structure et du S-s-S pourrait apporter du nouveau quant à la question de la demande d’analyse. « Une sorte de grain de sable dans le sujet supposé savoir » pourrait être ce qui décide la demande du sujet[55].
Outre la question du « bon heur », que j’aimerais développer, il y a quelque chose d’éminemment important dont je n’ai pas parlé, c’est la question de la vérité. Puisque tout au début j’ai évoqué la dernière séance de “La logique du fantasme”, et bien ce que dis Lacan dans cette séance c’est qu’on est dans la suggestion dès lors que l’interprétation ne touche pas à la vérité. Le patient dont j’ai parlé tout à l’heure, qui a écrit ma question, c’est bien, dans mon intervention, la vérité qui est passée à la trappe. Alors chez Lacan, il y a “deux vérités” si l’on peut dire : la vérité de la parole, “moi la vérité, je parle”comme Lacan la fait s’incarner[56], mais également la vérité dans les quatre discours – sans paroles. Le discours analytique, c’est le discours de l’analyste, et le discours de l’analysant, c’est le discours de l’hystérique, Lacan dit bien qu’il y a pas de discours de l’analyse. Dans ces discours, “savoir” et “vérité” s’articulent différemment. Dans le discours de l’hystérique, il s’agit de produire « un savoir sur la vérité »[57] , dans le discours analytique, l’analyste doit faire fonctionner son « savoir en terme de vérité »[58], ou encore manier « un savoir en tant que vérité »[59]. J’aimerais déplier ça, parce si les discours de l’analyste et de l’analysant sont différents, cela veut que savoir et vérités s’articulent de manière dissymétrique. A cela s’ajouterait la question de ce qui cause l’entrée d’un sujet dans le discours hystérique, soit le discours propice à l’analyse.
[1] LACAN, Séminaire XIV, « La logique du fantasme », Leçon du 21 juin 1967
[2] LACAN, ECRITS, « La direction de la cure et les principes de son pouvoir » (1958)
[3] Ibid., chap. IV, 7§.
[4] FREUD, « « Psychanalyse » et « Théorie de la libido » », Résultats, idées, problèmes II, trad. J. Altounian, A. Bourguignon, P. Cotet, A. Rauzy, Paris, Puf, coll. Bibliothèque de psychanalyse, 2002, p. 69. « L’élimination des symptômes de souffrance n’est pas recherchée comme but particulier, mais, à la condition d’une conduite rigoureuse de l’analyse, elle se donne pour ainsi dire comme bénéfice annexe.» Par quoi la méthode psychanalytique prend ses distances avec les techniques suggestives.
[5] ECRITS, « La direction de la cure », chap. IV, 8§.
[6] Ibid.
[7] ECRITS, « Subversion du sujet et dialectique du désir ».
[8] Ibid.
[9] « La direction de la cure » : « Le désir est ce qui se manifeste dans l’intervalle que creuse la demande en deçà d’elle-même, pour autant que le sujet en articulant la chaîne signifiante, amène au jour le manque à être avec l’appel d’en recevoir le complément de l’Autre, si l’Autre, lieu de parole, est aussi le lieu de ce manque.Ce qui est ainsi donné à l’Autre de combler et qui est proprement ce qu’il n’a pas, puisqu’à lui aussi l’être manque, est ce qui s’appelle l’amour, mais c’est aussi la haine et l’ignorance. »
[10] « Subversion du sujet et dialectique du désir »
[11] Ibid.
[12] LACAN, Séminaire VIII, « Le transfert » (1960-61), leçon XIV.
[13] « La direction de la cure », chap. V, §14.
