Quelques mots sur deux livres d’Henri Rey-Flaud

18 décembre 2010
La découverte du savoir psychanalytique à l’épreuve de l’autisme .La preuve par la clinique psychanalytique

Quelques mots sur deux livres d’Henri Rey-Flaud :

L’enfant qui s’est arrêté au seuil du langage. (Paris, Aubier, 2008) et

Les enfants de l’indicible peur. (Paris, Aubier, 2010 )

J’ai déjà dit que la lecture de L’enfant qui s’est arrêté au seuil du langage, avait été un éblouissement pour moi, et avait enrichi mon abord de das Ding et partant de la création artistique. Rey-Flaud s’appuie d’ailleurs sur des écrivains, sur des peintres, qui viennent témoigner de ces expériences de tenter d’aller au-delà des mots pour rejoindre « un monde d’enfance », comme le dirait Y. Bonnefoy, dans lequel l’usage du concept n’a pas encore fait l’homme veuf du réel. Temps mythique, y compris pour les autistes, mais que pourtant, eux, effleurent.

H. Rey-Flaud se réfère aussi, pour asseoir ses hypothèses, aux autobiographies d’autistes « de haut niveaux », telles que Temple Grandin et Donna Williams, pour ne citer que ces deux auteurs, car largement commentés par l’auteur. Pour moi l’apport de Rey-Flaud sur ce que l’on doit perdre pour pouvoir vivre d’humaine façon, vaut avant toute ouverture de débat et retour critique sur tel ou tel aspect difficultueux de sa théorisation. Ceci car la pensée de cet auteur est en mouvement et n’élude pas le fait de s’expliquer avec le réel de la clinique. J’ai lu Henri Rey-Flaud au plus proche de son texte, je l’ai suivi idée par idée, ce qui fait que je reprends son style et ses mots, et c’est plus à une extraction de ce qui me paraît essentiel de ses livres qu’à une critique de ses idées que je vous convie.

C’est une lecture de la clinique fortement articulée au concept de « représentation » qui va guider Rey-Flaud dans son abord de l’autisme. La représentation, qui est toujours de l’ordre du langage, est ce qui arrache le sujet à un monde de jouissance où nul instinct ne vient guider l’humain. La représentation s’appuie sur la perte de la jouissance de l’objet, et cette perte, amenant le processus de pensée, est la seule façon de s’humaniser. Nous verrons que la fonction de « représentation » peut-être remplie par autre chose que des mots, des objets par exemple, et que sans doute l’indication freudienne que les « représentations de choses » sont premières et sont remplacées par des « représentations de mots » prend une efficace qui avait été quelque peu gommé.

Il s’agit de tenir le principe énoncé Lacan, comme quoi tout humain est langagier. Et Rey-Flaud nous montre assez magistralement que l’autiste a agréé au langage, mais démentirait du même mouvement cet acquiescement primordial, ce qui fait que la façon dont il use du langage est particulière. Partant pour Rey-Flaud le symbolique vient à la rescousse de la perte de l’objet et c’est avec cette perte de la jouissance toute, que se débat l’autiste, à sa façon. Cette façon si particulière d’y faire d’emblée avec le langage – comme subsumant une perte -, n’est ni celle du névrosé, ni celle du pervers (encore que, nous verrons qu’existe une certaine analogie entre la perversion et l’autisme), ni celle du psychotique. Les différences entre autisme et psychose soulèvent bien des questions dans notre séminaire, que nous aurons à déplier dans l’année.

J’ajouterai que la question du jugement d’attribution dont Jean-Marc Canto a parlé lors du dernier séminaire, ou plutôt de sa mise en place problématique dans l’autisme, est aussi déterminante dans l’abord que fait Rey-Flaud de cette position subjective.

Pour Rey-Flaud l’autisme se distingue de la psychose infantile et se situe encore moins du côté de l’arriération mentale ou du plus moderne déficit cognitif (31). L’autisme est le fait de sujets, « arrêtés sur le seuil du langage, au stade de l’inscription des premiers marquages sensitifs qui s’effectuent aux temps primordiaux de la vie ». Les marquages sensitifs constituent le premier stade scriptural (d’écriture) de l’humain, apparaissant dans un mode d’organisation de l’appareil psychique antérieur et préparatoire à celui où se constituent les éléments perceptifs (images) identifiés par Freud. Ce mode primitif de fonctionnement, les kleiniens l’avaient reconnu, mais n’avaient pas déterminé la nature langagière de ce « socle archaïque de la psyché » (32), ce qui fait qu’ils restaient dans un registre imaginaire qui ressemblait bien à celui de la guerre des étoile : un space opera comme l’a souligné avec bonheur un auteur.

