Intervention de Dimitris Sakellariou, psychanalyste à Athènes et à Toulouse
Le 11 avril 2015, à Bordeaux.
Dans le cadre de « Présence de la Psychanalyse ».
Les incidences politiques et subjectives du discours capitaliste à travers l’exemple de la Grèce. Quelles alternatives ? Quelles réponses du psychanalyste et de tous ceux qui s’interrogent sur l’aliénation subjective généralisée et la détérioration du lien social ?
Chers collègues chers amis,
Je remercie tout d’abord Les collègues et amis analystes de l’APJL à Bordeaux qui m’ont permis de vous rencontrer aujourd’hui afin d’échanger avec vous sur la préparation des journées de travail que nous avons décidé d’organiser à Athènes sous l’intitulé « Le sujet le capitaliste et le saint », ou quelles sont les réponses de l’analyste face à la crise du lien social. » Cette décision remonte bien à un peu plus d’un an c’est à dire à un moment où nous ne nous attendions pas encore à la victoire de la gauche de Syriza le 25 Janvier en Grèce. Nous n’osions pas y croire à cause des moyens énormes de pression et de propagande de l’ensemble des dignitaires de l’ancien régime et toute une kyrielle de chefs d’état de pays européens, qui déclaraient ouvertement leur sympathie pour la coalition social – libérale et droite populiste au pouvoir. Les gouvernements qui se sont succédés avaient réussi entre autres à transformer le parlement grec en un véritable bunker, avec des murs mobiles en acier autour, afin de le « protéger » en l’isolant ainsi matériellement des manifestations du peuple, afin que les députés qui arrivaient sous protection policière puissent continuer à voter en catimini sous le diktat de mémorandums successifs, des lois scélérates visant le démantèlement des services publics, la suppression de toute forme de convention collective, le licenciement massif de fonctionnaires ; des coupes sombres de toutes les dépenses publiques, diminutions drastiques « horizontales » des salaires de l’ordre de 30 à 40 %, suppression de la chaîne télévisuelle publique ERT, augmentation, avec création de nouveaux impôts, surveillance policière accrue etc.etc. Pendant ce temps de simples fonctionnaires de la Troïka passaient leurs ordres directement aux différents ministères concernés ajoutant un peu plus d’humiliation vis à vis des ministres et autres agents et fonctionnaires de l’état grec.
Ces mesures d’austérité ont visé les jeunes, les retraités et l’ensemble des services publics, excepté la police et l’armée, sensées maintenir l’ordre et réprimer manifestations et grèves. Les résultats sont connus. La Grèce est entrée en récession de plus de 6 % par an avec un endettement de plus de 300 milliards ; une dette publique qui a explosé de 115 à 175 % du P.I.B. , 28 % de chômeurs (dont 50 % pour les jeunes de 18 à 30 ans). Les hôpitaux hors se trouvent à l’heure actuelle hors d’état de fonctionnement, manquent de médicaments et de matériel médical jusqu’aux services d’urgence.
Les retraites sont à 300 euros brut en moyenne. Les salaires à moins de 450 euros brut, et nous avons assisté à un effondrement général de l’État entraînant celui de tous les services publics (éducation nationale, et Universités en premier lieu). Seule exception : l’église orthodoxe dont les prêtres sont en Grèce des fonctionnaires de l’État. Les armateurs et environ Un cinquième en gros de la population qui ont encore les moyens vivent à quelque chose près comme avant la crise. En revanche les deux tiers de la population est touchée et plus d’un tiers de la population se trouvent dans un état sinistré. On assiste à des scènes quotidiennes qui rappellent les pays du tiers monde.
Les trottoirs se sont remplis de nécessiteux qui demandent plus quelque chose à manger que de l’argent. Les enfants dans les écoles tombaient d’inanition, et les gens simples ne se soignent plus ne pouvaient plus payer des médicaments indispensables au maintien de leur santé. Au delà de cette réalité calamiteuse plusieurs personnes marchaient dans la rue le regard absent les épaules courbées, comme s’ils étaient perdus.
La perte de souveraineté d’un pays, l’effondrement de la classe politique (plusieurs ministres circulaient dans des voitures blindées) faisaient penser à un pays occupé. Je passe sur les personnes nombreuses qui n’osaient pas quitter leur emploi alors qu’ils n’étaient plus rémunérés depuis déjà plus d’un à deux ans de peur de tout perdre, alors que les commerçants faisaient le gros dos pour maintenir autant que possible leurs boutiques ouvertes préférant perdre de l’argent plutôt que ne plus pouvoir se refaire s’ils se mettaient en faillite.