[14] Ibid., chap. IV, §11. « Les analystes que nous pouvons dire fascinés par les séquelles de la frustration, ne tiennent qu’une position de suggestion qui réduit le sujet à repasser sa demande. »
[15] Ibid., chap. V, 14§ « Qu’elle se veuille frustrante ou gratifiante, toute réponse à la demande dans l’analyse, y ramène le transfert à la suggestion. »
[16] FREUD, « Les voies nouvelles de la thérapeutique psychanalytique », La technique psychanalytique, trad. Anne Berman, Paris, Puf, coll. Bibliothèque de psychanalyse, 2002, p.141.
[17] FREUD, Sigmund Freud présenté par lui-même, trad. F. Cambon, Paris, Gallimard, coll. Folio essais, 1984, p.72. « Il est tout à fait juste que la psychanalyse travaille aussi par le moyen de la suggestion, comme d’autres méthodes psychothérapeutiques. Mais la différence est qu’ici on ne s’en remet pas à celle-ci – suggestion ou transfert – pour décider du succès thérapeutique (Je souligne). Elle est bien plutôt utilisée pour inciter le malade à produire un travail psychique – à surmonter ses résistances transférentielles – qui entraîne une transformation durable de son économie psychique. »
[18] FREUD (S.), « « Psychanalyse » et « Théorie de la libido » », Ibid. On pourra se reporter à l’ensemble du paragraphe pour y saisir que l’écart revendiqué par Freud d’avec la suggestion est double : écart de méthode, mais aussi autre but thérapeutique.
[19] « La direction de la cure », chap. V, 14§.
[20] « Subversion du sujet et dialectique du désir » : « C’est pourquoi la question de l’Autre qui revient au sujet de la place où il en attend un oracle, sous le libellé d’un Che vuoi ? que veux-tu ? est celle qui conduit le mieux au chemin de son propre désir, – s’il se met, grâce au savoir-faire d’un partenaire du nom de psychanalyste, à la reprendre, fût-ce sans bien le savoir, dans le sens d’un : Que me veut-il ? ».
[21] AUTRES ECRITS « Proposition sur le psychanalyste de l’école », (1967), p.247. Texte, où entre autres choses, Lacan présente un mathème du transfert.
[22] En annexe des Autres écrits est donnée la première version de la « Proposition », celle que Lacan avait lue le 9 octobre, où l’on peut lire : « Le transfert, je le martèle depuis déjà quelque temps, ne se conçoit qu’à partir du terme de sujet supposé savoir ».
[23] C’est une position que Lacan réaffirme plusieurs fois, notamment dans la « Proposition » : « …il est nullement nécessaire que le sujet en activité dans la conjoncture, le psychanalysant (seul à parler d’abord), lui en fasse l’imposition. C’est même si peu nécessaire que ce n’est pas vrai d’ordinaire : ce que démontre dans les premiers temps du discours, une façon de s’assurer que le costume ne va pas au psychanalyste, – assurance contre la crainte qu’il n’y mette, si je puis dire, trop tôt ses plis »
[24] « Les quatre concepts de la psychanalyse », leçon XIX. « Le transfert est impensable, sinon à prendre son départ dans le sujet supposé savoir ».
[25] Séminaire XV, « L’acte psychanalytique, leçon III.
[26] « Ce qui constitue l’acte psychanalytique comme tel est très singulièrement cette feinte par où l’analyste oublie que, dans son expérience de psychanalysant, il a pu voir se réduire à ce qu’elle est, cette fonction du sujet supposé savoir. […] La question de ce qu’il en est de la vérité, est de feindre aussi que la position du sujet supposé savoir soit tenable parce que c’est là le seul accès à une vérité dont ce sujet va être rejeté pour être réduit à sa fonction de cause d’un procès en impasse. L’acte psychanalytique essentiel du psychanalyste comporte ce quelque chose que je ne nomme pas, que j’ai ébauché sous le titre de feinte, et devient grave si ceci devient oubli, de feindre d’oublier que son acte est d’être cause de ce procès. »
[27] AUTRES ECRITS, « Compte rendu de l’acte analytique »
[28] Ibid., « Introduction à l’édition allemande des écrits »
[29] Séminaire XVI, « D’un Autre à l’autre », Seuil, leçon XXIV, p.388.