Les autistes sont des sujets qui résistent au danger suscité par leurs propres affects (43). Ils sont aussi bien menacés par le désir de l’Autre. Ce désir béant et inconnu est menaçant car il risque d’activer, comme en témoigne Donna Williams, un manque qui sera vécu comme un trou insondable prêt à l’engloutir : l’angoisse autistique est une peur d’être anéanti. Ces réactions de retrait par rapport à l’Autre pour ne pas disparaître, relève que ces sujets traduisent de façon exacerbée « la position fondamentale du sujet humain, habité par la nostalgie de l’être » (43). Ce point est fondamental, tant il est vrai que ce terme si ambigu « d’être » relève à la fois d’une non séparation d’avec le monde et d’une non rencontre avec ce qui vient déstabiliser un état homéostatique : dans ce cadre là « être » est plutôt être à peine. C’est cela, cette « être homéostatique », exempté des turbulences de la vie, qui serait la nostalgie autistique.

1- Le langage est au principe du devenir de l’homme (L’enfant qui s’est arrêté au seuil du langage. 46)

En 1896, dans la lettre 52 à Fliess, Freud parle de quelque chose de neuf dans sa théorie qui est « l’idée que la mémoire est présente non pas une seule mais plusieurs fois et qu’elle se compose de diverses sortes de ‘signes ‘… J’ignore le nom de ces enregistrements. Ils sont au moins trois et probablement davantage » (Naissance….., 154).

En 1915 dans l’article intitulé « L’inconscient » qui se trouve dans Métapsychologie, Freud pose que le devenir psychique – conjoint à la mise en place de la réalité chez l’humain – est le produit d’un procès, accompli dans l’enfance en plusieurs temps successifs, ce procès arrachant le sujet à la gangue de l’être dans laquelle il était au départ enkysté. Freud parle en 1915 d’une « engrammation primitive du réel ». Il ne développera pas ce qu’il en est de cette première « trace » psychique, mais il décrira ce qui se passe par la suite dans la psyché, soit une série de transcriptions opérées selon plusieurs registres d’écriture qui se déposeront à partir donc de cette mystérieuse engrammation première. Ces types d’écriture, d’inscription, dans l’appareil psychique sont : les « images souvenirs » remplacées bientôt par une autre type d’écriture : les « traces de souvenir », puis par les « représentations d’objet », et enfin par les mots. « … le passage d’un registre scriptural à l’autre s’effectue par une traduction qui se révèle, à chaque étape, impuissante à accomplir un transfert de sens intégral du registre inférieur au registre supérieur » (46-47). Il y a donc une perte à chaque étape ce qui montre que nous ne sommes pas des machines informatiques, mais des humains frappés par l’oubli.

A chaque registre scriptural (1, 2, 3), correspond un espace psychique particulier, déterminant un mode de réalité propre et, de façon complémentaire, un stade inédit du moi, de plus en plus élaboré (47).

0 1 2 3 _________________________________________________________

engrammations —— images ——– traces ——— représentations

primitives ——– de souvenirs —– de souvenirs ——- d’objet

En 1915, dans « L’inconscient », Freud ne tient pas compte des engrammations primitives (niveau 0), pas plus qu’il n’a développé ce point dans les anciennes lettres où ces engrammations furent évoquées de façon allusive.

Mais pour continuer son raisonnement, Rey-Flaud extrait de la lettre du 10 mars 1898 à Fliess, une référence faite à l’inscription de certains éléments traumatiques advenus à des moments « extraordinairement reculés de la vie » Plus tard, Freud précisera cette idée avec la scène primitive de L’homme aux loups : à 18 mois, et peut-être même à l’âge de 6 mois, ce patient intégra dans sa mémoire le coït parental grâce à l’impression d’empreintes au stade originel des sensations. Ce qui permet à Rey-Flaud de compléter le schéma :

1 2 3 4 _________________________________________________________

engrammations —– images —— traces ——– représentations

primitives ——- de souvenirs — de souvenirs —– d’objet

sensations ——– perceptions —– inconscient —– réalité psychique

empreintes —— images —–traces signifiantes—- représentations

conscientes de l’objet

Les quatre temps fondateurs du sujet du langage sont constitués de quatre registres d’écriture qui enregistrent les évènements vécus par le sujet, nous en retrouvons les termes freudiens sur la 1ère ligne et Rey-Flaud les renomme (3ème ligne) : les « empreintes » imprimées au stade originel des sensations, les « images » enregistrées au stade des perceptions (Freud les appelait « signes de perceptions » dans « L’esquisse… » ), les « traces » signifiantes, constitutives de l’inconscient, et enfin, les représentations conscientes de l’objet, support de la réalité ordinaire, l’ensemble formant le « système de souvenirs des signes du langage », ainsi que Freud le note dans L’interprétation des rêves (48). Nous le voyons, l’appareil psychique freudien est un appareil de langage.

Le registre des « empreintes » est celui où se meuvent les sujets de l’autisme infantile précoce (type Kanner), le registre des « images » est celui où habitent les autistes de « haut niveau » (de type Asperger).

