Actualité de la clinique psychanalytique de l’autisme. Sur la « soustraction » de jouissance

3 mars 2012
La découverte du savoir psychanalytique à l’épreuve de l’autisme. La preuve par la clinique psychanalytique

J’ai présenté une partie de ce que je me propose de dire ici au séminaire du collectif « Psychanalyse et politique » d’Albi auquel Francine Cousinié a eu l’amitié de m’associer. Ce séminaire qui se tient une fois par mois est du reste ouvert à qui veut. Je reprends où j’en étais resté après notre échange avec H. Rey-Flaud.

En ces temps difficiles pour la psychanalyse et plus largement la liberté de penser, j’honore aujourd’hui une vieille question par laquelle le professeur Philippe Malrieu, alors responsable du département de psychologie de Toulouse, Pierre Bruno, alors jeune assistant du même département et Michel Plon, alors jeune chercheur au CNRS ont soutenu ma candidature au CNRS, cette candidature ayant valu à l’équipe de recherche du département de psychologie d’être reconnue comme équipe de recherche associée au CNRS (ERA 138). Je ne suis pas entré au CNRS, mais je suis entré en psychanalyse, j’ai fait ce qu’on appelait alors une psychanalyse personnelle. Ma question d’alors qui concernait déjà le symptôme avec une concession faite à la psycho pédagogie puisqu’il s’agissait d’y soutenir que l’enfant était un symptôme, le symptôme d’un couple de parents est l’occasion qui m’est donnée de mesurer si chemin il y a eu et en quoi il a été parcouru.

Les façons d’aborder le symptôme, soit ce qui aura valu pour un sujet « soustraction » de jouissance ou « dévalorisation » de la jouissance est, selon ce que Pierre Bruno soutient dans son ouvrage « Lacan, passeur de Marx » , la première de deux questions décisives qui divisent aujourd’hui encore les psychanalystes quant à leur orientation, la deuxième concernant le sort à faire au « Nom – du – Père ». Pourquoi faut-il maintenir, « tenir pour essentielle », la distinction entre NDP et symptôme ? Si le symptôme est ce que Lacan finit par avancer, une objection majeure au sens, jamais un symptôme ne donnera par lui-même la signification phallique. S’il l’apporte, c’est parce qu’il tient de quelque manière à un NDP et qu’il met en jeu les identifications du sujet, à commencer par la première, l’identification primordiale à un NDP et son corollaire, l’incorporation phallique. De fait, en tant que formation de l’inconscient, la fonction première du symptôme est d’impliquer, si je puis dire, à son corps défendant l’identification imaginaire du sujet au corps de l’Autre. En cela le symptôme reste une métaphore. Ce qu’il cesse d’être à partir du moment où Lacan le définit comme ce qui de la vérité fait retour dans la faille d’un savoir , mais ce que la matrice des discours relève d’y engager l’identification spéculaire à laquelle Lacan réduit le narcissisme, soit ce que Je fait de son image et partant du corps.

Réservons comme le fait Pierre Bruno la question de savoir ce « qui rapproche et sépare, selon Lacan, Marx et Freud ». Examinons plutôt ce que Bruno pose sous la forme de trois arguments : une affirmation, que « le symptôme est un marqueur, Bruno ne dit pas « le » marqueur, mais « un » marqueur, laissant ouverte la question de savoir s’il y en a plus d’un, originaire du non – rapport sexuel » ; une opposition à ceux qui se prévalent du discours du maître plutôt que de celui de l’analyste, qui admettent que la fonction du symptôme serait de « masquer » cette inexistence du non – rapport ; une identification, que le symptôme est une réponse du réel, celle que chacun est en naissant, avant même le stade du miroir où il trouve ou non à se précipiter dans sa détermination subjective. La question de savoir par quel tour de force ce qui est hors sens, en excès au sujet et à l’Autre, le symptôme, donc, trouve un sens vient sur le devant. La réponse de Bruno est nette : « Réel et sens étant incompatibles, le symptôme, par un tour inconcevable, est ce qui les noue ». C’est un fait, le symptôme fait sens. Il a un sens, et c’est ce que Freud retient d’une des deux meilleures traditions psychiatriques, la française, sinon ce ne serait pas un symptôme, c’est-à-dire un événement de sens. C’est ainsi qu’on le rencontre d’abord, comme participant et contributeur à l’économie de la jouissance plutôt qu’à la dialectique du désir. Que le sens du délire dans la psychose ne concerne pas tant le dévoilement du sens que l’armature même de toute relation à l’Autre, « la volonté de jouissance serait originairement dans l’Autre », nous ouvre à ceci que l’Autre, ici, c’est d’abord le langage et son impératif de jouissance.