[30] Ibid, p.389.
[31] Ibid., p.353.
[32] « L’acte psychanalytique », leçon III.
[33] Par exemple, « Les quatre concepts de la psychanalyse », leçon XVIII, et « Le savoir du psychanalyste », leçon du 2 décembre 1971.
[34] « D’un Autre à l’autre », leçon XVIII.
[35] ECRITS, « La méprise du sujet supposé savoir » (1967) : « Le savoir qui ne se livre qu’à la méprise du sujet, quel peut bien être le sujet à le savoir avant ? »
[36] « D’un Autre à l’autre », Ibid.
[37] « La méprise du sujet supposé savoir »
[38] François BALMES, « Dieu, le sexe et la vérité », p.29. « La négation porte sur l’existence d’un sujet de ce savoir, qui le saurait d’avant, mirage nécessaire que la situation analytique suscite dans le transfert, mais dont la forme radicale serait l’Autre divin. Il y a bien savoir, mais il est sans sujet, il y a bien un sujet mais c’est celui qui est l’effet de ce savoir et non son maître, qui l’articule à son insu, ne pouvant jamais en attraper que des bouts. »
[39] Erik PORGE, « Jacques Lacan, un psychanalyste », Eres.
[40] Séminaire XVII, « L’envers de la psychanalyse », leçon III. Voir également leçon II.
[41] AUTRES ECRITS, « Télévision ».
[42] « La direction de la cure », chap. IV, 7* : « Le sujet invité à parler dans l’analyse ne montre pas dans ce qu’il dit, à vrai dire, une liberté bien grande. Non pas qu’il soit enchaîné par la rigueur de ses associations : sans doutes l’oppriment-elles, mais c’est plutôt qu’elles débouchent sur une libre parole, sur une parole pleine qui lui serait pénible. Rien de plus redoutable que de dire quelque chose qui pourrait être vrai. Car il le deviendrait tout à fait, s’il l’était, et Dieu sait ce qui arrive quand quelque chose, d’être vrai, ne peut plus rentrer dans le doute. »
[43] « D’un Autre à l’autre », leçon XXV.
[44] « Subversion du sujet et dialectique du désir » : «… cette prévalence donnée par le névrosé à la demande, qui pour une analyse basculant dans la facilité, a fait glisser toute la cure vers le maniement de la frustration, cache son angoisse du désir de l’Autre… »
[45] FREUD, « Trois essais sur la théorie de la sexualité », 2ème partie, chap. V.
[46] « Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse » leçon XV : « De cette conjonction du sujet dans le champ de la pulsion au sujet tel qu’il s’évoque dans le champ de l’Autre, de cet effort pour se rejoindre, dépend qu’il y ait un support pour la ganze Sexualstrebung. » Or, de pulsion sexuelle totale, il n’y en a pas.
[47] AUTRES ECRITS, « Introduction à l’édition allemande des écrits »
[48] AUTRES ECRITS, « Note italienne »
[49] Ibid. « Naturellement ce savoir n’est pas du tout cuit. Car il est à inventer. Ni plus ni moins, pas le découvrir… »
[50] Ibid. « Le savoir en jeu, j’en ai émis le principe comme du point idéal que tout permet de supposer quand on a le sens de l’épure : c’est qu’il n’y a pas de rapport sexuel… »
[51] AUTRES ECRITS, « Télévision », partie IV.
[52] Ibid., partie III.
[53] Ibid.
[54] « Subversion du sujet et dialectique du désir ».
[55] Erik PORGE, Ibid., p.279.
[56] Voir la fameuse prosopopée de la vérité dans « La chose freudienne » (ECRITS).
[57] Séminaire XVII « L’envers de la psychanalyse », leçon VI.
[58] Ibid., leçon III
[59] Ibid., leçon II