2) L’espace sensitif primitif des empreintes (L’enfant qui s’est arrêté au seuil du langage. (49))

Ce registre scriptural enregistre dans le désordre les sensations internes et externes qui s’abattent en mitraille sur le sujet. Espace de déferlement kaléidoscopique des sensations, décrit par Michaux comme « un immense ensemble/Inondé de vibrations » susceptibles de se transmuer en « une inexplicable mer » dans laquelle le sujet devient « mer lui-même, autant que dans la mer, ou traversé de mer », frappé par un « séisme continuel de brisures, de morcellement, d’émiettements, de déchiquetage » (Moments. Traversées du temps (108) et Connaissances par les gouffres (187-188)). T. Grandin, écrit des choses semblables sur les sensations qui la traversent (Ma vie d’autiste, 70, 128), reliquats persistants de l’espace chaotiques de son enfance dont elle a gardé le souvenir (T.G.42, 165, 187) (HRF 50). Tous les sens se mélangent et assaillent le sujet. Le progrès décisif de T. Grandin fut de passer du 1er au 2ème registre d’inscription, là où elle reste bloquée comme autiste « de haut niveau » (50). Les empreintes constituent une mémoire sensitive, donc enregistrent des événements de corps. Le langage courant ne peut les reprendre, aussi cette mémoire des empreintes est-elle refoulée à jamais par les autres registres d’écriture.

Le monde des empreintes est un monde chaotique, constitué « de sensations brutes sans liaison les unes avec les autres, dans lequel ils (les sujets) sont soumis à des sensations anarchiques et terrifiantes de jouissance » (139). Ceci est dû à la carence de l’Autre qui n’a donné à l’enfant aucune adresse, si bien qu’aucune distinction moi/non-moi, corps propre corps du monde ne sont possibles, ce qui fait qu’il n’y a aucune émergence d’identité (soit du moi = imaginaire).

Au stade premier des sensations, Tustin avançait que l’enfant connaît une perte, celle du « bouquet de sensations » qui serait l’objet de la jouissance pure, et l’enfant a l’impression d’avoir un trou là où se trouvait la sensation, car il n’y a pas de représentation de ce qui a été perdu. Cette brèche, il va tenter de la colmater, avec un objet dont va dépendre maintenant l’intégrité de son être au monde (pour Tustin, langue dans la bouche, foecès dans l’anus, nourriture dans l’estomac ou objet autistique tenu dans la main) (148). L’autiste atteste donc d’une perte et aussi d’une tentative de rabouter la perte par un morceau de corps. Nous verrons que pour R-F, cette stratégie a comme ressort le démenti.

En termes freudiens, avance HRF (149), le sujet du langage émerge hors du réel. Dans la plénitude de l’être, ce sujet est amputé d’une part essentielle de lui-même à la suite d’une « expulsion hors de moi » du déplaisir (Unlust), déplaisir venu de la brisure de l’homéostasie effectuée, je dirais, par le fait qu’un corps ça vit et que ça a des besoins. Si le sein peut apaiser momentanément la tension ressentie du fait de la faim, il ne saurait apaiser la source même de la faim, laquelle va créer, du fait de sa survenue répétitive au cœur du sujet, un déplaisir irréductible ressenti comme un noyau inassimilable et hostile, enkysté dans l’être : un reste étranger. « Reste », parce que l’expérience de satisfaction n’a pas réussi à éradiquer tout le mauvais, « étranger » parce que le sujet ne reconnaît pas comme sien ce foyer douloureux en lui-même. Ceci est écrit par Freud en 1915, dans « Pulsions et destins des pulsions » (Métapsychologie) et dans « La négation » (Résultats, idées, problèmes II). Dans ce dernier texte, en 1925, cette opération du jugement d’attribution est décrite comme une incorporation du bon et une expulsion du mauvais. En réponse aux excitations internes et externes venant rompre l’état d’indifférenciation primordial, l’enfant va s’efforcer d’expulser le mauvais tout en conservant une « contremarque » (HRF emploie sans doute ce terme pour ne pas dire « trace » qui a un sens particulier dans le texte freudien) de ce qu’il a rejeté : il échange du « mauvais réel » contre du « bon représentatif ». La Bejahung, soit l’acquiescement au signifiant (qui va être introjecté, incorporé), est aussi ce qui fait limite à l’expulsion première (Ausstossung) : il n’est pas possible d’expulser tout le mauvais pour garder tout le bon pour revenir à l’état indifférencié primaire. La Bejahung fait limite parce qu’elle rend, par l’entrée dans le langage, tout retour impossible, ou dit autrement, une fois que le langage est là, l’indifférencié est mort. Sans cette limite, le nouage dialectique entre le bon et le mauvais s’abolirait, éradiquant le sujet ou le pétrifiant dans son être (153).

