8 0ctobre 2008
J’ai donné à cette séance d’ouverture de ce séminaire dont l’intitulé est cette question : « qu’est-ce qu’une mère ? » le titre de « fallacieuses évidences ».
Avoir une mère, être une mère !
L’affaire semble aller de soi pour les humains, les « parlêtres » comme les nomme Lacan . Semblant trompeur car pour avoir une mère ou être une mère faut-il encore savoir répondre à la question : « qu’est- ce qu’une mère ? ». En effet sous le terme générique de mère se profile dans les dires et le vécu de chacun des réalités bien différentes comme en témoigne la clinique et les différents discours auxquels nous sommes confrontés dans le champ social ,qu’ils soient politique, éducatif, psychologique, sociologique, économique,écologique, féministe, médical, scientifique, capitaliste, religieux ou relevant des sciences occultes , philosophique ou romantique et bien sûr psychanalytique, j’ai dû en oublier mais je n’ai pas oublié le champ artistique que volontairement je mets en dernier le décalant ainsi de l’ ensemble des autres . Peut-on dans ce champ y inclure la poésie ? Elle a cette particularité par rapport aux autres arts de faire usage de mots sans pour autant être de l’ordre d’un discours. La poésie peut tout aussi bien s’inclure dans l’ensemble des discours des champs socialement constitués ou radicalement s’en exclure quand il s’agit de « la vraie poésie » celle qui cerne au plus prés la vérité .Elle est alors ce qui s’écrit quand il n’ y a plus rien à dire, quand ce qui se jouit ne peut pas se dire.
Chacun semble donc savoir peu ou prou dans le champ qui est le sien ce qu’est une mère, énonçant ce signifiant comme une évidence qui ne demande pas à être explicité en tant que tel. Se méfier des évidences c’est bien ce m’a appris la psychanalyse, la mienne en tout premier et celles des sujets que j’écoute dans cette position si particulière qu’est celle de l’analyste. L’ évidence met en jeu un savoir qui n’ a pas besoin de se démontrer , qui s’ impose comme une vérité allant de soi et dont tout le monde est sensé comprendre le sens qui est le même pour tous .Où savoir et vérité sont là confondus . Or les évidences s’avèrent finalement loin d’être évidentes pour tout un chacun sauf à ne pas vouloir le savoir. Les évidences ne sont-elles pas toujours de fausses vérités qui évitent d’aller voir ce qu’il en est de sa vérité pour un sujet ?
« Se laisser choir au recours à aucune évidence » dit Lacan dans Télévision. C’ est ce que j’ ai lu après avoir écrit cela , que j’ ai , sans doute possible , relu mais cela n’ avait pas retenu mon attention lors de mes premières lectures , comme quoi on ne lit vraiment que ce qu’ on est prêt à lire .
« Qu’est-ce qu’une mère ? ».
Dans le champ de la psychanalyse comme je l’écrivais dans l’argument pour présenter ce séminaire, comme dans le champ social dont sont issus les sujets qui viennent rencontrer un analyste, de la mère il est beaucoup question. Pour chaque sujet de celle qu’ il dit sienne , de celle de l’ autre qui l’ accompagne dans la vie , de celle qu’ elle est , de celle qu’ elle veut être ou ne pas être pour une femme , celle qu’il veut qu’ elle soit ou ne soit pas pour un homme .Mais vous l’ aurez sans doute repéré : si on parle de la mère c’ est pour la qualifier , pour dire ses attributs .
Elle est la femme interdite sinon la criminelle quand il s’ agit de celle d’ Oedipe .Elle est bonne ou mauvaise par son sein , le bon et le mauvais , chez Mélanie Klein , suffisamment bonne ou pas pour Winnicott , elle va et vient auprès de son enfant ou disparaît de son champ , chez Lacan à la suite de Freud quand elle n’ est pas le crocodile à la gueule ouverte ,dévorante en puissance si rien ne vient lui bloquer le clapet avant qu’il ne se referme .Inassouvie , insatisfaite , comblée , comblante .Elle est digne ou indigne de l’ être , admirable ou redoutable , phallique , castratrice , castrée , vampire ou vampirisée , elle est celle qui donne de l’ amour , trop ou pas assez voire pas du tout ,frustrante bien sûr ou meurtrière de sa progéniture quand Médée s’ en mêle ..On pourrait en écrire des pages sur tout ce qui peut qualifier la mère au travers de la littérature psychanalytique ou de la littérature tout court qui la décline de la Folcoche de Bazin à celle dont l’ amour est inoubliable d’ un Hugo . Des pages il y en a eu hier, il y en a aujourd’hui et il y en aura encore demain d’innombrables d’écrites .Mais quel que soit le qualificatif dont on l’affuble ce qui est remarquable c’est qu’elle est celle dont on est sûre .