« Jouis d’être joui » est ce que Je refuse. Je ne veut pas être joui par l’Autre, mais Je entend bien jouir du corps qui lui échoit, quitte à se prendre les pieds dans la jouissance. En effet, jouir, d’être joui sans commandement est ce devant quoi Je recule par peur que l’Autre n’existe, mensongèrement, entendu que cet Autre Je sait le faire exister et que c’est ce que, par facilité ou par contrainte, selon l’amour ou selon la haine, donc, Je fait le mieux. Ce forfait par lequel Je se pare de l’Autre, n’en fait emblème que pour mieux l’évincer, est-il toujours possible ? Non, ce qui permet un tel forfait suppose une place vide entre le sujet et l’Autre où Je puisse venir se loger, c’est-à-dire faire, en deçà même du fantasme, symptôme. Or, il est un événement de sens, l’autisme, où la « translation » de la volonté de jouissance de l’Autre à la volonté de jouissance du sujet selon ce qu’en dit Bruno, si elle reste possible, n’est pas immédiatement permise. S’il y a dans l’autisme séparation de l’Autre et du sujet, celle-ci n’y engage pas l’opération dont il s’agit ici, qui concerne et l’assomption subjective et l’assujettissement du sujet en tant qu’il parle à un fantasme. La clinique de l’autisme est, cependant, selon Bruno tout à fait appropriée pour appréhender la séparation in statu nascendi. Il y a de l’Autre et du sujet. L’Autre préexiste au sujet, son antériorité sur le sujet est, d’ailleurs, ce qui distingue Lacan de Freud quant à la question du narcissisme, Freud postulant un narcissisme primaire au principe de la différenciation des instances psychiques là où Lacan réduit le narcissisme à une transformation unificatrice, l’identification spéculaire.

Poursuivons avec Bruno, abordons avec lui les choses frontalement. L’aliénation est consécutive à la préexistence de l’Autre. Elle tient au fait qu’aucun « parlêtre », aucun sujet concret ne saurait apparaître s’il n’y avait le signifiant. L’Autre avons-nous déjà dit, c’est le langage. En tant que « lieu du signifiant », l’Autre est un « dictionnaire muet » dans lequel il y aurait les mots sans leurs significations. L’aliénation, Lacan, pas davantage que Marx, ne l’entend en son sens hegelien, idéaliste : la formule que « le mot est le meurtre de la chose » n’implique pas que la chose disparaisse comme chose, la chose est seulement élidée. Méconnue, elle passe dans les dessous. Appliquée au « parlêtre », cette formule engage que la chose qu’un enfant est, d’être né, n’est affectée par le signifiant que pour autant qu’il écoute, sent ou voit. Si la question de la culpabilité des mères se trouve de ce fait levée, il s’en ouvre une autre, celle d’« une insondable décision de l’être ». C’est parce qu’il écoute que l’enfant va se réduire au signifiant qui parle de lui, mais qui, devenu le signifiant écouté, n’est plus le même que le signifiant parlé. « Le sujet, je lis, puisque dès lors nous pouvons parler de sujet et non plus [seulement] de chose, devient le signifiant écouté et alors même que, dans l’instant où ça parlait de lui, il pouvait commencer à relever d’un sens, il se perd comme sens en devenant le signifiant écouté. Un sujet se constitue ainsi comme divisé entre le sens qu’allait lui conférer le fait que ça parle de lui et la pétrification qui découle de ce qu’il devienne le signifiant écouté ». « Ainsi, je lis toujours, le signifiant parlé, c’est S1, le signifiant écouté, c’est S2. Du fait du prendre acte de l’écoute, un se divise originairement en deux ».