Dans ce cadre là, la Verwerfung (le rejet) amenant à la psychose, se présente comme une forclusion des premiers signes appelés dans la « normalité » comme contremarques du « mauvais », c’est cela que Freud identifie en 1925, dans « La négation » comme étant le négativisme. Ce dernier terme est défini comme une négation non dialectisée par une affirmation, ce qui entraîne le déchaînement de la pulsion de mort, dénouée de la pulsion de vie (154). La psychose se différencie peut-être là de l’autisme pour H.R-F., mais je laisse ceci en suspend.

Ce jugement d’attribution se constitue selon deux temps logiques : 1) le temps de la séparation entre le bon incorporé et le mauvais expulsé et 2) une réunion entre bon et mauvais venu du constat qu’il n’est pas possible d’incorporer tout le bon et de rejeter tout le mauvais (159). Dans le psychisme non autistique, pas de « bon » sans son nouage au « mauvais ». Rey-Flaud dit, contrairement à Hyppolite (lors de son intervention au séminaire I le 10/02/1954), que l’expulsion vient avant l’incorporation : le nouveau-né expulse le liquide de ses poumons pour incorporer l’air qui le fera vivre (151) – il ne semble pas que cette assertion soit métaphorique- ; pas de oui sans non. L’autiste semble avoir fait la partition entre bon et mauvais, mais ceci n’a pas été consolidé par l’opération de la réunion (qui dit « pas de bon sans mauvais »), le processus ne se boucle pas, la carence de l’opération de la réunion risquant d’invalider le jugement d’attribution de façon rétroactive (152). Cliniquement, l’ingestion de la terre, du plastique, les mégots de cigarettes vient dire cette non différenciation, voire ce mauvais qui a dévoré tout le bon, comme le dit Tustin pour expliquer la peur de l’anéantissement dont témoignent nombre de sujets (152). En tout cas, la rupture de l’homéostasie vient interpréter de façon rétroactive l’état l’antécédent comme « bon ». C’est donc à une tentative de restaurer le bon que se livrera l’enfant (179). Et dans ce cadre-là, l’Autre – la faim, le froid apparaissant de nouveau – est vécu comme impuissant à recouvrir ce point d’insatisfaction irréductible : la mère ne donne pas à l’enfant la contrepartie représentative toute bonne de ce mauvais. Sur la perte consommée de ce « tout bon », l’enfant ne reçoit qu’un « suffisamment bon », comme le dit Winnicott, c’est-à-dire qui laisse en lui un reste de « mauvais » (nécessaire) (159). Le rot dont la mère demande l’expulsion après la tétée, est la métaphore de ce qu’elle est impuissante à donner le « tout-bon » à l’enfant : toujours du mauvais persiste dans le bon (160).

A noter une chose fondamentale, c’est que le bon n’existe pas en tant que tel dans l’expérience humaine, le plaisir n’est que retour à l’homéostasie, il n’est que suspension du déplaisir (170). Il n’apparaît que comme tentative, toujours insatisfaite, de rétablir l’indifférence perdue : le jugement d’attribution ne concerne peut-être et en fait que l’expulsion du mauvais, car si rien, aucun réel –surgissant parce qu’un corps ça vit – ne venait troubler l’enfant, ce dernier n’aurait aucune raison de chercher à incorporer un « bon » dont il n’a aucune idée. « … le bon, c’est ce qui vient donner un instant l’illusion qu’on a réussi à triompher du mauvais avant de faire à ses dépens l’expérience que celui-ci, irréductible, fait toujours invariablement retour » (170-171). Cette expulsion du mauvais et cette incorporation du bon est la première opération de langage enregistrée par Freud, qui n’a pour objet que de se débarrasser de ce qui vient grever dans le corps l’état homéostatique initial. Le réel du fonctionnement du vivant amène autant de sensations qui viennent faire effraction dans l’indifférence originelle ( et Jean-Marc Canto nous a parlé la dernière fois du sentiment océanique). Tout sujet conserve une contremarque (une trace) de ce mauvais expulsé, une représentation inversée, éprouvée un temps comme bonne « jusqu’à ce que la résurgence du mauvais irréductible ne vienne relativiser ce sentiment ».

Mais et aussi, le passage de la perte de l’objet a à la représentation (la représentation étant la contremarque, la trace, de l’objet perdu) ne se fait pas entièrement : il n’y a pas de substitution intégrale de l’objet réel par le langage (154), il y a un interstice, une perte, un vide entre l’objet perdu et le signifiant. Il y aura toujours un point d’insatisfaction (un « ce n’est jamais cela ») que le langage ne pourra suturer (155). L’humain ne se constitue pas sur un fond primitif de sens révélé par l’Autre, mais à partir d’un noyau de non sens, réfractaire au discours, qui vient fonder le mouvement de constitution de la subjectivité (155). Ce non recouvrement persistant entre l’être (l’objet) et le sens (la représentation) créé chez le sujet un coeur de non-moi irréductible qui sera un reste hostile et étranger (trou noir de Tustin, creusé par la disparition du bouquet primitif, soit en terme lacanien l’objet a comme lieu d’une pure jouissance).