Reprenant cet adage populaire, qui la première fois que je l’ ai entendu a eu une très nette tendance à m’ énerver, s’ affichant comme une dérobade de la part de celui qui le disait , adage qui dit donc « de la mère on est sûre mais pas du père » la clinique psychanalytique et sa théorisation décline donc une variété de figures de mère fondée sur ce : « la mère on en est sûre »,qui prend valeur d’ axiome .L’ axiome vous le savez sans doute est l’ évidence non démontrable ayant valeur de vérité ,dont le sens est sans ambiguïté , sur quoi se fonde une science , un système logique , comme deux quantités égales à une même troisième sont égales entre elles ou la distance la plus courte ente deux points est la ligne droite , pour n’ évoquer que ceux là dans le registre mathématique qui résonnent je pense encore dans vos souvenirs de potaches , de même que « Dieu n’ est pas trompeur »qui fonde la logique cartésienne en philosophie . Donc de la mère, on en est sûr. Mais première question de quoi en fait est -on sûr ? Il y a là un point de certitude qu’il conviendrait peut-être d’interroger.
Et deuxième question : « la » mère dont on est sûre est-ce « une » mère ? Est- ce la même ? Car nous y revoilà : qu’est-ce qu’ une mère ?
Je n’ ai pas de réponses toutes faites à cette question ou disons plutôt que j’ ai perdu celles qui me servaient de réponses toutes faites et il m’ est apparu ,d’ une façon qui a fait pour moi surprise, que cette question me restait sur les bras .Alors que les questions de la mère , de la femme sont quand même des questions que je travaille depuis fort longtemps ne voilà-t-il pas que surgit cette question « mais au fait qu’ est-ce qu’ une mère ? » . J’ai donc décidé d’ ouvrir cet espace pour la travailler avec vous telle qu’ elle a surgi dans ma pensée, me disant au cours de ces derniers mois : « Mon Dieu dans quelle galère je me suis embarquée ? » . Mère et galère ça rime. J’en connais beaucoup qui ne me démentiront pas. Donc « vogue la galère » !
Parmi les questions que je me suis posée il y a celle du bien fondé de ma question, de sa légitimité. Est- il légitime dans le champ de la psychanalyse aujourd’hui de se poser la question « qu’ est-ce qu’ une mère ? » .Quand on sait donc tous les écrits que dans ce champ la mère a produits, ma question en est-elle vraiment encore une ? N’y aurait-il pas quelque part une réponse à cette question ? Je dirai sans doute, peut-être mais ce n’est pas par ce biais là, celui où s’afficherait mon ignorance, que je prendrai la question.
En effet il y a deux questions , me semble-t-il , et les réponses que Lacan y a faites qui fondent la psychanalyse depuis que Freud l’ a inventée en découvrant l’ inconscient, elles fondent pourrait-on dire l’ existence de l’ inconscient .Car vous le savez sans doute si l’ inconscient n’ existe pas la psychanalyse est une pure et simple escroquerie, ce que les défenseurs actuels des fameuses TCC ,thérapies cognitivo-comportementales, qui ont le vent en poupe , s’armant de la science, ne se privent pas de dire .Ces TCC envahissent maintenant les institutions dites de soins tentant d’ éliminer le sujet et faisant de l’ humain une simple machine qu’il convient donc juste de reboulonner comme il faut pour qu’elle marche correctement .Ils sont quand même un peu gênés au entournures dans leur démonstration mais font preuve cependant d’ un sans-gêne que je trouve ahurissant . Je passe.