C’est à ce joint que la clinique de l’autisme vérifie que l’angoisse, d’être sans cause, n’est pas sans objet. Il y a de l’Autre et du sujet dans l’autisme, sauf que l’autre qui incarne l’Autre y est réel. La mère, mais aussi tout autre qui vient à sa place, est réelle. Réelle, la mère est, sauf accident, comme telle impossible à atteindre. « Le Réel comme impensable, ça c’est un trou ». Ça crache et c’est du Lacan craché. Ce n’est pas qu’un jeu de mot, un tel trou quand il crache, crache du nom propre. A ce niveau cependant, au plan oral par exemple, selon la métaphore dont j’ai déjà une fois usé, c’est comme au jeu des Dames : miam-miam, c’est ou je mange ou je suis mangé. Temple Grandin doit, c’est son choix forcé, d’abord casser la voiture de sa mère avant de pouvoir bidouiller selon son obsession du « rotor » en un hommage ironique à B. Bettelheim « sa » forteresse à elle. Si le langage est un fait d’écriture et, donc, de lecture avant d’être un fait de parole, l’enfant autiste ne s’arrête pas au seuil du langage, l’antériorité de l’Autre fait du « complexe maternel » au sens de Freud la matrice du sujet. En tant qu’Autre, la mère est barrée, hors sens, irrévocablement inaccessible, à moins d’un accident qui réhabilite à défaut d’un sens, le hasard : il y a séparation. En tant que chose, le sujet en instance qu’est l’enfant autiste n’a à en connaître que ce qu’il prélève dans l’Autre, soit ce qu’il devient comme objet, un corps vivant. Or, le corps vivant qu’il est, l’enfant autiste ne peut pas le transformer à la manière d’un petit névrosé. Il ne le peut pas parce qu’en tant qu’événement de sens, il refuse de se présenter sous la bannière phallique, soit d’être parlé. A rebours, tout enfant qui se voue à la parole, c’est son choix forcé, s’équivaut en tant que sujet au Phallus. Ici, le sujet en instance qu’il est, de se conformer à l’équivalence freudienne entre enfant et Phallus, peut s’introduire à la dialectique du désir et jouer d’un dédoublement de l’objet chu qu’il est. S’ouvrant ainsi au désir, il joue de l’objet imaginaire qu’il devient et de l’objet apparemment perdu de l’Autre en se faisant, manière d’assurer sa jouissance et d’élider la castration, la cause du désir de l’Autre maternel.

Un tel enfant peut s’endormir sur l’oubli de son corps. Il le peut parce qu’il dispose, si je puis dire, d’un viatique, la fonction d’un NDP. Concernant le narcissisme, l’écart que Lacan engage par rapport à Freud est d’autant plus décisif qu’il permet d’articuler que le narcissisme n’est pas la fin de l’amour. L’amour est adresse au père si le « complexe paternel » au sens de Freud permet dans la diachronie mais aussi bien dans la simultanéité au « complexe maternel » de reprendre autrement, selon ce que nous venons de poser concernant le dédoublement de l’objet, la question de la séparation. Ce qui ne vaut pas pour l’autiste. L’autisme est à la psychose ce que la névrose est à la perversion, son envers. La menace de mort qu’y représente n’importe quel autre, tout autre, est réelle, non délirante. Il n’y a pas effondrement du sujet, mais inhibition à l’ériger. Dans l’autisme, ce n’est pas comme dans la psychose le rond de l’imaginaire qui fout le camp, c’est du fait que le réel et l’imaginaire s ‘y nouent fautivement prématurément ensemble le rond du symbolique. Ce rond du symbolique, l’autiste doit trouver à le rattraper. Temple Grandin nous explique comment elle-même y est parvenu et continue à y parvenir, par son mode de penser : « le penser en images ». Lorsque quelqu’un lui parle, ses paroles se transforment aussitôt en images vu (plutôt qu’entendu) qu’elle « n’arrive pas à imaginer penser autrement qu’en images ».