Les autistes refusent l’impuissance structurale du langage à représenter entièrement le bon, ceci va être vécu comme un défaut réel, une béance ouverte dans l’univers (157).

A l’ordinaire, tout enfant commence par halluciner cet objet parfait, idéal perdu, l’hallucination ayant la fonction de restituer intégralement l’objet perdu, mais c’est un échec, car l’hallucination n’apaise pas le malaise réel ; le mauvais est irréductible, ce qui est nécessaire pour ouvrir l’enfant à la réalité (160). Comme il ne peut pas faire passer tout le mauvais dehors, l’enfant va le faire passer dans un dehors interne, « dehors », car ce mauvais va lui demeurer étranger : c’est ce qui constitue la matrice non représentative de l’inconscient et ce passage est assuré par « la matrice du refoulement originaire ». Le langage, tel qu’il fonctionnera dans la névrose, est posé au principe du refoulement. La première effectuation de cette substitution de la perte par le langage est l’objet transitionnel qui vient témoigner de l’entrée de l’enfant dans le registre des représentations, ayant donc pour fonction de suppléer à la perte de l’objet. Nous avons là un processus substitutif à trois temps concernant l’objet (161) :

Objet idéal perdu — Objet halluciné — Objet transitionnel

« Le langage est la première expression de l’appel désespéré que l’homme adresse à l’Autre en tant que tel au moment de l’effraction primordiale pour donner du sens au moment de l’effraction meurtrière du réel. La surprise est ici que l’impuissance de l’Autre à restituer à l’intéressé la part d’être perdu (le bouquet, l’objet idéal c’est-à-dire tout satisfaisant, de la jouissance toute), va constituer la condition paradoxale de la vie » (161). L’objet transitionnel de 1ère génération (bout de drap) vient à la place du mauvais : cet objet n’a pas pour fonction de rétablir la présence de l’objet, mais est là pour apaiser – par du suffisamment bon – les excitations internes déplaisantes suscitées par la disparition de l’objet sensuel (le bouquet de sensations ou objet a). Le langage vient à la place du bon-perdu sur fond de souvenir du tout-bon. « C’est donc sur fond d’une première insatisfaction qui n’a jamais eu lieu que l’enfant s’endort satisfait de l’insatisfaction. L’objet transitionnel ne remplace donc pas le sein, il métabolise la perte du sein qu’il rend supportable. Ce qui pose le principe général que le signe ne remplace pas l’objet (ce qui établirait un monde analogique figé), mais vient à la place de l’absence de l’objet (ce qui définit le monde comme négativité et représentation » (162). Au nom de ce principe, le sujet est condamné, à chaque temps de son discours, de faire l’expérience d’une perte à chaque fois renouvelée, si bien que la retrouvaille de l’objet, au principe du processus pulsionnel, s’effectuera toujours sur fond d’un savoir inconscient qui assume la perte toujours maintenue. Le refoulement qui assure la charge de l’opération de substitution conservera toujours, à chaque pulsation de la pulsion, sous la barre dont il frappe la jouissance, le souvenir de l’objet primordial impossible à « traduire », c’est-à-dire à représenter.

Le refoulement est un principe de langage. Tout humain s’avançant dans la vie dit « non à la perte sur un fond de oui qu’il lui concède : le oui concédé reste noué dans l’instant où il est prononcé, au non qui maintient la présence de l’objet perdu » (163). Jamais nous ne retrouverons la Chose première, y compris dans le mirage de l’amour. Mais le névrosé pariera sur le semblant et sur le fait que le langage a arraché un peu de bon au mauvais et pourra ainsi jouir un peu de la vie , il pariera en fait que le langage ait assez négativisé le mauvais (164).

Cette perte primitive l’enfant autiste l’a accomplie à l’instar du névrosé, mais leurs chemins vont là se séparer (156). Dans la névrose, le noyau de déplaisir (la Chose), va être l’objet du refoulement primordial (la Bejahung, premier oui, est un meurtre de la Chose), cet oubli est sans retour et constitué le fond originaire perdu de la subjectivité (156). Dans l’autisme, ce fond-là, refoulé donc dans la névrose, est présent sur la scène de la conscience, comme une menace terrifiante pour le sujet : le trou noir où sans cesse il manque de s’anéantir, avatar du « merveilleux bouton rouge du bouquet sensitif » disparu (cf 154, dont on peut douter qu’il n’est jamais l’existé, si ce n’est une seule fois et une seule).