La première question donc est attribuée à Freud lui –même par Jones son ami et biographe. Il l’ aurait formulée à Marie-Bonaparte en analyse avec lui qui l’ a transmise à Jones .Au regard de l’ intégrité de Jones il est peu douteux que Marie Bonaparte lui ait retransmis ce dire attribué à Freud. Mais ce n’ est pas dans un écrit de Freud qu’ on la trouve.
Le dire de Freud serait le suivant « La grande question restée sans réponse et à laquelle moi-même n’ai jamais pu répondre malgré mes trente années d’étude de l’âme féminine est la suivante : « que veut la femme ? » » (Jones II, 445).
Qu’ elle soit vraie ou fausse cela a peu d’ importance .En supposant qu’ elle soit fausse , que Freud n’ ait jamais dit çà , elle n’ en aurait que plus de poids puisqu’ elle serait en fait la question de cette femme qui attribuerait à Freud sa propre impuissance à y répondre ;Ce qui venant de Marie-Bonaparte ne serait qu’ une petite surprise mais je ne peux pas là refaire la petite histoire qui se serait passée sans témoin dans le cabinet de Freud .Si Freud n’ a jamais dit ça, cela signerait le fait qu’ une femme ne peut pas répondre à cette question, toute femme qu’ elle soit . N’ en sommes nous pas toutes là sans le savoir, pas toutes aussi femme pour la plupart d’ entre nous ,que put l’ être la Marie Bonaparte de l’ histoire freudienne ? Pour les oreilles lacanniennement formées ou déformées le pas-tout de la femme ici va résonner, ce n’est pas du pur hasard bien sûr ! Quoiqu’il en soit c’est de cette question dont Lacan s’est saisi dés le début de son enseignement, la commentant avec l’éclairage des écrits de Freud .Il fit ensuite le sort que l’ on sait à la femme dans les années 70, alors que le féminisme battait son plein en Europe , en énonçant ce dire qui fit scandale en Italie auprès des féministes ,dire devenu quasiment une banalité dans le milieu psychanalytique d’ aujourd’hui qui dit « La femme n’ existe pas » . Pour y souscrire il faut prendre le temps d’en déployer la logique ce que je ferai car il est bien sûr impossible de parler mère sans parler femme. Ce n’ est pas un effet de style de ma part si pour le moment je m’ abstiens de mettre un « la » ou « une » devant les signifiants mère et femme.
Donc première question : Que veut la femme ?
La deuxième question est formulée par Lacan à partir de ses travaux sur la psychose à partir du cas de Freud que l’ on trouve dans les cinq psychanalyses, celle du président Scherber .
Elle est la suivante : Qu’est-ce un père ?
Sachant que la figure du père s’ impose d’ un bout à l’autre dans les écrits de Freud , que Lacan lecteur particulièrement attentif de Freud en ait extrait cette question cela n’ est pas surprenant bien que beaucoup d’ élèves de Freud ne l’ aient pas fait avant lui . Et c’ est bien à extraire de sa lecture des écrits de Freud ces deux questions, qui, ni l’ une ni l’ autre n’y figurent comme question ,que Lacan fonde la psychanalyse en tentant d’ y répondre dans un premier temps à la lumière des écrits de Freud puis en s’ en dégageant de plus en plus pour inventer ses propres réponses , rappelant toujours que c’ est de sa position d’ analysant et non d’ analyste qu’il enseigne .
Quant à Freud, et ce n’ est pas un reproche qu’ on peut lui faire, étant le créateur de la psychanalyse il ne peut pas avoir fait une analyse quoiqu’ on en dise ,il est dans ce registre l’ analyste et l’ enseignant qui fait exception .Et c’ est donc avec ce qu’il croit savoir, comme sujet non analysant qu’ il est, qu’ il analyse et pose les jalons de sa théorie . Je dis bien de Freud qu’ il croit savoir car n’ étant pas paranoïaque sa croyance est toujours teintée de doute, elle n’ est pas de l’ ordre de la certitude ,pas plus que son doute d’ ailleurs, il ne pose pas le doute comme ce qui serait la seule certitude , et il y a des choses qu’il ne remet jamais en cause ,mais il remet toujours en question ses propres avancées quand il rencontre dans la clinique quelque chose qui vient les contredire se laissant enseigner par ses analysants parfois à son corps défendant . Il croit savoir ce qu’ est la femme et ce qu’ elle veut, il croit savoir ce qu’ est un père et ce qu’il veut .
