Il s’agit ici de venir témoigner d’une rencontre avec un enfant , dans le service de pedo psychiatrie où je travaille en qualité d’éducatrice . Je trouve que la ténacité dont fait preuve Hector nous montre à quel point cela doit être vital pour lui , et force au respect le travail qu’il entreprend .
J’ai essayé dans ce témoignage de rendre compte des différents moments de cette rencontre , d’être au plus près de ce qu’il dit et pour cela je ferai référence réguliérement à ses récits.
Ce travail n’aurait jamais pu se mettre en place sans le soutien de l’équipe.
Cette rencontre s’est augurée à partir d’un remplacement que j’ai effectué à l’hôpital de jour , alors que je travaillais au CMP du même service.
Ce remplacement qui m’était demandé avait était réfléchi par l’équipe , il était limité dans le temps , je ne venais pas remplacer une personne absente en tant que telle , mais ce qui m’était proposé c’était de venir sur un temps d’atelier et me tenir en périphérie . Sachant que tous les enfants n’arrivaient pas à s’inscrire dans cet atelier. Le pari de l’équipe , car s’en était bien un , était que cette présence pourrait avoir des effets.
Hector était de ceux là .
Il est alors la plupart du temps dans le jardin , à manipuler ses pailles , très actif , arpente cet espace en discutant beaucoup , gesticulant . Ce qui donne une impression de grande activité de sa part et de quelque chose qui l’habite vraiment .
Dans un premier temps il me salut à peine et file dans le jardin . Par contre il se « branche » sur toute personne de l’hôpital de jour qu’il côtoie régulièrement , il parle de choses concernant la préhistoire , il a aussi des livres sur ce thème qu’il montre. Nous sommes restés quelque temps moi à l’intérieur , lui dehors sans échange particulier . A un moment il est venu se brancher à moi alors que j’arrivais à l’hôpital de jour , m’interpellant dés le passage du portail autour des animaux de la préhistoire. Il va y avoir ainsi plusieurs petits temps informels où il vient parler , repart , poursuit avec quelqu’un d’autre , revient.
Je vais alors aller à sa rencontre dans le jardin , faire moi aussi des allées retours entre le dedans et le dehors , le dehors dans le jardin et le dedans dans une petite pièce rempli de coussins. C’est là qu’il va venir me rejoindre et commencer à me faire le témoin de ses récits .
Très rapidement je vais lui proposer de noter ce qu’il me dit en lui disant que cela allait m’aider à ne pas perdre le fil de ce qu’il dit . Ce à quoi il va consentir . Je suis assise sur des coussins et lui arpente la pièce en long , en large, toujours avec ses pailles ,raconte avec beaucoup d’engouement , une fois qu’il a terminé il quitte la pièce . Cet espace ne doit en aucun cas être envahit par les autres ,il referme la porte sur l’intrus ou bien quitte la pièce pour rejoindre le jardin.
A partir de ses feuilles de papier manuscrites il va demander à faire ce qu’il appelle « des livres » , un classeur dans lequel il va mettre des transparents et y insérer ses feuilles.
La particularité de ses livres qu’il nomme ainsi c’est qu’il en donne un titre , et dans ce titre figure à chaque fois son prénom . Prénom qu’il va inscrire lui même , non seulement au niveau du titre , mais qu’il fait aussi apparaître dans son récit. A chaque fois que cela se présente il me prend le stylo des mains et sans un mot , écrit son prénom , puis reprend le cours de son idée à haute voix . Il numérote également les pages . Il va y avoir ainsi une succession de « livres » :
Le Hector livre de l’espace
Le Hector livre des dragons
Le Hector livre sur les pokémons ( origine/évolution)
Le Hector livre sur les pokémons II
Le livre des ancêtres de Hector (naissance/mort)
Le livre d’odyssée de Hector
Apparaissent dans ses livres des dessins qu’il fait d’un trait peu assuré à l’intérieur d’une bulle . Il me demande d’écrire autour de ses dessins, me disant très exactement à quel moment je dois changer de feuille , et où je dois écrire . C’est à dire que l’espace feuille est utilisé par lui au maximum de ces possibilités ,pas question pour lui de passer à une autre feuille s’il juge que ce qui l’a à dire n’est pas terminé , il s’arrange pour que ça rentre , me demandant d’écrire dans les touts petits espaces restants.
Dans ces récits il reprend toute l’évolution de l’espèce humaine ,mais comme si cela ne lui suffisait pas il reprend l’origine de la terre . Ce qui est fabuleux chez ce garçon c’est sa tentative de venir prendre place , de venir s’inscrire en quelque sorte à partir de l’origine du monde . Il n’épargne pas sa peine . La préhistoire étant la base de tous ses récits , cette connaissance livresque qu’il a sur ce sujet prend dans ce qu’il appelle « les livres » toute son importance . Il part de la naissance de la terre avec le bing bang , puis y intègre l’évolution humaine : de Toumai , à Orrorin, ,puis les Australopithèques ,Lucy ,l’homo habilis , Paranthropes ,paranthropus robustus , L’homme de Neandertal , L’homme de Cromagnon , jusqu’à l’homo sapiens .