Pendant toutes ces années ayant (certes par intermittence) vécu parmi cette population nous avions fini par penser que ce peuple s’était résigné, était passivé recevant des coups à répétition (les lois économiques fiscales changeaient tous les jours et les comptables n’arrivaient plus à suivre). Tout le monde ou presque a une dette fiscale ou un crédit qu’il ne pouvait payer. Les estimations officielles des dettes à titre d’impôts à l’état ou collectivités ou de crédits impayés aux banques s’approchent de 90 milliards c’est à dire plus que le P.I.B. du pays.
Évidemment pendant ce temps sur le plan international, la presse les moyens de communications les dignitaires des certains pays européens ainsi que les représentants des institutions européennes sans exception, ont fustigé le pays tout entier mis au rebut de la zone euro et traité comme une république bananière. Les propos humiliants pour l’ensemble des citoyens considérés comme des cigales ne pensant qu’a s’amuser et consommer sans payer leur dette. Le cas de la Grèce a pris les allures d’un spectre apotropaïque :
N’avaient-ils d’ailleurs les chefs qu’ils méritaient ? Des politiciens corrompus ne pensant qu’à s’endetter avec de l’argent facile, et participant à un système politique clientéliste ! Ils doivent être punis pour l’exemple. Car pendant ce temps les autres peuples doivent se serrer la ceinture pour supporter les mesures d’austérité pour pouvoir prêter et sauver les grecs de la faillite.
Il n’y avait qu’une solution pour sortir de là. Austérité et reformes obligatoires au pas de charge un peu à l’instar de ce que l’économiste canadienne Naomi Klein décrit dans son livre qui a connu un succès planétaire sous le titre « la stratégie du choc »
Voilà ce que le discours officiel idéologique de propagande claironnait et continue à faire à présent par la voie de l’opposition interne au pays qui dispose de tous les moyens (toutes les chaînes de télévision privée sont entre les mains des magnats convertis au néolibéralisme), alors qu’au niveau européen nous assistons soit à un black-out complet soit à des critiques acerbes sans oublier quelques voix versant dans la condescendance et l’hypocrisie.
En revanche nombreux sont les démocrates et progressistes de quelques pays européens qui s’intéressent à ce qui se passe en Grèce mais sont très mal renseignés. Ce que l’on connaît pas forcement c’est que la victoire de la coalition de Syriza n’est pas tombée du ciel. Pendant plus de trois ans un grand nombre de réseaux de solidarité s’est développé, notamment dans les quartiers populaires organisant la distribution de nourriture des moyens de première nécessité des médicaments, des habits et même des soins. À côté des réseaux non gouvernementaux du type médecins du monde et autres réseaux similaires une solidarité jamais vue en dehors de périodes de guerre s’est installée. Les mairies gagnées par Syriza ont été à la pointe de soutien à ces réseaux. Sur le plan international on peut mentionner entre autres des réseaux de solidarité pour les soins France – Grèce qui se sont développés dans tout le territoire avec comme priorité la mise en place de soins sanitaires, animés en grande partie par des médecins, psychologues, et autres paramédicaux en grande partie bénévolement.
Évidemment tous ces événements ne sont pas répertoriés dans les nouvelles nationales et européennes et restent connus par une minorité seulement de citoyens. Ces mouvements sociaux spontanés à côté des luttes sociales à grand risque, puisque l’ancien pouvoir menait une répression de main de fer, ont pu rencontrer quelques poches de résistance, parmi nombre de juristes, juges de tribunaux, syndicats de magistrature. Quelques juges ont eu le culot de déclarer suivant des textes de la constitution hellénique un nombre important de mesures (notamment les coupes sombres dans les salaires et les retraites), comme anticonstitutionnelles, si bien que dans le pays un certain éclatement des différents pouvoirs a vu le jour, le gouvernement précédent faisant appel pour les accords imposés par la troïka au droit international anglais qui est un droit essentiellement contractuel. Mais dès l’arrivée au pouvoir de la coalition de la gauche radicale (sans le parti communiste grec, noyau dur du stalinisme, se situant dans le cadre d’une opposition générale et systématique contre toute formation gouvernementale car pour lui participer à un gouvernement même de gauche ne peut que constituer une trahison des travailleurs.) s’est trouvée devant un barrage de tirs groupés de la part des représentants des presque tous autres pays européens afin qu’il se plie aux accords décidés par les mémorandums successifs et renouvelés en catimini en Décembre 2014 juste avant le départ prévisible de l’équipe Samaras – Vénizelos. Il faut souligner ici que c’est la même coalition qui ne disposant de majorité nécessaire de 180 députés pour l’élection du président de la république prévue en Mars 2015, l’ont, par une manœuvre coup de poker, anticipée précipitant par leur mise en minorité des élections nationales conformément à la lettre de la constitution connue de tous.