Le mot vouloir n’est peut-être pas toujours très bien venu ici, me semble –t-il , il est du moins à questionner mais j’ ai repris la formulation en usage dans la question attribuée à Freud à propos de la femme .Ne faudrait- il pas mieux dire désirer que vouloir qui n’ ont pas du tout le même poids ? Dans le vouloir il y a une connotation surmoïque qu’il n’ y a pas dans désirer .Le désir ne se commande pas, la volonté se commande. Essayer de désirer sur commande et c’est le flop assuré .Gardons pour l’ instant le terme générique de vouloir qui dans le langage courant se confond souvent avec désirer mais le moment venu il nous faudra sans aucun doute faire la différence entre vouloir et désirer . Vouloir et désirer un enfant est-ce pareil par exemple ?
On peut dire me semble-t-il , que quand on sait ce que quelqu’un est, on sait ce qu’il veut, c’est-à-dire ce dont il manque ou ne doit pas manquer pour jouir de ce qu’il est et réciproquement quand on sait ce dont quelqu’un manque ou ne doit pas manquer c’ est qu’ on sait ce qu’il est . Il suffit de lire un tant soit peu Freud pour se rendre compte, quoique lui ait fait dire Marie-Bonaparte ,qu’il a une petite idée bien à lui ,toute en nuances c’ est vrai ,de ce qu’ est la femme et de ce qu’ elle veut ,de même pour le père .
Dans « La question de l’analyse profane « »en 1927 ( folio essais page 75 )Freud écrit : « Un autre caractère de la sexualité infantile précoce est que l’ organe sexuel proprement féminin n’ y joue encore aucun rôle_ l’ enfant ne l’ a pas encore découvert .Tout l’ accent est mis sur le membre viril , tout l’ intéret porte sur lui , il s’ agit de savoir s’ il est là ou pas . De la vie sexuelle de la petite fille , nous en savons moins que de celle du garçon . Nous n’avons pas à avoir honte de cette différence ; la vie sexuelle (il semblerait que dans d’autre traduction cela donne la vie vaginale ?? )de la femme adulte est bien encore pour la psychologie un dark continent ( c’est là que l’ on trouve le fameux continent noir repris si souvent pour articuler la question du féminin , de la jouissance féminine ) .Mais , continue-t-il , nous avons reconnu que la petite fille ressent péniblement le manque d’ un organe sexuel équivalant à celui de l’ homme et que cette « envie du pénis » est à l’ origine de toute une série de réactions caractéristiques de la femme ».
Je me suis assurée auprés de Gabrielle Gimpel de la traduction voici la sienne à partir du texte allemand .
Sur la page 241 des GW , tome 14, je trouve ( Laienanalyse, IV) : « Un autre (trait de) caractère de la sexualité infantile précoce est que le membre sexuel féminin ( l’ appareil génital féminin ) proprement dit ne joue pas encore de rôle (pendant cette phase) – il (ce membre) n’est pas encore découvert pour l’enfant (l’enfant ne l’a pas encore découvert). Tout l’accent tombe (est mis) sur le membre (sexuel) masculin, tout l’intérêt se dirige sur lui, qu’il soit présent ou non. De la vie sexuelle de la petite fille, nous savons moins de choses que de celle du garçon. Nous n’avons pas à avoir honte de cette différence ; (puisque) la vie sexuelle de la femme adulte est (également) un dark continent pour la psychologie.