Je le cite :
« Il était une fois à une époque où les dinosaures ont disparu , où est apparu la séparation des chimpanzés , et des pré-humains. En Afrique est apparu les cousins des pingouins. L’ancêtre primate de Hector voyere leur fôret disparaître et ils vont dans la savane .
Mais il y avait un problème. Depuis que les ancêtres primates des êtres humains se sont séparés des ancêtres de chimpanzés , le trou de la moelle épinière avait descendu du crâne. Ils ne voyérent plus rien. En marchant à quatre pattes , mais quand ils se redressent , ils étaient devenus orrorin , l’un des premiers pré-humain. »…
« un autre pré-humain nommé toumai qui signifie espoir de vie » « Quand soudain une maman ororine se faisait tuer par un tigre à dents de sabre. Mais le bébé est toujours vivant. Il a été adopté par son père et l’ancêtre de Hector trouva du lait de calicotére. » « Des millions d’années passent , va apparaître , ils vont apparaître les australopithèques »
« mon ancêtre australopithèque de Hector vivait tout seul avec une femelle australopithèque qui devait être Lucy… « Quand soudain Lucy s’est noyée à cause d’une rivière. Il y a 1000 ans disparaissaient les australopithèques »… « alors le clan Hector , l’homo erectus se dispersèrent pour trouver de la nourriture. Mais cette nuit là il y avait l’orage et en touchant un arbre il y avait le feu. Le matin il trouva le feu »… « il tua un animal. Ensuite il le metta au feu. Et en le mettant au feu ils ont découvert que les restes mangés par le feu deviennent meilleur. Et alors les ancêtres erectus de Hector vont bientôt faire une autre évolution qui va mener à l’homo sapiens. …Il est apparu la glaciation et erectus devient neandertal ».
Ce signifiant ancêtre auquel il va y accoler son prénom va disparaître et seul son prénom subsiste .Pas à n’importe quel moment puisqu’il en passe par la mort de son ancêtre , par l’introduction de la sépulture où il dessine un personnage avec à côté ce que l’on pourrait appeler un pierre tombale sur laquelle il me fait inscrire « la tombe de Hector ».
« Alors que l’ancêtre de C tomba amoureux de l’ancêtre de Hector et ils décidèrent qu’un jour , que demain ils ont prévu de se marier. Et alors l’après midi C resta tout seul , avec l’ancêtre de Hector qui sculpta une flute faite d’os de mammouth. Alors les neandertals ne savaient pas comment ça marche. Et alors C souffla dans la flute. Mais les neandertals ne savent pas qu’en réalité que C se sert de la flute sculptée par son mari pour appeler son clan. Alors le clan était là. Mais la nuit l’ancêtre de Hector trouva deux morceaux par terre , c’était sa flute coupée en deux morceaux. L’ancêtre de Hector essaya de le réparer. Il metta la peinture dans sa bouche , il pose sa main sur une pierre et cracha la peinture , et il meurt. »
« l’ancêtre de Hector a inventé la sépulture. C’était la façon de dire adieu aux membres du groupe. Bun , l’ami imaginaire de Hector ,regardait la télé de neandertal il n’y avait pas de chaines à la préhistoire. On va dire qu’on allume le feu. »
Tout est mis sur le même registre , on voit bien que la temporalité n’existe pas pour lui , ce qui est du domaine de la préhistoire le concerne tout autant que ce qui se passe dans son quotidien. Par la suite c’est Hector qui agit ,plus besoin de l’ancêtre.
En parallèle il va me demander de l’aider à réaliser « des recettes » où là aussi son prénom fait partie intégrante du titre de la recette :
_ la Hector soupe : la première soupe inventée au monde _ Potion Hector de la mort et des 7 crânes la Hector recette poing de fer la Hector mini tarte la Hector potion qui date de la préhistoire la Hector soupe de l’atlantis
Il va vouloir que j’écrive les ingrédients et quant à la quantité utilisée c’est lui qui inscrit les chiffres , ainsi que son prénom. C’est alors un mélange d’ingrédients les plus variés et les plus inattendus , tels que l’eau , le sucre , les cailloux , l’herbe , les feuilles ; mais aussi du chewing-gum qu’il fait bouillir avec de l’eau dans le micro onde . Lorsque ce mélange bout il aura cette réflexion « c’est vivant ». On voit là que sa préhension du monde en passe par son filtre imaginaire à lui. De ce mélange il souhaitera le déposer dans le jardin , puis posera son pied dessus en parlant d’empreinte . D’abord en appuyant à peine , puis plus fortement et invite par la suite une personne de l’équipe , celle qui s’occupe des repas , à venir voir les « traces du monstre » .
Cette petite séquence vient poser une question , il a fait appel à ce regard extérieur , peut on en déduire que mon regard est équivalent pour lui au sien , je serai en quelque sorte dans un prolongement de ce qu’il fait , tout comme se pose la question de l’adresse quant à ses dires , es ce que c’est adressé ? De plus que signifie ce passage par l’empreinte ? S’agit il là aussi d’une inscription au même titre que son prénom ? Il va réaliser à un moment une recette avec des ingrédients comestibles , recette qu’il fera partager aux enfants et adultes de l’hôpital de jour.