L’autiste fait le premier pas constitutif de l’entrée dans le langage : il conserve une trace du vécu sensitif originaire (objet perdu), il y a une contremarque de cette perte par un signe, mais une fois ce pas accompli, il s’arrête là, tandis que l’enfant névrosé poursuivra par une traduction de ce signe par un autre signe (164). Le langage s’accomplit effectivement au travers la traduction d’un signe par un autre signe, et il ne se réduit pas au simple contremarquage du défaut d’un objet. D’où une distinction à opérer entre d’une part la substitution élémentaire produite par l’autiste avec son objet, et la métaphore (un signe pour un autre signe) qui est au fondement du symbolique. L’entrée dans le langage se déroule quand l’objet transitionnel (incarnation du signe du registre des images) vient remplacer les productions du premier registre. L’entrée dans le langage est assurée quand les premiers signes représentatifs (les images) viennent remplacer les empreintes, contremarques des sensations primitives (165). « En inscrivant la perte redoublée de l’objet primordial, cette représentation du langage par lui-même affecte ainsi d’une double négativité la naissance du symbolique » (165).

Ce procès biphasé nous dit que la mise en place de la réalité, sous sa forme la plus élémentaire réalisée par l’objet transitionnel, est le produit du refoulement qui a la charge de traduire un registre d’écriture (celui des empreintes) dans un autre (celui des images). Ce qui amène un paradoxe : la perte consentie par le moi – agent de l’opération qui dit oui à la perte – est dans le même temps récusé par le sujet de l’inconscient qui non à la perte : ces deux réponses nouées constituant le principe du « pas-sans », et constituant le principe de la vie psychique. Nouage oui/non qui arrime moi et sujet de l’inconscient, et qui a pour effet de relancer la chaîne signifiante pour un tour : le sujet en redemande, et l’enfant se trouve engagé sur la voie du désir. C’est une réponse d’une autre nature que l’autiste va donner à la perte originelle qui lui est infligée par le réel lui-même (165).

Tustin avance que le trou noir a son origine dans le fait qu’au moment de la séparation, l’enfant a « nié la mère », soit a récusé le premier représentant de l’Autre du langage, qui a sa charge d’introduire l’enfant à la puissance représentative, au symbolique (166-167), par ce que Bion nomme sa « rêverie ». Cette lecture anglo-saxone met la forclusion au principe de l’autisme et l’inscrit directement dans la structure psychotique, c’est à l’intérieur de cette structure que Tustin envisage l’autisme.

Pour Rey-Flaud, aussi bien le refoulement que la forclusion ne sont pas aptes à rendre compte du mécanisme en jeu dans l’autisme, leur refus est autre (167).

Pour le refoulement : à l’origine de l’existence, le refoulement permet au sujet confronté à du déplaisant ou à de l’insupportable de faire passer ce mauvais à l’inconscient en lui substituant une représentation « bonne » (167). Mais cette représentation se révèle insatisfaisante, puisque par définition, l’objet retrouvé dans la réalité n’est pas le bon –puisque ce denier est perdu – et donc le sujet va investir une autre représentation, puis une autre, s’engageant ainsi sur la voie du désir. Le refoulement est donc dans la névrose le moteur qui insuffle de la libido dans les objets du monde « en faisant tourner la noria des semblants représentatifs », qui vont un instant apaiser la pulsion.

Pour la forclusion : l’effacement de l’objet a laissé un « trou noir » dans l’autisme et non un néant, une tâche aveugle qui marque la rétine de par sa scotomisation, comme c’est le cas de la forclusion dans la psychose. Le processus en cause dans l’autisme est moins radical que dans la psychose : le trou noir n’est pas le néant.

Les autistes révèlent un échec du temps de réunion du bon et du mauvais, soit du « pas de bon sans mauvais » (171). En contradiction avec ce qu’il disait un peu avant du trou noir se différenciant du néant, Rey-Flaud relève que les autistes ressentent de la terreur devant le néant, ils ont des crises de fureur incontrôlables à la moindre frustration, témoignant d’un défaut de ce nouage bon/mauvais, c’est-à-dire qu’ils en appellent au bon, qui n’est qu’un gel du temps, et ne veulent rien savoir de ce qui vient y faire rupture (171) ; et ils ont horreur des objets du monde car perçus comme méchants. Le défaut de symbolisation du mauvais les a rendu incapables de supporter le moindre déplaisir : faute d’avoir été médiatisé par le langage, le mauvais est resté brut, inintégrable et insupportable, il doit être éradiqué ; il n’est pas métabolisable, digérable. Il n’est traitable qu’avec le minimum des empreintes (172) : par exemple ce qui est retenu aux coupures du corps témoignent d’une expérience de la perte et à la fois une difficulté à l’assumer. Ainsi l’autiste a la volonté d‘expulser l’excrément, source de tension déplaisante, mais en même temps, il tente de garder une contremarque (trace) réelle de la perte de ce qu’il s’apprête à expulser : il gardera l’excrément au bord de l’anneau anal (173). C’est une pratique symbolique, mais non supportée par le trésor des signifiants de l’Autre, c’est une langue-organe qui utilise des éléments « langagiers réels » qui dit l’avancée des sujets à ce seuil langagier, mais qui témoigne aussi bien de l’insuffisance de cette langue-organe – langue des empreintes – pour éradiquer le réel mauvais. (Je dis réel-mauvais, car il me semble que c’est l’expulsion du mauvais qui vient fonder le réel, celui qui fait aussi bien peur au phobique : la part de notre propre jouissance non passée au signifiant).