Donc ,de l’ aveu même de Freud ici, de la vie sexuelle de la femme on ne sait pas tout mais son « encore » laisse supposer qu’ un jour on saura .Le » encore « de la version française ne figure pas dans la version allemande , le Encore du séminaire de Lacan qui interroge la jouissance féminine et que j’ étais ravie d’ avoir retrouvé là ! On peut se demander au passage pourquoi ce pas tout savoir serait honteux et on peut ajouter comment pourrait-on tout savoir de la vie sexuelle de la femme puisque pour les femmes elles mêmes cela reste en grande partie un mystère mais c’ est un autre versant de la question .Mais disons que pour lui quand même ce que veut la femme c’ est un pénis étant entendu que c’ est ce qui lui manque .La femme est définie ici dans une version négative au regard de l’ homme .Et c’ est bien au regard de l’ avoir ou pas de cet organe pénien qu’ un enfant sera dit fille ou garçon et que ce dit n’ est pas sans conséquences .Mais soit dit en passant une majorité de femmes ne se reconnaît pas d’ emblée dans ce désir d’ un pénis que lui attribue Freud ,organe plutôt encombrant il faut le dire et désirer s’ encombrer réellement de çà n’ est quand même pas le rêve de beaucoup de femmes .C ‘est à peu prés ce que je me suis dit la première fois que j’ ai lu ce désir de pénis que Freud attribue aux femmes et pour être franche ce que je me suis dit en tout premier c’ est qu’il fallait bien être un homme pour penser des choses pareilles, infatué qu’est l’ homme de son organe , ce qui n’ est pas le cas de tous je vous rassure . Mais Lacan sans aucun doute meilleur lecteur de Freud que moi , mais c’ était un homme , (je ne sais si cela peut me servir d’ excuse ! ) rectifie un peu les choses ,ce que j’ appellerai alors « le pénis freudien »n’ est pas l’ organe mâle en tant que tel , le pénis ,mais un objet imaginaire ou symbolique nommé alors phallus qui est supposé donner un pouvoir imaginaire ou symbolique identique à celui des porteurs de l’ organe mâle en question. Là je pense que beaucoup de femmes peuvent se reconnaître et nous voilà réconciliées avec Freud , même si le tout de ce qu’ elles désirent ne s’ arrête pas là c’est bien le problème .
Pour le père du côté de Freud ce qu’il veut, du moins celui de sa horde primitive , c’est-à-dire le sien, c’est toutes les femmes, rien que çà et pour arriver à ses fins il castre donc ses fils . Lacan ne se prive pas de commenter qu’avec une femme un homme a déjà bien du mal à se dépatouiller, c’est un fait d’ expérience c’est le moins que l’ on puisse dire , comment le pauvre ferait-il avec toutes , si là aussi on fait une lecture au pied de la lettre . J’ ajouterai que pour ce père mythique, celui du névrosé dit Lacan , que ce vouloir toutes les femmes que lui attribue Freud signe donc que c’ est ce dont il manque ou ce dont il ne doit pas manquer , ce qui se dit moins sous cette forme là . Je ne développe pas plus pour le moment mais qu’il y ait un rapport entre le « toutes les femmes » du père freudien et la mère cela se profile à l’horizon, du moins dans le mien.
Retour donc à l’ envoyeur au sujet Freud par le sujet Lacan son lecteur de ces deux questions : Que veut la femme ? et Qu’ est-ce qu’ un père ? La première question : que veut la femme ? Induit donc la question : qu’est-ce que la femme ? Et la deuxième : qu’est-ce qu’un père ? Induit donc la question : que veut un père ?
Donc pour reprendre après ce détour sur le bien fondé de ma question « qu’est-ce qu’une mère ? » répondre à l’ une et à l’ autre des deux questions, qui en fait en font quatre ,qui fondent la psychanalyse au regard des réponses que Freud et Lacan y ont données est-ce pouvoir répondre à toutes les autres ? Si oui ma question n’est pas légitime, nous pourrions dire que c’est une fausse question. Dans la logique que je viens de développer, ma question en suppose aussi une autre : « que veut une mère ? » qui n’est pas sans évoquer le fameux « qué voi ? » qu’est-ce qu’elle veut ? qui parcourt le séminaire sur l’ angoisse en particulier. Mais même si c’est le cas , si ma question n’ est pas légitime , si j’ arrive à dégager d’ une façon articulée une réponse à ma question à partir des réponses proposées par Lacan aux deux autres j’ en serais assez satisfaite .Mais ce n’ est pas gagné d’ avance !