A la fin de ce remplacement l’équipe a soutenu le fait que je puisse le recevoir en CMP ,qui géographiquement était éloigné de l’hôpital de jour , s’appuyant sur une proposition de temps individuel à l’extérieur de l’hôpital de jour dont il pourrait se saisir. Sachant qu’il continu à se brancher sur toute personne qu’il croise , et poursuit ses récits. Je vais donc le recevoir dans un bureau , ce qui introduit un rapport différent , c’est lui qui se déplace . Le jardin à l’hôpital de jour qu’il utilisait comme un moyen de se mettre à l’écart ,va être remplacé ici par un balcon ,mettant en place des allées retours dedans, dehors, manière pour lui d’échapper à ma présence , on verra par la suite que quel que soit le lieu où je le rencontre , il trouvera toujours un moyen pour ne pas être soumis entièrement à ce regard .
Il va commencer à parler de ce qu’il nomme « mon monde imaginaire » , « dans mon imagination… » « Le monde imaginaire de Hector J’ai rajouté des collines , puis ensuite un gigantesque marécage , ensuite des savanes africaines et ensuite un grand glacier comme aux glaciers du pôle nord , ensuite un désert , puis entre le glacier et le désert un endroit où vivent des pandas. Au centre du pays un lac appelé « ouplioupo » qui veut dire océan , il y a les mêmes animaux . C’est le plus grand lac du pays » « c’est parfois terrifiant le monde imaginaire » Pourra dire qu’il ne veut pas qu’on lui enlève son monde imaginaire. « j’en ai besoin »
On est passé à un autre temps où même si les animaux préhistoriques sont toujours là, il intègre dans ses récits des éléments de la réalité , tel le nom de la ville où je le reçois ou encore fera référence à ce qui se passe dans l’actualité , par exemple parlera d’épidémie , de virus au moment où il est question de la grippe H1N1. Il parle de créatures , d’êtres féeriques : « le gobelin , un crapaud féerique . Il a un point faible, la sauce tomate brûle la peau du gobelin comme de l’acide. Le troll taupe , son pouvoir il peut passer en travers des sorties étroits. Son point faible , on peut le tuer avec du sel. A cause du sel il peut plus respirer. L’ogre globine , qui veut dire en gobelin , ogre vengeance . C’est un rapprochement entre un monstre et un dinosaure. Son pouvoir c’est les doubles postillons de la mort , si quelqu’un est touché il se transforme en ogre. Le seul moyen de le tuer , un ogre globobo , c’est l’asperger de moutarde. » Il arrive avec des livres sur les animaux du futur , ce qui semble retenir son attention c’est en particulier la référence à l’évolution , images à l’appui il n’a de cesse de montrer ce qu’ils deviennent .Cette transformation semble le fasciner , mais non sans une certaine crainte . Il s’en sort en parlant de ses amis imaginaires , qui eux précise t il sont tous gentils. « Ils me collent aux basques ,ils dorment dans ma chambre mais ils me dérangent pas du tout . Ils sont toujours d’accord avec moi. » « ça aide un peu à avoir des amis imaginaires . » « je ne supporte plus de vivre dans le monde réel, parce qu’il n’y a rien de fantastique. » « ce monde est trop normal , un peu trop. » Il décide ce qu’il faut que j’écrive ou pas « ça tu l’écris pas ! » . Il continu à être dans une vigilance quant à la feuille sur laquelle j’écris , « tu peux tourner la page . » Cette feuille semble faire cadre pour lui .