Chez l’enfant, la perte de l’objet laisse un trou réel qui est instantanément – dans la névrose – bordé, colmaté par du signifiant : le regard de la mère, son doigt sur la bouche de l’enfant, une mélopée apaisante. Dans l’autisme cette compensation par l’Autre fait défaut laissant l’enfant seul devant le trou de la perte et c’est un morceau de corps propre qui vient colmater ce trou, au titre de substitut du morceau de corps perdu (174) : par exemple la langue durcie contre le palais, qui est un objet autistique primaire. La langue a là perdu son statut organique, elle n’est pas non plus un bouchon que l’enfant mettrait contre le palais pour boucher le trou laissé par la disparition de la sensation, mais c’est un avatar de l’objet autistique, preuve que le langage a déjà fait son effet : la langue imprime sur le palais, support d’écriture, une empreinte réelle chargée d’enregistrer la perte de l’objet. Le corps joue le rôle de cachet, de sceau (la langue imprime) et de recueil d’inscription (la surface du palais est imprimée par la langue) : le corps alors remplit la fonction du rôle normalement dévolu à l’Autre (175). La cavité buccale est devenue au cours de cette opération le réceptacle des premiers signes réifiés du déplaisir (175). Cela nous dit que la subjectivité se construit autour d’un vide, symbolique dans la névrose, réel dans l’autisme, creusé par l’expulsion des excitations internes déplaisantes, bordé par les premières empreintes des sensations perdues (175).

3) Le démenti autistique (in Les enfants de l’indicible peur)

L’autiste rejette l’Autre et tout ce qui peut le toucher, nous l’avons vu. Il rejette pour une part la contrepartie représentative des choses, soit le langage, mais ce rejet n’est pourtant pas absolu, il n’a pas la radicalité d’un non total, tel que celui effectué par l’enfant emporté dans la mort subit du nourrisson qui n’a pas agréé à la perte des choses. Il y a donc de fait dans l’autisme, puisqu’il vit, un certain agrément à la première perte, cette perte fut contremarquée par les empreintes, mais ces dernières s’avèrent être un système peu sûre pour se prémunir de la jouissance. Pourtant l’autiste refuse de rentrer dans le monde des perceptions (monde des images) et veut demeurer dans le monde des sensations (empreintes primitives).

Si l’autiste reste au seuil de l’opération de contremarquage des empreintes en images, il a pourtant connu « l’épreuve de la décomplétude primordiale consécutive à l’effraction originelle portée par le réel. » (109). C’est donc « presque rien » du registre d’écriture qui est venu contremarquer l’objet a comme perdu : par suite du défaut de la relève des empreintes par les images, « le sein a emporté avec lui la trace de sa perte, laissant en souffrance la constitution de l’intériorité du sujet, dans le même temps, la coupure a revêtu un caractère d’effraction réelle, de déchirure non médiatisée par le langage, qui a aboli dans l’avant coup toute possibilité de bordage intérieur » (109). Pour pallier à la carence du langage, l’enfant a recours à l’objet autistique, qui est le support des empreintes (type minimal du signifiant), pétrifiées dans cet espace psychique (non relevées par les images/perceptions). Les objets autistiques ont une fonction de suppléance, ils sont durs, posés sur des lignes imaginaires de coupure pour étancher le « saignement psychique » fait par la coupure du réel. La crainte de l’autiste, c’est d’être envahi par un étranger indicible (112), d’où des barrières protectrices telles que les agitations de doigts, les balancements ou encore les parcours qu’ils entreprennent, lorsque, semblant suivre de meuble en meuble un guide invisible, ils les effleurent du bout des doigts. Ce sont des barrières, des frontières, érigées contre l’Autre et il semble que tout ce qui est au-delà de cette limite peut les engloutir. On ne peut les toucher, parfois ils effleurent l’Autre de très près, ne le touchant qu’en de rares occasions.