Quoiqu’il en soit il y a une solidarité, qui sans doute ne vous échappera pas, entre ma question « qu’est-ce qu’une mère ? » et ces deux autres questions « que veut la femme ? » et « qu’est-ce qu’ un père ? » . Ces deux questions signalons le dés maintenant ne situent pas au même niveau la femme et l’ homme qui y sont en jeu .Si pour la femme la question d’ être une mère ou pas se pose en lien direct avec le rapport sexuel , la question du père elle peut s’ en dégager radicalement .Alors elle est peut-être , cette question, celle qui permet de nouer les réponses aux deux autres, autrement que Freud l’a fait , nouage sur lequel Lacan donne de précieuses indications me semble-t-il à la fin de son enseignement mais qui sont déjà présentes dés le début de celui-ci . Il mêle alors Dieu à l’affaire .Dieu, il faut le dire ; y est mêlé depuis longtemps et n’ a pas fini de l’ être si la science ne lui tord pas définitivement le cou .Mais le Dieu avancé par Lacan vers la fin de son enseignement n’ est plus le même que celui du début de son enseignement repris à Freud sous les auspices de Dieu le Père issu de cet écrit de Freud qu’est « Malaise dans la civilisation »en particulier, on y reviendra bien sûr. Puisque je ne vous le cache pas ,même si je ne sais encore trop comment, c’est bien à en dire quelque chose que j’ aimerai arriver en interrogeant la subjectivité de notre temps qui est quand même une question qui me turlupine sacrément ,c’est le cas de le dire . Dieu le Père a, c’est le moins que l’on puisse dire , un petit coup dans l’ aile dans notre post modernité. (Marie-Jean Sauret vient de sortir un ouvrage « l’ effet révolutionnaire du symptôme » dont je vous recommande vivement la lecture .Elle remet en branle nos neurones qui ont de plus en plus tendances à s’ atrophier sous le joug de cette pensée unique dont le mot d’ ordre est de ne pas penser mais de se laisser abrutir .Dans cet ouvrage il remet en cause ce terme de post modernité, que par ailleurs il utilise, en proposant celui de seconde modernité « le terme dit-il laisse plus d’ espoir et est plus réaliste que celui de post-modernité page 59 ) Donc si Dieu le père bat de l’ aile est-ce pour autant dire que Dieu est maintenant hors d’ état de nuire ,oserais-je dire , ou au contraire n’ est-ce pas du côté du pire,qu’ il renaît de ses cendres ? La question « qu’est ce qu’ une mère ? » est, me semble t-il, tout à fait propice à se poser cette question. Vous voilà informés de mes intentions dont je ne sais si elles paveront mon enfer.
Le nouage de Freud, celui qu’il a fait de sa place de sujet, est le suivant : ce que veut une petite fille pour être une femme comme sa mère c’est un enfant du père, c’est un homme substitut du père qui le lui fera . Cet enfant lui servira sur un mode imaginaire du phallus qui lui manque comme il manque à sa mère .Voilà le nouage freudien.
Dans « La vie sexuelle » éd puf au chapitre 4 intitulé « contributions à la psychologie de la vie amoureuse Freud écrit Page 75 « L’ époux n’ est pour ainsi dire toujours qu’ un substitut ce n’ est jamais l’ homme véritable, c’ est un autre qui a marqué le premier la capacité amoureuse de la femme et dans les cas typiques cet autre c’ est le père , lui n’ est tout au plus que le second ».