Ces accords s’inscrivaient dans la continuité de la politique du mémorandum qui a mis la Grèce sous tutelle économique mais aussi politique, puisque le pays n’a pas le droit de ne pas appliquer les réformes élaborées dictées mises en place et évaluées constamment, contre le résidu d’une dernière tranche de 7 milliards soldant la somme des fonds prêtés dès 2012 en contre partie de la mise en place du mémorandum. La tactique était manifeste : tous les sondages prévoyaient une large victoire de Syriza qui s’est vérifiée le 25 Janvier. Or fin Février après cette dernière tranche un autre mémorandum allait être signé pour la continuation de la même politique qui a conduit le pays à la récession. Ainsi la nouvelle équipe politique avant même qu’elle s’engage aux affaires du pays devrait négocier la poursuite de la mise sous tutelle alors qu’elle s’est fait élire pour arrêter cette dérive déflationniste de l’économie. Le gouvernement Syriza à peine formé déclarait qu’il ne réclamait plus d’aide mais un juste plan officiel après accord mutuel coécrit avec ses partenaires pour appliquer son programme d’urgence humanitaire (distribution de nourriture, de courant et divers autres service en faveur des plus défavorisés) chiffrée à 2 milliards d’euros, puis un semestre de préparation d’un plan de relance économique avec un minimum de croissance afin de sortir le pays de la spirale déflationniste, et ensuite proposer toujours dans le cadre d’un accord mutuel une restructuration de la dette afin de la rendre viable. La réponse vous le connaissez fut « niet » sur toute la ligne. La seule chose que le gouvernement fraichement élu devrait faire selon les dirigeants européens serait la signature d’un nouvel engagement à un programme en pure continuité avec le précédent sous la tutelle non plus du terme de troïka puisqu’elle avait traumatisé les citoyens mais d’un autre nom. Ce fut la seule concession. Là aussi le but de la manœuvre fut clair. Ou bien la nouvelle équipe faisait volte-face pour montrer au peuple que tous les politiques sont les mêmes autrement dit ils soutiennent un programme avant les élections et une fois au pouvoir ils l’enterrent, ou bien ce qui l’attendrait serait une faillite par l’assèchement des liquidités bancaires (comme ce fut le cas à la République de Chypre entrainant de facto une sortie de la monnaie européenne. Pour accompagner ces menaces d’ordre rhétorique la B.C.E. a refusé de rendre une partie des sommes correspondant aux bénéfices effectués sur l’emprunt grec, bloqué la dernière tranche de 7 milliards et fermé le flux des liquidités aux échanges bancaires maintenant une sorte de goutte à goutte de quelques millions afin d’éviter in extremis tout incident bancaire systémique. Un rapport de forces s’est installé depuis le gouvernement grec ne voulant reculer sur ce qu’il considère comme lignes rouges pour la souveraineté des décisions politiques (notamment le désaccord sur toute application de mesures économiques d’austérité déflationniste. L’ironie du sort est que le F.M.I. a déclaré officiellement s’être trompé sur les mesures réclamées à la Grèce car elles ont échoué et ont conduit le pays à la récession, à ceci près que toutes ces déclarations ne font pas bouger d’un pouce les mesures toujours requises. On s’excuse pour mieux continuer la même politique !