Il va par la suite dérouler de façon plus systématique son monde imaginaire, ses récits donnent une impression de construction , petit à petit il déroule son histoire à la manière d’un puzzle . C’est d’une logique imparable , le moindre élément amené par lui en début du récit sera repris dans son développement. Ces récits sont peuplés de créatures monstrueuses ,qu’il fait disparaître à l’aide d’armes qu’il invente à partir d’objets du quotidien . Le tout dans une ambiance explosive , avec radio activité , bactéries , mais lui et ses amis imaginaires finissent toujours par avoir le dernier mot. « moi j’ai une arme,une pagaie avec deux tronçonneuses de chaque côté. Une guitare à laquelle on a rajouté un truc électrique. » « j’ai imaginé que je pouvais avoir des pouvoirs , des grandes oreilles pour tout entendre , des centaines d’yeux , d’horribles épines sur le dos , celui qui m’embête je le transperce , des croix serrées à manger du métal , des pieds de dinosaures à provoquer des tremblements de terre… Tout à commencer quand les poissons imaginaires s’amusaient avec les explosions… » Même les objets du quotidien sont intégrés dans sa construction : « Tout a commencé le lundi au petit déjeuner. On était en train de manger des toasts au nutela. Gumper , c’est un de mes amis , c’est un allien gourmand. Sans faire exprès il a cassé le grille pain. La moitié de mes amis imaginaires ont été aspiré par la faille spatio temporaire créait par le grille pain cassé . » Il n’a pas besoin de s’y reprendre à deux fois pour dire , tout ceci sort d’un seul jet du début , jusqu’à la fin . Il donne cette impression que tout est déjà là avant même que se soit dit. D’ailleurs il démarre aussitôt , pas de temps pour les préambules, aussitôt qu’il franchit le seuil de la porte il livre son monde. Tout en continuant à énoncer , il met en place ses rituels , se des-chausse , met une chaise au bon endroit et arpente le bureau avec ses pailles. Lorsque je lui demande de répéter ce n’est pas un problème , il reprend la phrase entière. Le style est lui aussi singulier , il alterne avec un français dit littéraire , avec quelque chose de davantage parlé. Il lui arrive de confondre les genres , les temps d’en faire un mélange. Il ponctue son récit d’ onomatopées : « et là paouf » qu’il intègre à la manière d’une ponctuation. Quelque fois je me risque à poser certaines questions , au début c ’était « bon on continu » et puis maintenant il accepte un peu plus , mais je ne dois pas en abuser il me remet vite à ma place de secrétaire. Il dit à haute voix ce qu’il a dans son imagination comme il dit , mais la question de l’adresse se pose , tout ceci est il adressé ? Ce dispositif fonctionne à condition de s’en tenir à la place à laquelle il m’assigne. « Je vais raconter une histoire un peu terrifiante , ça va pas trop te plaire ça » ou encore « après ça va te plaire ça ! » Son regard se fait davantage insistant , pour accentuer certains passages il se met à ma hauteur et redouble ce qu’il vient de dire , ce qui vient un temps me détourner de l’écrit. Parfois il lui arrive de dire des choses à voix très basse : « réfléchis , réfléchis ». Ce qui viendrait supposer qu’il a affaire à une voix intérieure . Ce qui alors vient poser une autre question , le fait d’en passer par le récit es ce une manière pour lui de se délester de ce qui l’habite ? Tout comme il met en place ce qu’on pourrait appeler des ponctuations , il sort de la pièce disant , « tu retournes la page je vais faire pipi » revient en reprenant tout aussitôt là où il s’était arrêté.
Titeuf ou son double ? Il va amener des BD de titeuf et là va me demander de lire certaines pages , ce qui déclenche chez lui beaucoup de rires. « Je vais raconter une histoire de mon monde imaginaire , celle où il y avait titeuf et moi. Je vais l’appeler : l’expédition d’Hector. Tout à commencer quand Nadia a oser dire à titeuf qu’il ne sera jamais un homme. Le seul problème pour lui c’est que pour devenir un homme il faut qu’il passe par l’adolescence et il n’a pas envie d’être un ado. Il n’a pas envie d’avoir la puberté. C’est quand en grandissant il a des boutons partout sur le visage … Elle est tombée amoureuse ils vécurent. Titeuf a enfin son amour. Depuis Nadia ne dit plus jamais qu’il ne sera pas un homme. Après retour à la vie comme avant. Je veux revenir à la petite maison » A travers ses BD il vient épingler des « blagues » un peu grivoises , il va s’autoriser à dire des « gros mots » , reprenant avec plaisir certains propos de titeuf et m’adressant « tu trouves pas qu’il exagère ! Il va arriver avec un album de Titeuf sur l’éducation sexuelle . Il me demande de lui lire certains passages , va parler de zizi , de « coucougnettes » qu’il d’ailleurs attribuer aussi bien à la fille , qu’au garçon , par contre ne parviendra pas à nommer les seins , « ils ont mis des oranges ». Par l’intermédiaire de titeuf , il semble avoir accès à un autre abord du langage , ce qui n’est pas sans lui déplaire. Il donne à voir davantage d’émotions. Puis il va me demander d’écrire à l’intérieur de la BD , là où justement il n’y a rien d’écrit , il me demande de rajouter des bulles , « même les animaux ont droit à la parole ». « Je vais modifier » Ceci est très différent de ce qu’il faisait jusque là. Le récit n’est plus le même il s’agit le plus souvent d’onomatopées (aah – et ben – pouf) ,quelques petites phrases , le tout en lien avec l’histoire de la BD. Il va continuer en donnant un titre à chaque page , titre qui reprend le mot le plus fréquemment cité. Alors que jusqu’à présent c’est lui seul qui disposait du choix du titre , là il en passe par ce qui est écrit . Récemment il m’a demandé de modifier ce qu’il m’avait fait écrire , j’ai tout naturellement raturé. Ce qu’il n’a pas supporté , parle alors de papier recouvrant la rature pour « écrire par dessus ». A quoi renvoi cette rature ? Sur quoi vient il buter ? Vient on toucher à quelque chose de structurel ? Quelle est le statut de l’écrit pour lui ? La fonction de secrétaire serait elle équivalente pour lui à un acte d’écriture ?