De ne pas partir comme l’autiste le fait du corps, de ne pas partir de son « être symptômal » pour reprendre l’heureuse identification de P. Bruno, et de la raison que l’autiste a de prendre un tel départ, on méconnait le double enjeu de la séparation : « se parer » de l’Autre, ici y parer, parer à l’Autre et néanmoins « s’engendrer », s’en séparer, en être séparé. Il y a un écueil. Cette opération peut avorter. La forclusion du NDP peut ne pas être surmontée là où, justement, le « se parer » de l’Autre ne peut pas servir de défense contre la menace de pétrification que le sujet encourt d’être figé sous le signifiant écouté. Pour ces cas, Lacan propose de considérer qu’il y a holophrase, séparation problématique entre le signifiant parlé et le signifiant écouté dans lequel s’identifie, tout en s’y figeant, le sujet. Cette proposition de Lacan, Bruno la discute à partir de deux situations prises dans sa clinique hospitalière en deux temps. La première situation, qui concerne L., un jeune garçon de 8 ans environ, témoigne de ce qu’est une holophrase, qu’elle vaut comme forclusion d’un NDP. L. dans ses rencontres avec Bruno ne s’exprimait pas. C’était dans la cour qu’il arpentait, tête baissée, que Bruno le voyait répéter le mot « connard ». Bruno identifie ce mot « connard » comme un mot venu de l’Autre, au niveau où « ça parle de lui », mais aussi comme le signifiant écouté sous lequel L. se pétrifie en ne pouvant que le répéter indéfiniment. Dans ce cas la séparation est problématique. Cet écueil qui pousse un sujet à se passer du secours d’un père peut être surmonté. C’est le cas de Temple Grandin qui use pour parer au défaut qu’elle rencontre au plan de la parole de « symboles visuels » qui supportent l’espace dans lequel elle se meut, la porte de verre en est un, les livres et les manuels, les carnets de notes en sont d’autres, le rotor-machine le plus abouti de tous. La musique est la seule chose dont elle n’a pas à se protéger.

Pour franchir cet écueil, le sujet autiste doit passer par un objet cessible de l’Autre. C’est dans un grand moment d’angoisse que T. Grandin provoque en voulant arracher et jeter le chapeau que sa mère lui a fichu sur la tête pour la conduire chez l’orthophoniste l’accident de voiture qui aurait pu leur coûter à toutes les trois, elle, sa mère et sa sœur cadette, la vie. C’est dans de tels moments d’horreur que seulement elle parvenait à parler « quand le “stress” arrivait à vaincre la barrière qui, d’habitude, [l]’empêchait de parler ». La seconde situation que Bruno présente pour avancer dans la théorie, qu’il y a séparation dans l’autisme, est de la même couleur. S. est au début de leur rencontre un jeune autiste de 11 ans dont le regard traverse le corps de l’autre, incapable de prononcer le moindre phonème. Bruno distingue trois séquences dans cette cure. La première séquence est occupée à prélever dans l’Autre un objet à déposer. Au seuil de la porte, au sortir de la séance, alors qu’il vient de prendre un coussinet appartenant à Bruno, S. le renvoie dans la pièce. Bruno interprète que S. manifeste par ce geste « qu’il n’a pas d’espace extérieur à sa disposition pour y déposer un objet prélevé dans l’Autre ». Dans la suite de cette séance, S. apporte un coussinet « pareil » au coussinet de Bruno. De ce coussinet, il se servira pour emporter celui qui appartient à Bruno. Bruno en déduit que S. est en mesure de prélever un objet dans l’espace de son cabinet à la condition de le redoubler par un objet « identique » prélevé chez lui. Or, il se trouve que, le jour où S. réussira enfin à emporter le coussinet de Bruno, sa mère lui annoncera qu’elle ne pourra pas accompagner son fils la prochaine fois. Entendant ces paroles, S. laissera tomber le coussinet de Bruno dans l’escalier.