La cérémonie du mariage , qui contre vents et marées a résisté aux tempêtes de la postmodernité et fait actuellement un retour en force avec souvent une variante qui est celle de l’ accompagnement des mariés par leur progéniture , cette cérémonie qu’ elle soit civile et aussi parfois religieuse , telle qu’ elle est encore aujourd’hui orchestrée dans la tradition que je connais , la chrétienne , met toujours en scène dans la plupart des cas une femme qui entre au bras de son père à la mairie et à l’ église, quand église il y a encore , et en sort au bras d’ un homme son dit alors mari . Doit-on y lire le don du père,de sa fille à une autre homme ce qui ne serait pas une lecture particulièrement réjouissante, Pierre Bruno n’ hésite pas à dire , quant à lui ,que : « le don d’ une femme par son père à un homme , est un viol » j’ y souscris (dans La Passe éd Presses universitaires du Mirail article L’ anticapitalisme féminin Page 234) ou doit-t-on y lire comme le fait Freud l’ inscription symbolique d’ une substitution, celle du mari au père ?Mais si cet homme , le marié pour le nommer tel , était l’ homme véritable qu’ en serait-il alors de « l’ hommitude » du père , si vous me permettez ce néologisme , peut-on demander à Freud . ? Le marié quant à lui , du moins dans la dite tradition n’ entre pas au bras de sa mère , il attend seul l’ entrée de la mariée qui au pied de l’ autel ,qui devant la table que préside le maire . ( On m’ a dit aprés que ce n’ était pas toujours le cas ) Tirez en les conclusions que vous voulez ! Comme celle par exemple que la mère n’ est pour un homme substituable par aucune femme mais il y a aussi celle proposée par Pierre Bruno dans l’ article cité, celle du prélèvement d’ un homme par une femme « de la horde masculine » qui le castre du groupe .Peut-on alors demander à Pierre Bruno si de cette position il ne s’ incarne pas alors comme le seul vrai homme ? Je n’ irai pas plus loin sur cette question pour laquelle Pierre Bruno comme Marie-Jean Sauret ,dans l’ ouvrage cité ,donnent des ouvertures de lectures particulièrement remarquables pas tout à fait freudiennes il faut le dire .
Quoiqu’il en soit l’ ordonnancement freudien est de plus en plus perturbé puisque l’ enfant que la femme aura alors de l’ époux substitut du père elle l’ a souvent avant que la substitution époux- père se soit faite si ce n’est imaginairement ou symboliquement du moins officiellement. Cet enfant lui servira donc sur un mode imaginaire du phallus qui lui manque comme il manque à sa mère. Vous aurez sans doute repéré que dans sa deuxième partie ma formulation est lacanienne .Il est aujourd’hui impossible, du moins pour moi et pour la classe analytique en général quoiqu’elle en dise parfois, de rendre compte des dires de Freud sans les assaisonner avec des signifiants lacaniens qui en révèlent toute la saveur et les éclairent .En témoigne l’ histoire du « pénis freudien » évoqué tout à l’ heure .
Lacan vous le savez sans doute a introduit trois registres, pour rendre compte de la réalité psychique de l’humain, de « la réalité humaine » comme il le dit dés 1953 dans son séminaire sur l’homme aux loups, qui sont le Réel , l’ Imaginaire et le Symbolique . Et c’ est le nouage réussi ou raté ou rafistolé de ces trois registres qui constitue ce avec quoi un sujet parlant fait face à son monde ou ne peut pas y faire face s’il ne trouve pas le moyen de rafistoler le ratage du nouage de ces trois registres comme c’ est le cas parfois dans la psychose.
L’enfant qui phallicise la femme qu’est sa mère c’est sur un mode imaginaire qu’il le fait qu’ il soit fille ou garçon et c’ est à y échouer par la faute du père que se développe le champ de la névrose ; dans le champ de la psychose ,c’ est une histoire un peu plus complexe . Mais reconnaissons que ce n’ est pas faux, loin s’ en faut , mais c’ est bien loin de recouvrir ce champ si énigmatique du désir féminin et en particulier celui du désir d’ enfant , disons le comme tout le monde , le désir d’ être mère si prégnant aussi bien par sa présence que par son absence chez les femmes .Une femme qui choisit de ne pas avoir d’ enfant se met toujours dans l’ obligation de devoir le justifier , ce qu’elle n’ a pas à faire dans le cas contraire car cela s’ inscrit dans le registre de la fameuse évidence. Mais à interroger l’évidence cela se complique. Pourquoi cela serait-il évident qu’ une femme désire être mère et que sa relation amoureuse à un homme en soit imprégnée, contaminée dit Lacan ? Ce désir n’est pas sans inquiéter les hommes ; il est paradoxalement plus aigu qu’il ne le fut jamais, à une époque où la contraception permet un dit contrôle des naissances. Dans ce registre il est impossible, ils le savent, de faire entièrement confiance à une femme, de réellement la contrôler sinon du côté de la débandade, si m’autorisez ce terme. .Bien que maintenant la techno-science vole à leur secours puisqu’ il existe les fameux implants qui pendant 6 mois rendent une femme stérile .Mais à l’ envers comment peuvent-ils alors les pauvres hommes justifier ,à celles qui les attendent au virage ,leur débandade ?. Je parle des couples constitués supposés fidèles et sains, comme on dit aujourd’hui, car est-il besoin de venir rappeler ici ,dans un contexte de dite libération sexuelle ,ce fléau qu’ est le sida qui plane maintenant comme menace sur toute relation sexuelle bien avant celle de la potentialité d’ un enfant et qui n’ est pas sans modifier le réel et l’ imaginaire de notre temps dans son lien avec la sexualité . J’ ajouterai pour conclure cette aparté qu’ être un vrai homme à plein temps c’ est ce à quoi la techno-science condamnerait les hommes si le désir d’ être mère ne venait pas encore agiter les femmes. Messieurs vous pouvez ,quoique vous en pensiez ,leur dire merci , cela vous donne un espace temps pour vous reposer de votre hommitude même si ce repos passe par d’ autres nuits blanches quand vous serez mis alors mis en place d’être père .
