L’Association de psychanalyse Jacques Lacan s’autodéfinit comme supplémentaire. Ne dissuadant aucun de ses membres d’appartenir à une autre association psychanalytique, elle ne participe pas d’une logique de scission.
L’Association de psychanalyse Jacques Lacan s’autodéfinit comme supplémentaire. Ne dissuadant aucun de ses membres d’appartenir à une autre association psychanalytique, elle ne participe pas d’une logique de scission . Elle entend seulement permettre l’association de celles et de ceux qui, toutes choses pouvant être inégales par ailleurs, sont portés par un certain nombre d’exigences prioritaires.
Elle fait la lecture forte, et certainement risquée, que la dissolution de l’EFP en 1980 par Lacan est à interpréter comme une rupture avec le concept d’Ecole-lnstitution. En conséquence, l’APJL ne s’identifie pas à l’Ecole, comme il est de règle quand il yen a plusieurs, mais veut, conformément au souhait de Lacan, « faire école ». « Faire école » implique qu’elle s’en donne les moyens. L’expérience de la passe, avec le dispositif qui le permet, en est un, mais pas n’importe lequel. La passe est en effet ce qui peut réaliser la finalité d’une psychanalyse qui ne se limite pas à la seule satisfaction propre du sujet mais par laquelle « la satisfaction du sujet trouve à se réaliser dans la satisfaction de chacun, c’est-à-dire de tous ceux qu’elle associe dans une oeuvre humaine » (Lacan, 1956). De même, sans l’expérience de la passe, pas moyen d’éclairer le « choix fou » du passage à l’analyste, en tant que celui-ci relève, sans aucun doute, de cette offre à entrer dans le discours analytique, qui fait pièce et objection à tout autre, et en premier lieu au discours du maître. Il s’agit non pas de supprimer -idéalistement -le signifiant maître, mais de le décoller de la place d’autocratie d’où prolifère l’abus comme norme.
Ni la psychanalyse ni la passe ne sont des fins en soi, sans quoi elles se fétichisent avec cette conséquence imparable d’empêcher l’association en faisant prospérer l’institution. L’association de psychanalyse contre l’institution psychanalytique est le seul pari susceptible de rouvrir la boîte de Pandore de ce qu’il y a, toujours, à savoir.
C’est un fait que, malgré leur nombre et leur qualité, les élèves de Lacan n’ont pas su, vingt ans ayant passé, aller au-delà d’une conservation de son enseignement, ce qui d’ailleurs, certainement pour une raison de structure, a comporté une part de stérilisation des « ressources de doctrine ». D’où la prio- rité à donner sans plus tarder à la revitalisation de ce que, faute de mieux, on appellera recherche psychanalytique, sachant par l’histoire que, entre Freud et Lacan, il n’y eut pas seulement le post-freudisme qu’on stigmatise, mais une floraison de chercheurs sans inhibition (de Balint à Winnicott) dont Lacan a su faire son miel -certes en reconstituant les ruches. L’histoire ne se répète pas forcément, mais elle peut nous instruire. De toutes les façons, ce ne serait que par une formation de réaction opportuniste qu’on voudrait affaiblir, pour quiconque est concerné parla psychanalyse, analysant ou analyste, ou autre, l’impératif d’ avoir à la réinventer. Les casseurs de ce rêve ne sont pas les payeurs, mais leurs usuriers.
L’APJL désire mettre au chef de son fonctionnement le discours analytique. Qu’ est-ce à dire, sachant que ce discours reste virtuel sans le désir de l’ analyste qui le « commande » ? Rappelons l’insolite de ce commandement, puisque les pouvoirs de la cure reposent sur l’impouvoir actif de ce désir. Comment, dès lors, en penser et en pratiquer l’exercice dans le domaine associatif ? Il y a, d’abord, les multiples et persévérantes initiatives de Lacan, du cartel à la dissociation de l’écrit et de la signature (cf. Scilicet), de la « rupture de hiérarchie » (non sa suppression) [1967] à la primauté du fonctionnement sur la considération des personnes, en bref tout ce qui se règle sur le principe borroméen du non-deux sans trois.
Doit-on s’étonner que ces novations aient été subrepticement détournées, soit par la mise en place d’un moyeu fixe qui fait de la permutation un rideau de fumée pour un verrouillage strict, soit par le dopage de tels transferts épistémiques au moyen de la suggestion institutionnelle, soit encore -la liste n ’ est pas close -par la constitution d’une gentry psychanalytique. Cela, pour ce qui est à éviter, et qui est évitable.
Quant aux idées moins distinctes, un premier arpentage serait de considérer la cure, en tant qu’ elle permet l’émergence du discours analytique, comme le prototype dont le fonctionnement associatif pourrait se ressourcer. Par exemple, en abandonnant le programmatique, qui rime trop bien avec le pédagogique, et en veillant à ce que l’enseignement ne fasse pas obstruction à la régénération du savoir.