Le président de l’Europe Yunger a déclaré que les élections ne changent rien aux traités existants. A-t-on le droit de demander si ce sont les peuples qui font les traités, ou bien si ce sont les traités qui font et défont les peuples Le gouvernement actuel et le premier ministre Alexis Tsipras ne veulent plus appliquer une politique qui a échoué (la dette a augmenté, le pays se trouve exsangue car tous les moteurs de l’économie sont en panne) et le prix fort de la récession imposé, à la place d’une dévaluation impossible puisque nous sommes dans le cadre d’une monnaie unique. L’on peut toujours certes augmenter les impôts et baisser les salaires, le cercle vicieux fait que l’état ne peut en réalité récupérer des impôts et ne récupère que …des dettes des citoyens qui ne peuvent plus les honorer. Nous sommes au cœur du problème car à ne mettre en avant que des critères comptables la seule solution qui consisterait à faire des coupes sur les dépenses de l’État, ne fait qu’aggraver le cercle vicieux sans oublier de constater qu’il n’existe aucune alternative dans le cadre de l’U.E. et la zone euro dans la mesure ou la première règle de fonctionnement entre les pays européens de la Zone euro est de de tout faire pour sauver la concurrence. Ainsi par exemple la Grèce et l’Allemagne sont en concurrence et continuent à l’être dans les conditions actuelles et dans le futur ! Quelles sont les perspectives d’avenir pour les jeunes ? Dans les meilleurs des cas l’expatriation. Pour les autres 300 à 450 euros par mois, et encore il faut souhaiter qu’ils puissent être payés de façon sure. Mais ce n’est pas tout. Aucun gouvernement de pays européen à l’heure actuelle ne souhaite que la politique prônée par Syriza réussisse, car dans ce cas-là cela démontrerait qu’une autre politique est possible et que donc l’austérité n’est pas un sens unique. Plusieurs stratégies sont en étude et commencent à poindre afin que l’équipe de Syriza au pouvoir échoue et même avant qu’elle fasse des émules dans d’autres pays du sud dont l’Espagne et le Portugal, (cela explique que les adversaires les plus véhéments sont justement les représentants des gouvernements de ces pays. Nous pourrons examiner ces stratégies à la discussion si vous le souhaitez. Le fait est que la Grèce est devenue un laboratoire expérimental et sert d’exemple pour les autres pays à titre de repoussoir et afin de refaire la preuve historique qu’il n’existe qu’un système capable de gouverner les pays et il s’appelle capitalisme financier néolibéral.
Depuis le dogme de Mme Thatcher et M R. Reagan le tournant du néolibéralisme prône que l’État n’est pas une solution mais un problème qu’il faut le rendre définitivement impuissant. Que chacun gagne son argent et donc il n’a pas à payer des impôts pour les autres et que l’argent du travail en termes de valeur peut constituer une réserve à récupérer au profit des capitaux. Que l’économie réelle ne pouvant produire des bénéfices à deux chiffres il faut se tourner du côté des produits financiers, faisant de la finance la marchandise idéale qui peut se reproduire presque par parthénogénèse, augmenter et s’accumuler sans passer par un cycle de production via le circuit de l’économie dite réelle. Mme Thatcher se plaisait à clamer qu’elle même fille d’épicier s’était trouvée à la tête de la nation la plus libérale avec les U.S.A., car elle pensait qu’un état se gère comme une maison. Sauf qu’il y a un hic. Car dans une maison les rentrées d’argent ne fluctuant pas beaucoup on ne peut que diminuer les dépenses pour équilibrer le budget. Or, dans un état les dépenses des uns sont les recettes des autres, et si l’on diminue les dépenses l’on crée un déséquilibre et une spirale qui s’appelle déflation et on ne sait pas généralement comment en sortir. Aujourd’hui l’économie mondiale ne fonctionne que grâce à la planche à billet et le gonflement et éclatement des bulles spéculatives dont la taille pour le moment n’est pas fatidique. Mais nous ne pouvons que constater que le tigre du capitalisme financier ne peut être domestiqué et que nous n’avons malheureusement pas tiré les leçons de la crise des « subprimes » et des produits de titrisation bancaire si complexes que personne n’est capable de dire aujourd’hui les sommes qui ont été englouties à titre de perte par tout dans le monde par le moyen des produits dérivés de la spéculation. Le danger pour autant n’est pas écarté car rien ne peut malheureusement venir régler ces marchés par définition fonctionnant comme dans un processus d’addiction. Non seulement il n’y a pas de régulation hors quelques tours de passe-passe mais aujourd’hui nous savons que le modèle social baptisé état de la providence est menacé, que le capitalisme financiarisé mondialisé et globalisé ne peut que provoquer des catastrophes qu’il est incapable d’arrêter, par les déplacement des sommes folles, et comme ces sommes tournent de plus en plus vite on ne peut pas ne pas penser à la prophétie lacanienne à propos du capitalisme qui tournant rond et de plus