Par deux fois il va arriver , les yeux plein de larmes et disant « ça ne va pas ». Je n’ai même pas eu le temps d’ouvrir les volets , il convoque tout de suite , il s’assoie ,cela ressemble à un échange . Je n’écris pas , je peux ponctuer ce qu’il dit , il reprend à partir de là. maman elle m’a dit que si je changeais pas elle m’enverrait en pension maman elle m’aime pas. On est vraiment différent ma mère et moi. Moi j’aime la télé , j’aime les animaux. Ma mère elle aime que sa cabane et ses légumes. Je crois qu’on n’appartient pas à la même planète. Elle m’aime pas comme je suis , elle veut me changer. Je vais aller vivre(cite un parc) avec les paons. Elle dit que je suis un abruti . Je la déteste maman. Même que je voudrai rester toute la journée à l’hôpital de jour. Dés fois je me demande si je ne suis pas un enfant adopté. A la petite maison j’ai un camarade que j’aime pas D, il me dit que C n’est pas amoureuse de moi. Je pense que D est le fils de ma mère et moi le fils de la mère de D. On nous a échangés ,je vais mener mon enquête , si il est né le même jour que moi ou pas. Alors je me serai trompé. Ma mamie elle m’aime comme je suis avec mes pailles. C’est avec elle que je voudrai vivre. Je crois que je vais m’enfuir. Avant ma naissance maman elle était pas contente que j’arrive. En plus j’ai eu deux sœurs , alors que je voulais des garçons. C’est une famille catastrophique. Bon je vais faire une croix dessus . On va lire titeuf et tu vas écrire .
Quelques semaines plus tard , il arrive à nouveau avec les yeux larmoyants , maman elle m’a dit qu’elle voulait m’envoyer dans un centre. Je crois bien que je viens d’une autre planète où il y a des gens comme moi avec des pailles et de l’imaginaire , j’ai été aspiré par un trou noir jusqu’à la terre. Je voudrais rester tout le temps à l’hôpital de jour. Je voudrais pas rentrer chez moi , je veux partir de chez moi. Elle me dit que je suis un abruti , que je suis fou. Je vais trouver un couteau , une machine à exploser la bouche , j’ai vu ça dans les films. Je crois que je pourrai même me suicider.
Je me suis interrogée sur ces moments , y avait -il une tentative de sa part de séparation d’avec sa mère ? Es ce qu’il est possible de le mettre de ce côté là ? Quelque chose est venu le déstabiliser ,un réel désarroi ,mais pour autant en passe t-il vraiment à autre chose comme il le dit ?
Ces derniers récits font état d’amis imaginaires qui peuvent être méchants « je vais parler du méchant de mon monde imaginaire. Il s’appelle le serpent , il s’appelle comme ça parce que c’est un serpent. C’est pas un serpent comme les autres , en fait c’est un serpent qui a le don de la parole. Mais il n’est pas tout seul ,comment dire il a un associé. Il y a aussi des idées noires , des espèces de fantôme en noir . Ces idées noires en fait , elles peuvent fusionner pour devenir un horrible dragon » Il le fait revenir la fois suivante « Tu le connais j’ai déjà parler de lui » Cette complicité qu’il me fait partager modifie t-elle la question de l’adresse ?La dernière fois que nous nous sommes vus il m’a invité à venir à l’hôpital de jour pour me montrer un animal qui figurait dans un livre dont il venait de parler, et comme il ne trouvait pas tout de suite , il s’excusait de me faire perdre mon temps. Actuellement il contrôle moins le cadre de la feuille , il sort peu ou pas de la pièce. Il commence à intégrer la notion d’écriture semble t -il : « grâce à l’ordinateur j’ai rentré les coordonnées , j’avais écrit « spinosaure » … …ses traces de griffes faisaient comme un message , y avait écrit : je vous l’offre. A croire qu’il savait lire avant tout le monde , avant la préhistoire. » Je terminerai ce travail qui est toujours en cours en reprenant ses paroles à lui « Pour que nôtre planète , la terre numéro 2 soit comme la nôtre , il faudra sauver l’aqua système des quatre coins du monde. C’est un sacré projet , créer une planète habitée par des animaux préhistoriques. » ……………..
Hector. Emeline Chambert
Dans le cadre d’une réunion intitulée « clinique du sujet » des professionnels font part de questions qu’ils se posent à partir de suivis qu’ils engagent avec des enfants autistes ou psychotiques. Nicole MOISSINAC présente, dans ce cadre, le travail entrepris avec Hector. Lors d’une réunion se pose la question de « l’adresse », du statut de ce qu’il dit. Il nous a alors semblé nécessaire de resituer ce travail dans une trajectoire : Comment est-il arrivé à l’hôpital de jour ? Où s’origine ce dont il est question dans son travail individuel ? Pouvons-nous saisir une logique dans sa construction sur une dizaine d’année ? Pour répondre à cela, certainement aussi parce que, en qualité de psychologue, j’ai travaillé auprès de l’équipe qui accueille Hector, je propose de reprendre son dossier pour y relever ce qui semble répondre à ces questions. Dossier nommé « dossier patient » qui recense des notes de synthèse et des écrits divers. Je vais donc vous présenter ce travail qui a été enrichi aussi par des discussions avec Dominique BECHIR, l’éducateur qui a été son référent pendant plusieurs années.