Ces barrières montrent la position paradoxale de l’autiste : confronté en tant qu’humain à la loi fondamentale du langage qui lui impose d’abandonner des morceaux de corps, taxe d’entrée dans le symbolique (livre de chair voulue par le Shylock du langage), ne recevant en échange de cet abandon à l’Autre, que des veines contremarques représentatives. Le refus de ce marché fait que l’enfant autiste recule devant cette exigence par la mise en place de barrières infranchissables entre lui et l’Autre,. Mais aussi bien la présence de ces lignes frontalières montrent-elles l’existence d’un espace à minima symbolisé. Autrement dit, il y eut un oui, une Bejahung, à l’effraction primordiale (116) – d’emblée, au seuil de la vie sans doute – car le narcissisme primordial n’existe pas, il y a une décomplétude du corps, ce que Lacan nomma « chute des objets a », et ce que Tustin nomma perte du « bouquet de sensations primitives », nous l’avons déjà vu. Le refus de l’autisme des intrusions quotidiennes – il se retranche dans sa forteresse – indique assez que « l’effraction originelle n’a pas été assez médiatisée dans le langage » (115). En effet, le corps organique des origines est habité par une jouissance latente brute, qui va se trouver libérée au moment de l’effraction primordiale (rupture de l’homéostasie). C’est ce que Lacan illustre par l‘ « hommelette », qui relate comment, lors de la première coupure (perte du placenta), un fantôme s’échappe du corps de l’humanoïde sous la forme d’une lamelle de libido mortifère. Sans dialectisation langagière, ce représentant du « pur instinct de vie » est ainsi le support d’un « pur instinct de mort ». C’est l’Alien, l’altérité absolu, intime et étranger : une jouissance à nous-même ignorée, ce que je nommerais jouissance de la Chose.

A ce stade primaire, l’Autre mortifère trouve son incarnation dans le corps, son corps désormais animé, mais non symbolisé, non distingué du réel, devant lequel on reste désemparé et terrifié. Temps logique mais aucun humain ne s’arrête en ce point où la vie et la mort se confondent, car il n’y a là aucun moyen de subsister. Chacun dépasse cette position intenable en inventant des modalités particulières pour traiter la jouissance de l’Autre : le névrosé tente de le médiatiser avec des représentations, le pervers de s’en faire le maître, le paranoïaque type Scheber, finit par y consentir.

L’autiste se situe en amont de toutes ces positions subjectives : il tente de contenir cette jouissance de corps réel en colmatant l’effraction avec un objet. Cette volonté de contention témoigne d’un sujet qui est l’expression d’une première incidence du langage sur l’être originel (117).

Les objets qui défendent l’autiste de la jouissance réelle de corps ne sont pas, à l’inverse des objets transitionnels, de véritables contremarques représentatives des morceaux de corps perdus. Ils ne sont pas métaphoriques. Ils sont « réellement » pourrait-on dire, car ils sont des morceaux de corps perdus, qui se trouvent ainsi perdus et pas perdus. Nous le voyons la perte dans l’autisme a un statut paradoxal, qui relève plus d’un démenti archaïque que du rejet (c’est-à-dire, de la forclusion). Cette opération défensive par l’objet autistique témoigne aussi d’une mise en œuvre du langage, lorsque le nourrisson plongé dans un monde de sensations se trouve exposé à des paquets de jouissance (118). Il y a un primat des sensations dans l’autisme qui spécifie un fonctionnement psychique particulier. Les autistes sont fixés à un moment où la sensation est le mode « d’appréhension du monde », modalité qui est antérieure à l’établissement de la « perception », perception qui s’effectue sur un tri et une organisation des sensations.

C’est cela que cherche Cézanne dans sa peinture : « je continue à chercher l’expression de ces sensations confuses que nous avons en naissant » (118).

Mais est-ce que l’autiste baigne vraiment dans un monde de pures sensations ? Cela paraît impossible pour continuer à vivre, puisque le langage d’emblée vient mordre l’humain et que sa forme la plus archaïque, l’empreinte, vient se mettre en place du fait de la perte de bouts de corps (ou du mamelon ?), empreintes qui sont des « signes de sensation », qui constituent une primordiale mémoire sensitive du corps, ne permettant aucune restitution verbale (137). C’est la première écriture, le premier registre du langage, les premières marques (121), destinées à être relevées par le langage. Mais son statut représentatif n’est pas celui de l’objet transitionnel, car ces empreintes, incarnées dans l’objet autistique (qui lui-même, objet « dur », fait des marques dans la main de l’enfant), assure la « présence réelle » au sens théologique de l’eucharistie, de l’objet primordial (perdu/non perdu (121)). Effet une première Bejahung, affirmation, consentement au langage : un premier échange de représentation contre du réel a eu lieu, mais la Bejahung a tout de suite été démentie à ce stade originel de la vie (122). Ce premier « oui », ébauche une première entrée dans la voie du langage, qui permet à l’humain en principe, de se protéger à minima du chaos du monde qui menace de l’emporter à chaque instant « sous les vagues d’une jouissance anonyme et déchaînée ». Cette ébauche de langage prend la forme de signes pétrifiés qui sont le précipité de la première relève échouée, précipité apparu sous la forme de lettres (122).

A suivre……