Donc voilà rapidement ébauché le nouage de Freud, l’ enfant comme phallus imaginaire qui manque à la femme qu’elle a d’ un substitut du père . Et on pourrait alors répondre à la question « qu’ est-ce qu’ une mère ? » à la lumière de Freud par : une mère c’ est la femme qui est phallicisée par l’ enfant qu’ elle a d’ un substitut du père . Ce qui est un peu court quand même car cela élimine de cette position nombre de femmes qui cependant ont des enfants et prive de mère nombre de sujets, ceux qui justement en pâtissent le plus d’ en avoir une , je nommerai au risque de vous surprendre les névrosés et les psychotiques , les pervers s’ en débrouillant pas si mal de la une qu’ils ont . Quant aux autistes je laisse pour l’ instant la question ouverte. Mais même si à l’heure actuelle les vrais autistes, pas les autistes américains si vous m’autorisez cette formule rapide , sont très peu nombreux, que l’ on s’ intéresse tant à eux n’ est-ce pas pour voiler, ce que l’ on préfère ignorer ,la menace qui plane sur notre humanité au détour des progrès de la science ? Car comme vous le savez mettre en pleine lumière quelque chose c’ est le meilleurs moyen de le cacher .J’ y reviendrai donc.
Rendre compte des dires de Lacan comme je viens de le faire en quelques phrases pour Freud éclairé par l’ enseignement de Lacan je ne m’y aventurerai pas tout de go. Mais c’est de sa lecture et des travaux de mes collègues qui l’ ont éclairée que m’est venue en ébauche la réponse que je me suis formulée, confrontée à cette question, « mais finalement qu’ est ce qu’ une mère ? » . Ma première ébauche de réponse quasi spontanée fut la suivante : une mère est la femme qui en nous donnant la vie nous donne aussi la mort .J’aimais bien le « nous »qui figurait dans cette formulation particulièrement lapidaire qui venait en écho pour moi du « nous »qui est la chute de la préface de « l’ éveil du printemps » de Frank Wedekind faite par Lacan . Mais ce qui fait écho pour moi ne le fait sans doute pas pour d’autres et je l’ ai un peu étoffée . Cela donne donc la formulation suivante pour laquelle j’ ai autant que faire se peut soigneusement choisi les termes :
Une mère pour un sujet humain est la femme qui en lui donnant la vie lui donne aussi la mort .Elle est à l’ origine des passions de son être que sont l’ amour , la haine et l’ ignorance c’ est à dire ce dont il jouit. Et j’ ajouterai une quatrième passion de l’ être qui ne figure pas comme telle chez Lacan la passion de la science
Ce qui donne donc :
Une mère pour un sujet humain est la femme qui en lui donnant la vie lui donne aussi la mort .Elle est à l’ origine des passions de son être que sont l’ amour , la haine , l’ ignorance et la science , c’ est à dire ce dont il jouit.
Après çà il me reste deux solutions la première est celle de la satisfaction de la belle formule et je n’ ai plus qu’ à aller me coucher et dormir sur mes deux oreilles, la deuxième est de l’ interroger pour voir si elle tient la route, là je risque de moins bien dormir. La psychanalyse réveille donc nous l’interrogerons.