Dans un premier temps je vous transmettrai quelques éléments sur les premières rencontres de Hector dans nos services. Puis je retracerai les étapes que j’ai pu dégager de son parcours.
Présentation
Hector a aujourd’hui 14 ans.
Les premières rencontres avec nos services ont lieu en Mars 2000, il a alors à peu près deux ans et demi. Il est accompagné par sa mère. Elle dit qu’il n’écoute pas, qu’il ne peut être dans aucun lieu de socialisation, qu’il est instable, qu’il ne sollicite jamais les adultes et ne demande rien. Il peut parler mais uniquement en écholalie. Les changements le font réagir et l’inquiètent.
Pour elle, les difficultés ont commencé lorsque son fils a 14 mois, moment où face à l’absence du père de son fils elle se sent seule. Les quatorze premiers mois de la vie de Hector sont marqués par trois déménagements, vécus difficilement par sa mère. Son père pour des raisons professionnelles est souvent absent. Ils reviennent au 14 mois de Hector dans leur région d’origine. Dans ces moments où elle se sent seule, elle décrit des états de compulsions et d’hyperactivité qui l’entrainent à être soit complètement indisponible pour son fils soit à l’hyperstimuler. Elle appelle cela des « crises » après lesquelles elle éprouve un vide et se sent épuisée. Elle parle de relation fusionnelle avec son fils : « je le connais par cœur », « si j’aime, il aime, si je n’aime pas il n’aime pas ». Il est noté que la mère organise la relation père/fils et il y a très peu de notes qui concernent le discours du père. Hector est admis à l’hôpital de jour en 2001. Il a donc 4 ans.
1) Un repli autistique ?
Dans les premiers rendez-vous à l’hôpital de jour, lorsque sa mère s’absente pour un quart d’heure, il s’effondre, s’accroche à son biberon qu’il engloutit. Suite à sa disparition il ne marque rien de particulier.
C’est un enfant qui ne semble être intéressé ni par les adultes, ni par les enfants. Il est souvent à genou. Il se bouche les oreilles s’il y a du bruit autour de lui, si des enfants ou des adultes lui parlent, si des objets tombent. Il peut aussi se replier dans un coin. Au moment des repas il est sous la table et peut accepter qu’on lui tende un peu de nourriture. La question de la nourriture est amenée d’emblé par la mère qui explique que petit Hector suite à une gastroentérite où il avait vomi, refuse de s’alimenter. Il éprouve de fortes angoisses avec des écœurements et des spasmes face à la nourriture. A l’hôpital de jour Hector reste très sélectif, il ne mange que des aliments qu’il connait les autres semblent l’écœurer.
Il se présente avec deux centres d’intérêt les poissons et les voitures mais il refuse toute participation des autres enfants et des adultes. Il interpelle seulement les adultes de façon utilitaire.
2) Sa trouvaille. Une solution pour supporter le monde et parler : « les pailles ».
Ses parents font des travaux et son père est électricien. Un jour Hector arrive avec des câbles électriques, trois, qu’il accroche les uns aux autres. Il se redresse, déambule dans les locaux. Le regard fixé sur sa construction il supporte mieux la présence des enfants et parle des poissons puis des dinosaures. Il acquiert alors beaucoup de vocabulaire dans ce domaine. Grace à cette construction le monde semble moins intrusif et menaçant ce qui lui permet de parler. Les fils électriques ont du être abandonnés, sa mère a remplacé cela par des doudous puis Hector a trouver « les pailles ». Il a repris sa « solution » initiale en remplaçant les trois fils par trois pailles, toujours soucieux de la qualité de leur jonction, il semble qu’il les change lorsque la jonction n’est plus « parfaite ». Mais il n’en a jamais rien dit. Ces pailles permettent à Hector d’aller à l’extérieur de l’hôpital de jour. Il est souvent seul, il les met à la bouche, les machouille, les articule, il parle, il se parle. Hector accepte alors d’être interpellé et il sollicite les adultes. Lorsqu’il n’a plus ses pailles il s’effondre, pleure, hurle et peut être agressif.
3) Les dinosaures : Deux repères : le nom puis la mort
Face au réel de la naissance de sa petite sœur, lors à nouveau d’un week-end chez son père, il aurait fait un dessin pour son père que celui-ci interprètera comme la mise en scène de son suicide. Nous ne savons pas si c’est le signifiant d’Hector ou de son père, mais par la suite dans son travail il le reprendra à des occasions où il est question de sa mère, Nicole Moissinac nous en parlera. Le fait que cette naissance le renvoie à sa propre disparition signifie-t-elle qu’il perçoit qu’il n’y aurait de la place que pour un auprès de sa mère ? Quel sens donner à ce mot de suicide, est-il équivalent à la mort pour lui ? Cependant ceci été le départ de nombreux changements :
- Il supporte très mal les longues séparations d’avec sa mère. Par exemple jusque là les séjours dits thérapeutiques se passaient sans difficultés, à ce moment là, il pleure, dit qu’il est triste, il dit que sa mère lui manque. Il refusera même d’y participer.