en plus vite, il risque non de se consommer mais de se consumer. Sans vouloir jouer les Cassandre il est peut-être encore temps de se mettre à inventer des solutions alternatives. Il en existe quelques-unes certes dont certains auteurs économistes spécialisés en études prospectives proposent même quelques solutions concrètes comme Rifkin par exemple, mais la question qui se pose est celle de savoir si les solutions alternatives peuvent être espérées dans le cadre strict de l’économie. Ce qui nous intéresse c’est ce en quoi la psychanalyse le discours analytique en tant que lien social nouveau peut constituer un moyen parmi d’autres qui pourrait si non une sortie du moins une neutralisation des effets délétères du discours capitaliste c’est à dire de la logique du fonctionnement du capitalisme. Car l’on sait depuis Lacan après Marx que la logique de ce fonctionnement c’est l’insatiabilité mais une insatiabilité qui produit du manque-à-jouir afin de mieux pérenniser son propre fonctionnement. À la marchandisation du travail, une marchandisation de la vie elle-même a succédé, et le danger du néolibéralisme est que l’étape suivante est la financiarisation généralisée, déjà en marche. Savez-vous sans doute que les banques systémiques de chaque état possèdent une armée de traders zélés dont le travail consiste à assurer la croissance des capitaux via leur déplacement de plus en plus rapide comme nous l’avait expliqué le professeur François Morin à Toulouse. Nous nous sommes posé la question sur la constitution subjective de ces employeurs zélés : comment peuvent-ils remplir efficacement leur rôle sans être déshumanisés ? Le parallèle qui vient à l’esprit est celui des fonctionnaires zélés qui ont contribué en l’absence de toute mauvaise foi, au rassemblement de la population juive en Europe pour l’envoyer massivement dans les camps d’extermination. Nombreux sont ceux qui ont témoigné dans l’après-coup, disant qu’ils ne faisaient que leur travail consciencieusement, scrupuleusement, sans se poser des questions. Est-il possible de penser que les traders ignorent que ces déplacements massifs des fonds spéculatifs soient à l’origine de catastrophes humanitaires du déplacement des populations d’exils de guerres ? Souvenez –vous qu’au début des années 90 on avait sorti le concept de « guerre propre » et des « frappes chirurgicales », dont nous avions à la télévision les images qui pouvaient faire penser aux feux d’artifice festifs, alors que des populations entières recevaient les bombes sur leur tête. La virtualisation du réel est un des effets du discours capitaliste comme certains films en témoignent par exemple le Truman show. Le fonctionnement du capitalisme repose sur le principe que la perte c’est pour l’autre que l’on essaie de dissimuler derrière une rhétorique qui veut nous faire croire que les échanges économiques fonctionnent sur la base de gré à gré, qui peut être une sorte de gagnant-gagnant. Autrement dit une promesse de jouissance sans limites et sans contrepartie. C’est le mérite de Lacan d’avoir montré que le principe marxien de la plus-value repose sur le principe du fonctionnement du plus-de-jouir qui se substitue à celui du désir, en désactivant la castration par le biais de la forclusion de celle-ci. Autrement dit, c’est déjà quelque chose qui, au-delà du fantasme, dans la mesure où le fantasme soutient le désir mais pas sans inclure la castration. Le fonctionnement du discours capitaliste comme l’indique la flèche oblique
$—– α Il s’agit d’une modalité de lien entre le sujet et l’objet qui le compléterait qui serait une sorte de branchement en court-circuit à la pulsion, au fonctionnement pulsionnel en se passant de l’inconscient.
Alors qu’elles peuvent être les réponses du D.A. face à ce discours artificiel déshumanisant. Le D.A. est le seul discours qui s’adresse au $ en tant qu’autre. A la place de l’autre qui produit les signifiants maîtres de son histoire et qui viennent en rupture de sens par rapport au savoir inconscient, une façon disons de se désaliéner (au sens de Marx) plus que du désir de l’Autre qui a déterminé le sujet en objectant à la Jouissance de l’Autre par le symptôme débarrassé à terme de ses adhérences pathologiques. Qu’est-ce à dire sinon que l’analysé, l’analyste, voire aussi l’analysant dans une certaine mesure, sont en principe en voie d’humanisation face à ce branchement, dont je parlais à l’instant, recouvert par une virtualisation généralisée qui vient masquer le réel. Certes la psychanalyse n’est ni une religion ni une conception du monde. Elle n’est pas non plus un projet d’agrégation de masses. Elle n’en constitue pas moins un moyen de débranchement du piège, dont G Bataille avait fait mention, qui est celui de dépenser pour accroitre le manque à jouir. C’est donc un processus qui ne fonctionne que dans une modalité particulière du un par un. Sauf que « la sortie », si ce terme lacanien a un sens, ne peut se limiter aux quelques-uns car comme Lacan l’a dit, dans ce cas, cela ne vaudrait pas la peine !