Alors que l’enjeu de cette première séquence est bien celui qu’il y met, Bruno estime qu’il n’a pas à nous éclairer plus, les faits cliniques qu’il vient de nous rapporter parlant d’eux-mêmes. Je n’en suis pas sûr. Ce qui s’est passé là entre eux trois dans l’escalier mérite qu’on s’y arrête. Il s’agit bien, comme il le laisse entendre de savoir si S. a obéi à une injonction surmoïque ou si l’espace que, lui, Bruno, a créé avec S. a été suffisant pour que S. « dépose » à sa manière, l’objet prélevé dans l’Autre pour que cet objet soit enfin perdu, définitivement perdu, plutôt qu’il ne le « laisse tomber » dans l’escalier sous le poids d’une injonction ? Deux arguments plaident en faveur de la dernière hypothèse. D’un côté, il semble que cette fois-ci S. n’a exprimé ni dépit ni contrainte et que, de l’autre, l’objet prélevé dans l’autre, le congénère, a rempli son office : écarter la menace que l’Autre que Bruno devient pour de bon, de ne plus être transparent, représenterait pour lui. La seconde séquence, je dis « seconde » et non « deuxième » pour marquer qu’il y a un saut à passer du « un » au « deux », que retient Bruno semble aussi la valider si S. y joue dans son adresse à l’Autre qu’est désormais Bruno et de la séparation où il est d’avec l’Autre et de son partage, qu’il est constitué de deux parts, « troué » entre vide et peau, extérieur/intérieur, visible/invisible, net de la jouissance étrangère venant de l’Autre, S. vérifiant avec ses moyens pour lui-même autant que pour l’Autre obsessionnellement qu’il ne se « véhicule » plus, ayant trouvé quelque origine à repasser dans ses traces, vainement, erratiquement. La troisième séquence que Bruno nous présente comme décisive dans le mouvement de la cure de S. atteste et la violence de son monde et sa transformation. La mère de S., « non sans raisons », nous dit Bruno, attribuait l’état de son fils à ce qu’elle nommait elle-même « forclusion du NDP ». Un jour, sans qu’elle y prête attention, elle apprend à Bruno « qu’au moment de sa grossesse elle avait contracté une rubéole, qui pouvait bien expliquer un certain déficit proprement neurologique ». Bruno restitua en séance ces propos maternels à S. sous la forme : « je viens d’apprendre qu’au moment où elle t’attendait, ta mère a été malade, ce qui pourrait expliquer certaines des difficultés que tu as ». A la séance suivante, S. arrive avec une face très contusionnée, sa mère expliquant à Bruno que les éducateurs l’ont trouvé en train de se frapper violemment la tête contre un mur. Dans la séance, Bruno lui interprète ce qui paraissait s’être passé, qu’il n’a pas supporté que lui, Bruno, mette en cause l’intégrité de sa mère et qu’il avait répondu à cette parole en essayant de disparaître lui-même. Que dit Bruno, qui ne peut se dire comme tel, qui apaise S. ? Qu’il aime sa mère à en mourir ! S. qui n’avait jusque là jamais pu articuler une consonne explosive s’y risquera en prononçant un « pa ».

Sur quel « pas » S. nous laisse-t-il ? Que nous enseigne-t-il que nous ne voulons pas savoir ? Qu’il est permis de mettre en échec l’aliénation et d’engager une séparation sans recourir à la métaphore paternelle. Que du moment où l’autre cesse d’être pour lui transparent, il peut jouer d’une image qui n’est pas l’image spéculaire mais qui l’ouvre à un monde de formes (visuelles, géométriques, mathématiques, musicales, sensorielles…) organisables sur lesquelles il peut désormais agir. Que l’autre lui tende un objet cessible (le « chapeau » pour T. Grandin) ou que cet objet, il le prenne de lui-même (le coussinet » pour S.), c’est pareil, c’est la même horreur, l’horreur d’une prédation irréparable, sans échange ni don, et aussi bien mortelle parce que la perte dont dès lors il se soutient (« une moitié de sujet ») implique pour lui la disparition du sujet comme tel. Il n’est pas sujet à l’inconscient. Que nous avons, si nous tenons à nous y retrouver, intérêt à nous occuper des nœuds pour surmonter nos discords. Le nœud fautif de l’autisme que je propose, Michel Bousseyroux l’attribue à ce qu’il me semble à la mélancolie .