- Hector s’isole de plus en plus des moments où les enfants sont regroupés, mais il investit les adultes pour faire part de ses connaissances :
- il parle d’évènements qui ont eu lieu en son absence et cherche à se situer dans son histoire familiale. Il parle de ses ancêtres jusqu’à arriver à se nommer et s’inscrire. Il écrit d’ailleurs son prénom.
- ce qui le préoccupe alors est la question de la procréation et à partir de celle-ci il semble que s’ordonnent les connaissances qui étaient éparses jusque là : les poissons, les dinosaures, ses ancêtres puis lui-même. Une véritable évolution du vivant qui lui permet de soutenir son existence.
Soutenir un tel travail individuel est difficile dans un hôpital de jour où prime souvent le collectif. Une situation exceptionnelle du fait de nombreuses absences de professionnels de l’hôpital de jour a fait que Nicole Moissinac qui travaille au cmp est appelée en remplacement. Vous verrez comment Hector s’est saisit de cette offre et a permis la concrétisation de ce qui balbutiait alors pour lui, à savoir toute une construction qui soutien son existence.
Remarques et ponctuation sur « suivre Hector ».Dimitris Sakellariou
Deux premières remarques me paraissent importantes à rappeler : le caractère inachevé de ce travail qui est toujours en cours et d’autre part qu’il s’agit d’un travail à plusieurs où il s’agit de se hâter de ne pas trancher de ne pas conclure trop vite du moins pas avant de s’être laissé suffisamment enseigner par l’approche clinique même et surtout lorsqu’il arrive qu’elle bouscule nos hypothèses théoriques ou plus simplement nos idées reçues. Nous restons donc à la hauteur des pâquerettes de notre approche structurale en revisitant une thèse déjà ancienne énoncée par C. Soler sur l’autisme comme maladie de la libido. Le rappel d’usage est que si le sujet autiste à l’instar du psychotique ne peut se soutenir d’aucun discours établi il est néanmoins sujet au langage dans la mesure où il se trouve sous les effets des signifiants de l’Autre. Ces effets touchent le corps ce qui donne ces effets dits de branchement ou le sujet s’anime en alternance avec les moments d’effondrement quand l’Autre s’éloigne ou laisse tomber le sujet. Parfois c’est le corps même de l’Autre qui sert de support et de relais à ces moments d’animation qui ne passent pas inaperçus le corps de l’Autre fait bord d’incursion libidinale et cela a pour effet l’animation du corps du sujet sous différentes formes. Évidemment la question que cela soulève est celle de savoir comment distinguer justement cette énergie qui anime le corps de on effet d’intrusion au niveau du sujet. Je laisse pour le moment cette question de côté. Nous pouvons schématiquement rendre compte de cet effet d’animation par le biais des cercles d’Euler où l’on vérifie la thèse de Lacan selon laquelle les limites de l’organisme vont plus loin que celles du corps car seulement une partie de l’organisme constitue le corps par l’incorporation du signifiant (par exemple les bords pulsionnels) l’organisme d’ailleurs n’est pas perturbé il fonctionne tout seul mais le corps lui est perturbé car il est soumis à l’ordonnancement des demandes de l’Autre. On peut constater ces effets de la prise partielle de l’organisme dans le corps en contraste par rapport à ce qui fonctionne comme du pur vivant lorsqu’on évoque parfois l’insensibilité des certains sujets au froid ou à la douleur. Le branchement du corps du signifiant empiète sur le vivant (organisme) pour revenir à Hector nous avons constaté qu’il a suffi qu’il vomisse une fois pour que son rapport à la nourriture soit durablement perturbé. Lorsqu’il arrive à l’hôpital du jour il est décrit un peu comme un objet métonymique et lorsque sa mère s’en va il s’effondre reste en retrait se replie dans un coin, va sous la table eu moment des repas… Cet enfant est tout sauf animé.
Les séquences que sa mère décrit son rapport fusionnel à lui le situe bien à la place d’objet réel de son fantasme (cf. note à Jeny Aubry de Lacan en 69). On y remarque déjà l’alternance entre les états d’hyperactivité compulsive où il est « hyperstimulé » et les états qu’elle décrit comme moments de vide d’épuisement. Ceci n’a rien à voir avec les va et vient de la mère en tant que symbolique. On s’aperçoit des efforts de cette mère d’animer cet enfant directement en le stimulant à défaut de pouvoir le phalliciser, dans la mesure ou cet enfant vient à la place d’un objet inerte mort dans son fantasme à elle. La mère se trouve donc en place de l’Autre réel de l’Autre primordial dont son fils fait partie. Hector face à cet Autre maternel ne dispose d’aucune dialectisation possible il reste attelé à ce signifiant DM dont la signification reste énigmatique et nous l’avons vu peut incarner une menace d’abandon voire même tourner à la persécution.
L’objet autistique.
La première réponse comme telle en tant que sujet a consisté pour Hector à se doter d’un objet particulier objet autistique certes, et c’est manifeste malgré les efforts de la mère de lui filer entre les mains un objet type objet transitionnel. On ne peut pas cloquer un objet avec la cohorte de sa fonction spécifique comme ça à un sujet. Cet objet c’est Hector qui le choisit en le prélevant dans l’environnement familial immédiat le père est électricien. On aurait pu élucubrer en cherchant du côté du sens quelque signe évoquant la métaphore paternelle. Il n’en est rien. En revanche nous sommes tentés de supposer que cet objet si autistique qu’il soit comporte une certaine valeur libidinale. C’est un peu comme une pile libidinale qui permet à Hector de s’ « autonomiser » en réalité de pouvoir soit arpenter les couloirs en se parlant à lui même come il lui arrive aussi de le faire à un moment lorsqu’il est avec Nicole et qu’il dit réfléchis ! Encore qu’il s’agit plutôt là d’un commandement surmoïque. Toujours est-il que cet objet fils électriques transformé en objet « pailles », connectées par un bout l’une dans l’autre qu’il n’hésite pas à s’en servir aussi pour border la cavité buccale voire les mâchouiller par un bout, lui permet en dehors de déambuler de rester en contact avec les autres d’abord les adultes mais plus récemment aussi avec les autres jeunes de l’hôpital. Il investit ces moments d’échange (il fait partie des ainés de son groupe par son âge), en se donnant un rôle d’enquêteur ce qui eut été absolument impensable quelque temps en arrière.
Le rapport à l’Autre.
Ce qui nous a frappés et nous a fait nous poser pas mal de questions c’est l’évolution de son rapport à l’Autre. Hector a appris à se servir de l’Autre d’une façon tout à fait particulière. Il se sert du langage et de la parole d’une façon plutôt pléthorique. Il n’arrête pas de parler dans un verbiage incessant et il peut passer d’un adulte à l’autre il arrivait toujours à trouver un de disponible pour l’entendre raconter ses histoires de dinosaures et de Titeuf parfois réunis, ou mêlés à des questions pour lui d’actualité ou du futur. La rencontre avec Nicole a introduit un nouveau dispositif séquencé qu’il poursuit depuis, étant d’une assiduité irréprochable. Le passage par l’écrit par les soins de Nicole qui s’est évertuée à rester fidèle à la tâche quelque peu ingrate du secrétaire nous emble je dis bien nous semble avoir transformé son discours initialement à la cantonade à un espace constitué dans un cadre déterminé et pouvant compter sur une collaboratrice qui se montrait docile. C’est ce contexte d’un transfert particulier qui nous permet peut être de parler de tentative de construction d’un texte qui pourrait avoir comme fonction la construction d’un mythe sur les origines une espèce de croisement de phylogénèse et d’ontogénèse (l’usage des termes reste métaphorique) où néanmoins se construit un Autre de synthèse pas très loin de son univers ce qu’il appelle son monde imaginaire, modelé par lui-même. Il me faisait souvent penser à Gödel lorsque celui-ci évoquait avec le plus grand sérieux du monde que les forêts qui jouxtaient le lieu de son domicile étaient habitées. Cet Autre de synthèse espèce de double avantageux au monde trop normé qu’il ne peut habiter qu’à l’aide de ses pailles n’est-ce pas là où il nous convoque ce qui constituerait une alternative à la nécessité ou l’obligation à s’ »ouvrir comme on dit à notre monde comme si celui-ci était plus habitable par le seul fait que nous sommes plus nombreux à l’habiter que ceux qui ont jeté l’éponge ou bien qui se tiennent à distance, à carreaux comme vous voulez pourvu que la jouissance ne vienne à les envahir en même temps que les signifiants contaminés de l’Autre.
C’est alors que la question sur l’adresse que Nicole avait introduite dès qu’elle avait décidé de nous parler d’Hector a fait retour. Après réflexion il s’agit d’une question beaucoup plus ardue qu’elle n’en a l’air. Il nous semble plutôt que Hector a l’autre à l’œil comme on dit. C’est sa façon à lui peut être de le barrer en ne lui laissant pratiquement aucun espace tel un P.D.G. affairé à sa secrétaire. C’est lui qui décide de tout ce qui s’écrit réduisant l’espace de l’autre à l’essentiel, comment pourrait-il s’adresser à l’Autre alors qu’il n’en attend rien que de le laisser poursuivre sa tâche en le nourrissant abondamment mais aussi en lui confiant sa propre production. Il faut bien pourtant qu’il y ait une supposition d’un savoir dans le réel savoir dans lequel il puise inlassablement pour ses productions Ce savoir dans le réel est la supposition minimale pour que le transfert soit possible. Mais alors la question se pose légitimement y a-t-il vraiment transfert et si oui n’avons nous pas à faire à un transfert à l’envers ce qui constitue une modalité viable dans le cadre de la psychose ? Hector n’a-t-il pas inventé lui-même une invitation à partager son monde troublé par la présence envahissante de l’Autre ? C’est avec toutes ces questions et d’autres que vous auriez peut-être que nous pouvons aborder maintenant la discussion que nous escomptons riche en échanges.
